Et puis le temps de rédiger ce long chapitre particulier au sein de la non moins longue saga Coke en Stock, à savoir environ de janvier à juin 2018, d’autres événements se sont produits entre temps, dans les pays cités tels la Bolivie, où le président Morales a fait la une des journaux, de façon fort « people » si l’on peut dire, ou le Paraguay, qui a vu la disparition de son ministre de l’intérieur dans un accident d’avion et l’élection du candidat annoncé, Mario Abdo Benitez, dans l’épisode CLXXVII, mais aussi les incontournables Honduras, Belize et Venezuela dans lesquels on a découvert de gros porteurs de cocaïne (je reviendrai plus tard sur ces arrivages qui ont vu notamment un jet biréacteur Hawker se poser sur une route de campagne au Belize, on peut le voir ici redécoller aux mains d’un pilote de l’armée très expérimenté, car il faut oser le faire !), mais aussi au Brésil, où l’on permettra sans doute juridiquement à Lula de se représenter comme président alors qu’il est toujours à ce jour emprisonné, tandis qu’en Argentine, les déboires de l’ex-présidente Kirchner sont loin d’être terminés (un de ses chauffeurs, arrêté depuis, avait gardé avec lui un carnet où il avait consigné tous les versements d’argent par valises, pour des montants faramineux).
Commençons d’abord au Brésil, par un repêchage, en juin, d’un avion dont on n’avait pu voir que les formes au fond de l’eau, survolé par un hélicoptère de l’armée. On avait eu un peu de mal à en définir l’aspect, mais c’était bien un Beechcraft Baron bien classique, comme le montre la photo, une fois sorti de la la lagune d’Uberaba, dans le Pantanal, puis démonté pour être expédié par barge sur le fleuve. L’avion avait été intercepté le 25 avril dernier par les forces aériennes brésiliennes : repéré par un avion radar E-99, il avait été ensuite abattu par l’un des deux A-29 Tucano lancés à sa poursuite.
L’avion, un Beechraft Baron B-58 d’après ses vitres rectangulaires arrière) emportait une demi-tonne de coke, dont la majeure partie avait été récupérée. Mais comme il en regorgeait littéralement c’est sans surprise qu’on avait découvert 60 kilos supplémentaires à son bord, dans un endroit non déterminé de l’avion. Le corps du pilote n’avait pas été retrouvé : avait-il réussi à s’échapper lors de son amerrisse forcé, l’option reste possible. Selon la police et l’armée, le Tucano avait atteint un des moteurs de l’appareil, et le fuselage ne portait aucune trace d’impact. Tirer sur les avions de trafiquants est autorisé au Brésil en 2004. La procédure a été utilisée pour la première fois en juin 2009, lorsque des pilotes ont tiré sur un véhicule monomoteur transportant 176 kilos de cocaïne à Rondonia. Après les tirs de semonce, le pilote du monomoteur avait atterri. On ne sait ce qu’il est advenu de ce chanceux, donc (et de son coéquipier car ils étaient deux à bord).
La seule chose gênante, dans cette pêche aux vestiges, est que dans tous les clichés de l’opération, la police prendra grand soin de disposer devant la partie du fuselage portant l’immatriculation de l’appareil un bout de métal, en l’occurrence ici la partie droite du gouvernail horizontal, disposé sciemment (on a replié exprès vers le haut son aileron, voir ici à droite) pour éviter qu’on ne le distingue. Pour quelle raison ? Impossible de le savoir. Cherchait-on ainsi à dissimuler le propriétaire de l’aéronef ? A noter que l’on avait acheminé le butin repêché via un petit Cessna immatriculé PT-KCL, siglé « Operaçoes Aéeras », celui de la police et à l’origine l’avion saisi à des trafiquants…
Le vol d’avion, un sport toujours très prisé
Voler des avions, ou tenter de les voler, demeure un sport brésilien fort pratiqué. On en a encore eu la preuve en juillet, avec l’attaque, il n’y pas d’autre mots, d’une fazenda propriétaire de deux types d’avions prisés par les trafiquants. Le PT-CPI un Piper PA-28-180 (N°28-3384) enregistré au Brésil depuis le 7 juillet 2006, et le PT-NMO, en Embraer EMB-710C « Neiva » (N° 710182) au Brésil depuis le 14 avril 2005. Ça s’est passé à Aquidauana à la ferme de Pesqueira Santo Antônio, à 135 km de Campo Grande, dans un secteur réputé pour sa pêche en lacs (ici à droite son hangar avec sagement parqués ses deux appareils) où des policiers prévoyants s’étaient rendus à la suite d’un coup de fil anonyme et l’interception d’appels téléphoniques annonçant la venue prochaine de malfrats pour dérober les avions, ou l’un des deux avions. Deux trafiquants étaient alors arrivés au petit matin, les armes à la main (de calibre 38), dans une Volkswagen gris argent. Des coups de feu avaient aussitôt été échangés. La police avait aussitôt riposté sur les assaillants, tous deux blessés dans un premier temps mais annoncés comme décédés peu de temps après.
A noter que le Neiva, au nom d’Antonio Fancelli avait eu son « Certificate of Airworthiness » suspendu puis carrément interdit : l’avion n’avait plus le droit de voler ! Etaient-ils mal renseignés ou bien souhaitaient-il s’emparer du seul PA-28 ? La police arrêtera peu après un troisième larron, José Carlos Neto Cabreira, le cerveau présumé de l’opération, arrêté dans une auberge du quartier universitaire de la capitale, et un quatrième homme devant être le pilote. L’avion aurait été proposé à la vente pour 500 000 reais, selon, la police. Au mois d’octobre précédent, selon le site Coxim Agora, un avion avait été volé d’une toute autre façon à Santo Antônio de Leverger, à 30 km de Cuiabá, après que le pilote ait reçu un appel de détresse provenant d’une fazenda de Santa Tereza. Un procédé tordu avait été ce jour-là employé par les trafiquants : un faux appel de détresse indiquant qu’une personne ayant des problèmes de santé ne pouvait accéder aux ponts agricoles cassés, et ne pouvait donc pas se déplacer en auto.
Le Cessna PT-KCM (ici à gauche, un Cessna 182P (N°1826329) enregistré au Brésil le 15 décembre 1997), avait été approché par des bandits armés et cagoulés, et le fils du propriétaire, pilote également, le seul avec son père à posséder les clés de l’appareil, avait été abandonné en voiture par une autre partie de la bande un peu plus tard sur une route de campagne. L’avion, qui n’a pas été retrouvé depuis, n’avait pas dû aller loin, dans un premier temps : il ne possédait que 69,8 litres de carburant, ce qui lui donnait une autonomie de vol d’environ 70 minutes. La frontière bolivienne est à 288 km, soit à un peu plus d’une heure de vol : pile poile pour s’y rendre à la vitesse moyenne d’un 182. En juin 2017, des bandits armés avaient, je le rappelle, investi l’hôtel Sesc Pantanal de Poconé (à 100 km de Cuiabá) et volé un autre Cessna, immatriculé PR-ESC. Son pilote, Rogério Lana Gomes, avait alors été enlevé au moment où il se posait sur sur la piste près de l’hôtel. Sous la menace, il s’était envolé avec à bord les voleurs qui le libéreront trois jours après l’enlèvement, dans l’État de Rondônia. L’avion n’a à ce jour jamais été retrouvé (lire ici et là également cette aventure).
Bis repetita
Voler pour pouvoir voler ? Une autre tentative encore cet été avec une autre bande venue tenter de récupérer un avion déjà saisi auparavant avec 150 kilos de coke à bord. Ça s’est passé dans le Mato Grosso, encore une fois, Mato Grosso, où quatre truands bien décidés ont envahi l’aéroport de Cárceres, situé à 220 km de Cuiabá, le 1er août dernier. L’avion avait été saisi le 10 juin précédent. La police, qui redoutait la tentative, avait tout fait pour l’en empêcher notamment en demandant des modifications sur l’avion, faites par un mécano local. Les voleurs pouvaient mettre en marche l’avion mais ce dernier était incapable de décoller.
Dépités, le quatuor se vengera sur le système d’alimentation en essence du petit aéroport. L’avion qu’ils avaient tenté de récupérer était le Cessna PT-IDV, un petit Cessna 182P (N°18261218) enregistré au Brésil le 24 mai 2012. Un habitué de Goiânia. L’appareil, qui avait été suivi lui aussi par un E-99 (efficace donc, comme engin !) avait été intercepté début juin par deux avions d’attaque A-29 Super Tucanos qui lui avaient fait signe de se poser à Tangara da Serra. Mais au lieu de ça, il avait effectué une manoeuvre fort risquée pour atterrir sur un chemin dans une zone rurale de la commune du Ciel Salto.
Son pilote chevronné, appelé Harysohn Pedrosa Pina âgé de 46 ans,
les policiers le connaissaient bien : il sortait tout juste de prison ! En effet, en 2015, avec quatre complices, il avait déjà tenté de voler l’appareil immatriculé PR-NFE (ici à gauche) sur un aérodrome près de Sinop, à a 503 km de Cuiabá.
L’avion appartenait à un industriel faisant dans le bois. L’avion, acquis en 2005, avait été évalué à plus de 1 million de Reais. Un policier Mário de Almeida Mattos, 33 ans, était mort dans la fusillade durant la tentative. De tous les accusés, c’est le pilote qui s’en était le mieux sorti : Harysohn Pedrosa Pina, âgé de 45 ans avait été condamné à 25 mois de prison, José Carlos da Rosa Silva, 43 ans (à 10 ans et 9 mois), Revelino Leismann, 44 ans (à 8 ans et 10 mois), Genivaldo Ferreira dos Santos, 55 anos (à 11 ans et 9 mois) et Bruno de Lima, âgé de 21 ans à 7 ans et 10 mois.
Le nouveau camarade de Pina, le copilote de l’avion PT-IDV, Aldo Sánchez Sandoval, de nationalité bolivienne, sur des photos, était un militaire, qui arborait jeune (pendant son service militaire en fait) l’uniforme des forces de sécurité du pays dont il était originaire (photo à droite). Il avait avoué aux policiers avoir reçu 5 000 dollars pour la cargaison, qui devait être livrée à Chapada dos Guimarães (à 67 km plus au nord). Gag ultime : les pains de coke qu’ils transportaient avaient été signés au goût du jour, puisqu’ils portaient l’effigie de la coupe du monde 2018 (ici à gauche)…. quant à savoir pourquoi l’un des 5 accusés lors du vol du premier appareil s’en était mieux sorti que les autres… Harysohn Pedrosa Pina qui avait été condamné à 25 mois de prison seulement pour la première tentative n’est autre en effet que le fils de l’ancienne députée de l’Etat et Première dame de Barreiras (BA), Antonia Pedrosa Pina (ici à droite): ceci expliquant cela pour de nombreux observateurs, ce qui en dit long aussi sur le rapport entre les politiques et la justice dans le pays. Les quatre malfrats de la nouvelle opération, repérés et nommés, Daniel Tenório, José Carlos da Rosa Silva (Carlinhos), Rivelino Leismann (Chapolin) et Genivaldo Ferreira dos Santos (« Gaúcho ou Neguinho ») sont depuis recherchés en vain. Tous habitaient à Sinop. Harysohn Pedrosa Pina attend aujourd’hui d’être de nouveau condamné… pour son transport de pains de coke de coupe du monde !
Une affaire très mystérieuse
Ça démarre par une déclaration assez sidérante début juillet 2018 : arrivé en moto-taxi dans un commissariat, un pilote appelé Sergio Vanderlei Becker (ici à droite) déclare devant des policiers sidérés qu’il avait embarqué deux passagers à bord de son avion bimoteur mais que ces derniers auraient alors commencé à se disputer après environ une heure de vol. L’un des passagers aurait même tué l’autre d’un coup de pistolet, selon son témoignage.
Le tireur aurait aussi réussi à jeter le corps de la victime par la porte de l’avion, et ce, en plein vol, ce qui semble bien improbable en réalité !!! Les deux passagers de la rixe étant un « turc » et un « polonais » selon lui. Les policiers en restent bouche bée. Et attendez, ce n’est pas fini, le pilote aurait réussi ensuite à désarmer le meurtrier, et même à le tuer lui aussi, avant de faire plonger son avion dans un fleuve, dans la région minière d’Itaituba, au sud-ouest de Pará, d’où il aurait été le seul à s’extraire vivant. Bref, ils avaient affaire à un vrai superman venant expier ses fautes, à défaut de ses exploits !!! En fait c’est sur la rivière Jamanxim que le PT-IIU, un Piper PA-31-310 (Navajo), numéro 31-852 enregistré le 08 août 2001 au Brésil, s’est laissé apparemment mollement amerrir, le jeudi 28 juin vers 17 heures, une opération toujours délicate montant une réelle maîtrise de la part du pilote. Selon le Registre aéronautique brésilien (Registro Aeronáutico Brasileiro, RAB), disponible sur le site Web de l’ANAC, le l’immatriculation de l’aéronef PT-IIU « faisait l’objet d’une inspection annuelle de maintenance (IAM) depuis le 30 mai 2018« . L’avion un modèle Piper, fabriqué en 1972, appartient à Marcelo Oliveira Silva. Il avait quitté le matin Guarantã do Norte, dans le Mato Grosso (à 736 km de Cuiabá), à destination d’Apuí, en Amazonie, selon son plan de vol établi. La version abracadabrantesque du prétendu pilote laisse les policiers dubitatifs, mais ils se rendent très vite à l’endroit indiqué pour voir effectivement un avion bimoteur toujours en train de surnager au dessus de l’eau, portes d’accès latérales à moitié ouvertes. Mais pas la moindre trace de cadavre visible à bord.
Il relèvent néanmoins à bord des traces de sang et même… de matière cervicale, paraît-il, dans le fuselage de l’appareil à demi submergé. Le mystère demeure, mais comme il n’y pas de cadavre, les policiers décident de libérer le pilote… une décision ma foi pour le moins plutôt surprenante. Becker a entre temps déjà changé de version, affirmant qu’il avait « simulé un crash d’avion », et avait en fait « atterri » pour laisser l’assassin s’enfuir à travers les bois, l’avion ayant été ensuite submergé par les eaux ; adieu la prouesse de pilote au passage ! Tout demeure étrange dans ces déclarations, car si l’avion semble encore bien haut dans l’eau, laissant entendre que son train a bien été sorti, une hélice bien tordue du moteur droit laisse plutôt entendre qu’il s’est effectivement posé train rentré sur ce qui devait être une sorte de banc de terre affleurant, car on se situe bien au millier du flux de la rivière. Une situation jamais vue, un récit étonnant dans lequel plane le mystère. Or l’homme qui est à l’origine de tous ces propos plutôt perturbés ou perturbants n’est pas non plus un inconnu :
Sergio Vanderlei Becker a en effet déjà été épinglé auparavant pour trafic international de drogue. En 2015, il a été arrêté dans le Mato Grosso par la police fédérale, apprend-t-on, pour avoir transporté dans son avion 209 kg de cocaïne en provenance du Pérou (ou de Bolivie, l’enquête n’a pas su le déterminer exactement). Becker est un pilote qui ne fait rien comme les autres, puisque l’appareil qu’il a utilisé (ici gauche) était un surprenant VansRV– Aerogard RV10 immatriculé PP-ZGA (Numéro AG-10007), photographié ici par Daniel Popinga. Un avion à construire soi-même, extrêmement performant, dont l’apparition progressive dans le circuit volant de distribution de la coke devient apparent. Pourquoi Becker était-il déjà en liberté, voilà aussi qui pose question. En fait, dès le 19 avril 2016, Sérgio avait bénéficié de la liberté provisoire accordée par le Tribunal fédéral, selon la procédure numérotée 0001981-23.2015.4.01.3606. Une décision venue d’en haut, mais commune à d’autres accusés dans une pratique devenue courante, hélas, au Brésil ! Aurait-il déjà récidivé au sortir de prison ou presque ? L’enquête journalistique semble s’orienter vers cette conclusion (les policiers locaux ne semblant pas fiables). On apprendra en effet quelque temps plus tard que deux autres personnes ont été depuis arrêtées lors de l’enquête qui avait été déclenchée. Avec elles, deux émetteurs radio « de la même marque » ont été saisis selon la presse. Un installé dans l’avion et un autre dans un camion retrouvé à proximité, ce qui, selon les inspecteurs de police, indiquent clairement que l’avion était suivi au sol, le pilote de l’avion étant alors logiquement en contact avec le chef présumé d’un trafic, très certainement de drogue (à moins que ce ne soit de minerai d’or, étant donné la région) en restant « en appui logistique » sur le terrain. La « livraison » aurait-elle alors mal tournée ? Ce scénario semble plus probable que celui échafaudé par Becker, en tout cas !!! Libérer le pilote ayant affirmé avoir lui-même tué un passager et qui possédait à bord des armes et des munitions interdites, avouez que l’acte du policier l’ayant décidé, appellé João Milhomem, de la section de police d’Itaituba, laisse perplexe. Car en réalité, le pilote ne s’était pas présenté de lui-même au commissariat: on était venu le chercher, car il s’était installé tranquillement dans un hôtel du district de Mores de Almeida, après être sorti de d’un avion à demi-noyé qui ne lui appartenait pas. Un peu cavalier, comme attitude, il me semble !!! Ou totalement irresponsable ne serait-ce qu’au niveau des assurances protégeant l’appareil, abandonné dans le cours de la rivière !!! Et qu’en pense son propriétaire ? Et que dire encore du document visible ici affirmant que le 20 mai 2015, le même Sergio Vanderlei Becker avait été nommé par Guilherme Maluf assistant parlementaire de l’Assemblée du Mato Grosso ??? Un Malhuf ciblé en 2017 avec Permínio Filho Pinto, comme tête de réseau d’un système « criminel » de corruption et de pots de vins ? En définitive, que s’est-il passé exactement à bord de cet appareil ? Et pourquoi tant de laxisme à l’égard de ce surprenant pilote et de ses déclarations alambiquées si difficiles à croire et dont aucune n’a pu être vérifiée (à part peut-être les traces de sang) ? Décidément, au Brésil, tout est permis, ou presque ! On peut avouer être criminel (je rappelle que Becker s’est lui-même dénoncé comme avant supprimé un de ses passagers !) et ressortir tranquille d’un commissariat !!!
Le récidiviste d’un groupe international de trafiquants
Le 16 juillet 2018, deux pilotes sont pris en photo, les bras ballants, devant le fuselage de ce qui semble être un Cessna dont la porte d’accès semble montrer qu’il s’agît d’un modèle 207. C’est effectivement ça, avec un avion immatriculé CP-2571, ce qui en fait un avion bolivien (qui porte le même matricule qu’un avion retrouvé écrabouillé au Pérou contre une maison le 24 août 2014, avec le corps du pilote toujours dedans, et décrit ici dans l’épisode CLXVIII de la série). L’avion s’est posé dans un champ près de Puentes y Lacera, à 483 kilomètres de Cuiabá, dans la région de Mato Grosso, en plein fief narco comme on le sait. Les deux lascars s’appellent José Arias Aguirre, âgé de 47 ans et un dominicain, Avelino Astacio Santana, 59 ans : en quelque sorte un équipage international !!!
Devant eux, il y a une partie de ce que contenait leur avion : 343 kilos de coke, pas moins, venue de Bolivie (représentant 5 millions de dollars). Sur la photo, Avelino Astacio Santana a encore en main le petit GPS qui leur ont servi à tous deux à trouver leur route. Il aurait comme propriétaire Luis Alberto Suárez Medina, mais aurait été « en phase de ré-immatriculation » selon certaines sources. Le flou sur son immatriculation permettant à un député d’opposition, Tomás Monasterio, de saisir au rebond la perche tendue par les boliviens et leur gestion calamiteuse, on l’a vu, de leur parc d’avions civils, le député rendant complice la DGAC par absence de contrôle sur l’enregistrement des avions boliviens, Monasterio réclamant le licenciement immédiat de son directeur, Celier Aparicio, « pour sa permissivité face aux crimes de trafic de drogue ».
Or encore une fois, le nom du second pilote apparu dans le Cessna 207 nous dit quelque chose : un an auparavant à peine, il avait en effet été cité lors d’un crash d’un autre type d’avion, accompagnant un autre pilote appelé Diego Armando León Rivera, qui lui était… colombien. Ça s’était passé cette fois-là… au Venezuela, avec un avion parti de République Dominicaine. L’avion étant cette fois un Twin Comander, modèle LLC 500, immatriculé Hl 560, appartenant à INTER ALIA, S. A., qui avait décollé de l’aéroport international de La Romana le 25 septembre, vers 17H30.
Apparemment, suite à des problèmes techniques, le pilote a été contraint de tenter un atterrissage d’urgence à l’aéroport de Dabajuro, au Venezuela. L’appareil s’était écrasé près de la piste et avait alors heurté deux motocyclistes. L’un d’eux avait été tué alors que le second était blessé seulement, les deux victimes étant Kelvin Wiliam Leal et un mère de la police de Falcón, Ferrer Enmanuel. L’avion avait été irrémédiablement endommagé mais le pilote s’en était sorti indemne… et en avait profité pour s’échapper, semble-t-il, dans des circonstances qui restent fort troubles. Selon la presse en effet, les occupants de l’avion, étaient partis en courant, en montant à bord d’un véhicule qui les attendait !!! Alors qu’il venait de tuer un policier !!! L’engin contenait des traces de coke à l’intérieur. Le Twin Commander fait une apparition fugace ici dans cette vidéo dominicaine. L’avion avait aussi été filmé décollant del’aéroport Intl. de Punta Cana vers celui de l’Intl El Higüero en République Dominicaine.
L’enquête avait montré qu’Avelino Astacio Santana, avait été expulsé en 2010 du Parti de la libération dominicaine (PLD) où il était membre du Comité Municipal de Hato Mayor, accusé de soutenir ouvertement la candidature du Parti révolutionnaire dominicain (PRD). Les autorités de la République Dominicaine citaient alors un autre avion en relation avec le Twin Commander porteur de traces de coke à bord : un Piper Navajo, type « Panther » cette fois, immatriculé N338LC qui avait décollé de l’aéroport Internacional de las Américas “Dr. José Francisco Peña Gómez”, le 12 août à 8h58. Il s’était rendu à l’aéroport international Reyna Beatrix d’Aruba, piloté par son propriétaire, Máximo Gómez Peña, un dominicain, et son copilote Francisco Ortiz.
Les deux pilotes rentrant ensuite au pays à la même date en vol commercial, l’appareil qui avait été acheté officiellement le 23 juillet 2016 (il avait effectué son vol de livraison un peu avant, le jeudi 14 janvier 2016 comme le montre ici FlightAware) restant à Aruba et pour effectuer selon les policiers d’autres vols pendant vingt-trois jours d’affilée. Et le 4 septembre, note l’enquête, cet avion a effectué un vol d’Aruba à la ville de Santa Barbara, dans l’état de Zulia, au Venezuela avec cette fois quatre personnes à bord « impliquées dans une affaire de trafic illicite de stupéfiants » notent les policiers. Les autorités vénézuéliennes avaient en effet arrêté les quatre lascars, à savoir le pilote Rafael Ramón Rodríguez (68 ans), le nicaraguayen Orlando José Aguilar López (61 ans), et les deux colombiens de service, en l’occurence, Eduard Heredia (32 ans) et Andrés Cadavi (28 ans). Un équipage encore une fois… international !
Les hélicoptères pas oubliés non plus
Avec l’arrestation de Felipe Ramos Morais (cf le « Coke en stock (CCVIII) : la découverte et la chute des fournisseurs d’avions (43) » on pensait l’usage de l’hélicoptère mis un peu en retrait pour le transport de cocaïne. Détrompez-vous : le 12 juin, le terrain de football de Vila Rubim, à Cambará voit surgir un Robinson R-44 « Astro » immatriculé PT-YFK. Un des 45 portant le matricule PT-Y..: un appareil inscrit au Brésil le 27 juillet 2006 et portant le numéro de fabrication 502 (ici le même type annoncé à la vente à 600 000 reals soit 134 000 euros et là F-GJCZ le portant la même déco). L’hélicoptère, en difficultés, car à bout de carburant, vient de se poser à l’arraché sur stade municipal baptisé João Pereira Lima. Les deux pilotes en descendent et partent aussitôt en quête d’essence (en passant au dessus du mur du terrain, alors fermé, ce qui a l’art d’inquiéter la population locale, bien entendu.
Ils ont été arrêtés peu après à Ourinhos (SP), en train d’en acheter pour ravitailler leur hélico. Mais entre-temps la police, alertée par le voisinage du stade, est venue et a fouillé l’engin, découvrant 140 kg de drogue sous les sièges de l’hélicoptère (109 tabletes de cocaïne et 29 de crack, cf ici à gauche). Le pilote Wagner Benavides Conti, 19 ans seulement, et son passager Paulo Henrique Dias Madelha, 38 ans, tous deux arrêtés, avouent très vite qu’ils avaient chargé l’hélicoptère avec du crack et de la cocaïne au Paraguay pour la livrer à Guaruja, sur la côte de São Paulo.
Chacun devait recevoir 10 000 dollars pour le transport. Ils avouent aussi qu’une étape pour le ravitaillement de l’hélicoptère avait été prévue à Ourinhos, mais le carburant avait été déposé à quelques kilomètres de l’endroit forçant un atterrissage d’urgence dans la ville de Norte Pioneiro. Le plus âgé, Madelha, est originaire de Belo Horizonte (MG) et a déjà été impliqué dans une affaire de trafic de drogue. Le jeune Conti est originaire de Vera Cruz (SP), et jusque-là était inconnu de la police. La drogue, évaluée à plus de 2 millions de reals, a été saisie le jour même et mise en sécurité au siège du 2e bataillon de l’Armée. Le lendemain, la police militaire transportait sur un camion plateau l’hélicoptère saisi à Jacarezinho, pour le mettre à la disposition de la justice. Felipe Ramos Morais a déjà des successeurs !!!
Un avion maquillé
Le 27 mars 2018 PT-KCL du « Centro Integrado de Operações Aéreas » », avait repris du service pour aller vider un autre avion de trafiquants, découvert abandonné dans le Mato Grosso. Un Cessna 210 immatriculé PP-HAR avec à son bord 325 kilos de cocaïne, en provenance du Pérou semble-t-il, ou de Bolivie, les avis divergent sur sa provenance. L’avion s’est posé au bord du fleuve sur une invraisemblable piste de terre dont la vision effraie un peu :
comment ose-t’on se poser ainsi, que ce soit d’ailleurs de la part des trafiquants comme ici celle des policiers arrivés en Cessna eux aussi ? Selon l’armée, c’est à nouveau le E-99 et des Tucanos qui avaient réussi à le localiser.
L’appareil présente extérieurement un maquillage plus ou moins habile d’un avion existant bel et bien sous l’immatriculation PP-HAR, un Cessna 210N Centurion II, bien connu aperçu moult fois dans le pays et photographié à plusieurs reprises, arborant une immatriculation soulignée par un effet de relief que ne présente pas l’appareil saisi.
On peut s’en rendre compte ici lors du festival aérien de Regente Feijó de mai 2014 où le spotteur « Badges » l’avait photographié près d’un stand. La conclusion qui s’impose est que le Brésil est bien désormais la porte de sortie de la coke péruvienne ou bolivienne, et que les ateliers de maquilleurs d’avions de transport de coke sont de plus en plus adroits : l’avion a manifestement été repeint comme s’il s’agissait d’une mise en peinture officielle d’un hangar spécialisé. Impossible en revanche de détecter quel appareil exactement se dissimule derrière ce faux PP-HAR.
L’avion du silo
La police fédérale brésilienne n’a pas chômé cet été : le jeudi 12 juillet, avec le soutien de la police militaire de Tocantins, du Goiás et Mato Grosso, elle a arrêté à Formoso un avion portant environ 300 kilogrammes de chlorhydrate de cocaïne à proximité de l’Araguaia Formoso, au sud de l’État.
L’appareil avait été l’objet d’une plainte anonyme et la surveillance téléphonique de suspects avait fait le reste, pour localiser l’avion au bord d’un hangar, dans un « aérodrome de fortune, connu localement comme aérodrome terrain ou à l’atterrissage, dans la municipalité rurale » précise la presse.. le plus surprenant étant la fameuse « piste de fortune »: en fait une longue piste jouxtant un énorme silo de séchage de céréales, ce qu’une image extraite de Google Earth montre aisément :
La localisation est au 11°48’54.95 S et 49°34’11.46 » O sur Google Earth, à l’ouest de Formosa de Araguaiai, l’État du Tocantins, à une cinquantaine de km à l’est de Gurupi et de son fort discret aérodrome, promis bientôt à un plus bel avenir semble-t-il. La saisie et l’arrestation des deux pilotes Murillo Ribeiro de Souza Costa, et Lucas de Oliveira Penha, ont eu le droit à la une de la TV régionale, visible ici, un reportage qui rappelait la saisie de drogue du très beau PT-ERZ (relire pour ça le Coke en stock (CLXX) : la découverte et la chute des fournisseurs d’avions (5)) celle où les trafiquants qui avaient raté leur atterrissage étaient venus sur place démonter l’appareil pièce par pièce pour se faire finalement pincer en train de le faire, le 30 septembre 2017. « L’avion du silo » est immatriculé PR-LVY: c’est un Cessna 210N N°21061089 enregistré le 26 mail 2011 au Brésil , mais c’est aussi l’ex N159A américain d’origine. Sans trop de surprise on découvre derrière sa vente de 2011 un de nos habitués de ce site et de cette série : c’est en effet North Atlantic Aircraft Services Corp, de Boca Raton qui l’a vendu. L’ancienne « Donna Blue » si réputée… La désormais célèbre entreprise du non moins célèbre « Joao »… retour à l’épisode 15 (Coke en stock (CLXXX) )de notre saga, avec en vedette… Joao Malago !!!
L’avion pris en otage et bourré de Maconha
A 250 km plus au Sud, c’est un autre avion et un autre chargement auquel on eu droit cet été. C’est d’abord une course poursuite inattendue. Un officier de police, le Sgt de la police militaire Gomes, rendant visite à la fazenda de Nossa Senhora Aparecida, située dans dans le Mato Grosso au Park Road Smokey Falls tombe nez à nez avec deux hommes qui venaient d’atterrir avec un avion en quête de carburant.
L’officier avait remarqué que l’une des deux personnes était armée, et les deux paraissant effrayées avaient rapidement décollé sans même avoir fait le plein. Peu de temps après, le même officier de police avait reçu l’appel apeuré d’un propriétaire d’une autre ferme appartenant à Rogério Bervang, située à peine 40 km de Jaciara, indiquant qu’un avion était justement tombé chez lui et que ses passagers avaient aussitôt fui pour se cacher dans la forêt à proximité. En se rendant sur place, il tombe à nouveau sur les hommes, dont un s’enfuit en lui tirant dessus et l’autre lui déclare qu’il est effectivement le pilote de l’appareil et qu il a été contraint par le second à voler sur l’appareil effectivement tombé en panne d’essence.
L’avion est un modeste EMB-720D immatriculé PT-RJZ, (le N° 720148 Rgd enregistré le 10 mai 2002 au Brésil, mais le policier va découvrir dedans plus de 150 kilos de maconha, à savoir de la pâte de marijuana, qui, extraite de l’avion, remplit tout une table : il y en a pour 139 paquets. L’avion était rempli de sacs de voyage noirs contenant les pains de maçonna !!!
Il découvre aussi que le pilote s’appelle Daniel Dias Moreno, qu’il est associé-propriétaire de la compagnie de taxi aérien Amazonas Air Club, qui opère dans l’Aeroclub de Flores-Manaus. Le pilote affirmant à la police qu’il ne connaissait pas son passager, répétant qu’il avait été contraint à le suivre, sous la menace de son arme. L’homme était effectivement pilote de profession, il avait m
ême fait l’objet d’un reportage comme pilote d’un gros Cessna 208 dans le magazine spécialisé Voar de juillet 2013 pour un vol record de 11 heures menant de Santa Genoveva, à Goainia, jusque Manaus en février 2013 avec un très jeune copilote (il y a 1 914 km en ligne droite).
Après le vol d’avion, la prise d’otage !!! En couverture de l’exemplaire où il figurait (ici à gauche) deux Super Tucanos, ceux chargés de la surveillance du ciel brésilien !!!
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