Le crash de Beaufort va laisser des traces, c’est évident. On le présente déjà comme « le premier crash de l’avion en 17 ans de carrière » dans les sites conservateurs US, laissant entendre que c’est un appareil relativement fiable. Or à bien regarder, ce n’est pas exactement le premier qui ce soit écrasé. Un autre s’est produit en 2017, mais celui-là, on a tout fait pour qu’il n’apparaisse pas au moment où Lockheed-Martin négociait un « batch » supplémentaires d’appareils, en négociant des prix serrés qui avaient eu l’heur de déplaire fortement à Donald Trump. Car à bien regarder ce qui avait suivi, on ne peut que conclure à une manipulation. Il y en a eu un troisième aussi, un autre exemplaire détruit après coup, celui-là. Celui du jour, c’est sûr recevra aussi sa dose de désinformation dans les jours et les semaines à venir, aussi, restons vigilants…
Un mensonge de plus ?
Le 8 septembre 2017, vers 18 heures, on annonce la chute d’un avion militaire dans un endroit particulier, celui où l’on teste les avions secrets aux-Etats-Unis, à un centaine de km de la base de Nellis, vers le célèbre Groom Lake (1). A gauche c’est la photo du prototype X-35B au dessus de l’endroit. C’est dans le secteur de la fameuse zone 51, ce qui tout de suite met le web en ébullition complotiste, bien sûr. En face, la chose militaire réagit vite pour allumer des contre feux. Oriana Pawlyk de military.com, porte-parole américano-ukrainienne (?) du magazine web grand public de l’armée US (on ne peut voir cette revue qu’ainsi) intervient et annonce qu’étant dans le saint des saints, elle peut affirmer que si, si, c’est bien un avion « classified », mais insiste tout de suite pour dire que « ce n’est pas un F-35 qui s’est écrasé » : elle annonce avoir obtenu cette certitude de la bouche même du général David L. Goldfein, Chief of Staff de l’Air Force. « I can definitely say it was not an F-35 » écrit-elle avec insistance en Tweet..
elle-même se montrant un peu trop comme poseuse de selfie à bord d’avions militaires, comme on peut le voir ici à droite. Dès l’annonce du crash, le Major de l’Air Base Wing 99 de Nellis (ici à droite sur la photo) avait elle aussi indiqué que “l’information à propos du type d’avion impliqué est classée (secrète) et ne sera donc pas révélée ”. Military.com, on le rappelle, est un site qui a été fondé par deux anciens membres du Joint Chiefs of Staff, et il est très proche des vétérans US qu’il affectionne. C’est l’armée et son lobby qui parle, en fait, par sa voix. Le 11 septembre, sentant que l’on peine à convaincre, on écrit cette fois à Aviation Week, autre bible américaine de l’aviation, pour donner des « précisions « sur ce qui s’est passé. On annonce la même chose, à savoir que ce n’est pas un F-35, qui s’est crashé, et que le pilote qui s’est tué s’appelle Lt. Col. Eric Schultz, 44 ans, un vétéran des essais d’avions « de tous types »,
un ancien technicien civil pour le Pratt & Whitney Seattle Aerosciences Center, qui s’est inscrit chez les militaires en 2001 seulement (il y avait été refusé en un premier temps et avait dû subir une opération des yeux pour pouvoir entrer). L’insistance à tout de suite rejeter la thèse d’un crash de F-35 est forte. Pour ajouter à la pression, on lâche une autre info : Schultz aurait été aux commandes d’un tout autre avion : un russe, ou plus exactement un biélorusse, un Sukkhoi 27 (celui qui est promu partout comme étant le « killer » probable, en cas de rencontre aérienne ! En réalité, on a ressorti pour l’occasion les photos étonnantes de Phil Drake, prises au dessus de Tikaboo Valley, près de Groom Lake, dans le Nevada (le jour de l’élection présidentielle, le 8 novembre !). On avait pu y apercevoir ce jour-là un Sukkhoi 27 Flanker jouer au chat et à la souris avec un F-16, en combat simulé tournoyant.
Toute cette agitation aérienne rappelait un programme des années 60, appelé “Have Doughnut” débuté avec un Mig 21 obtenu d’un pilote transfuge et devenu YF-110, qui avait fait la chasse en tests aux différents F-4, F-5, F-100, RF-101, F-104, F-105, F-111, et même le bimoteur B-66, ou le Phantom RF-4. Plus tard, un Mig-29 d’origine moldave avait aussi été aperçu à Groom Lake. A la même époque, une photo extraite de chez Lazygranch.com prise d’un drone Predator en train de rouler au sol avait montré dans un coin un clone de Sukkhoi déjà sur place. Mais c’était certainement un maquette, plutôt.
Si l’on revient un peu en arrière, on s’aperçoit que ce fameux Sukkhoi est peut-être bien aussi l’un des deux ramenés en 2008 d’Ukraine par l’entreprise privée de Tactical Air, et achetés 4 950 000 dollars pièce. Les engins étaient arrivés en octobre 2008 via un Antonov AN-124 Condor. Sept ans plus tard, on les avait annoncés comme vendus (le 5 février 2015) 6 millions de dollars pièce à une mystérieuse société appelée Meridian Inc., de Wilmington, dans le Delaware, dans laquelle beaucoup avaient cru voir la main de la CIA (lire ici le détail de l’opération). Chez Aviation Week, lors de la fuite organisée, Guy Norris, va plus loin encore, en affirmant que « des sources indiquent que Schultz était le commandant de l’escadron des Red Hats au moment de sa mort. Les Red Hats sont devenus une unité non numérotée dans l’aile de test du Détachement 3, AFTC, après la désacti
vation du 413ème escadron d’essais en vol (anciennement 6513e de tests). Ces dernières années, l’unité a utilisé divers types de MiG-29 et plusieurs modèles développés par Sukhoi tels que le Su-27P, dont l’un a récemment été observé dans les environs ». Mais ça cloche sérieusement comme « preuve », car les Red Hats n’existent plus depuis longtemps, tout simplement ! Comme photo « récente » à l’appui du fameux escadron on montre un vieux Mig 21 avec une ribambelle de pilotes alignés devant. La chevelure de la seule pilote visible trahit vite l’époque de la prise de vue (ici à droite) ; on est dans les années 80, pas en 2018 !!! Manque de chance, on a laissé sur la canopée du Mig 21 un nom bien visible : c’est celui de Jack Manclark, qui était effectivement le commandant des Red Eagles… dans les années 80 !!! Il se trouve, quel hasard, qu’à propos de lui, aussi, j’ai écrit : c’est ici. il y rappelait qu’on avait fait voler sur la zone 51 au sein du 4477th Test and Evaluation Squadron pas moins de huit Mig 23 par exemple. Une véritable brute à dompter, d’ailleurs, selon lui.
Les Agressors de la VMFT-401 (Marine Fighter Training Squadron 401 ) sont eux basés à Yuma, en Arizona, qui abrite aussi les Harriers, et ils viennent visiter régulièrement Beaufort. On en a trouvé deux sur Google Earth lors de leur visite de mars dernier sur la base de Caroline du Sud (ici à gauche). A noter qu’à Beaufort, les F-35 s’entraînent non pas contre des Sukkhoi, mais contre des avions… privés. Ceux d’ATAC (Airborne Tactical Advantage Company) venus avec ses Kfirs, c’est à dire les bons vieux Mirage israéliens, toujours aussi agiles en combat aérien, en remplacement, donc, des anciens F-5 des « Agressors ». J’ai décrit ici-même la société créée par Larry Payne, et Jeffrey Parker, deux passionnés d’aviation. La société est en train de se fournir en anciens Mirage F1 français
: pas moins de 63 exemplaires ont été négociés (j’en reparlerai bientôt je suppose dans un volet sur les « profiteurs de guerre »). Le Mirage, comme le Kfir (un Mirage avec réacteur américain, d’où son fuselage déformé, élargi, à l’arrière) a toujours été considéré comme une vraie doublure de Mig 21, par sa voilure delta. Atac dispose de 26 appareils avec des F-21 Kfir, des MK-58 Hawker Hunter et des L-39 Albatros. Ici un cliché qui montre deux avions d’Atac (Hawker et Kfir) en compagnie du F-35 (le modèle C de la Navy) :
Le projet « Constant Peg » de tests d’appareils soviétiques dont il s’occupait aura testé au total 26 appareils russes ou chinois avant d’être dissous ! On trouvera plus pratique – et moins risqué- de créer toute une escadrille d’avions US ressemblant en comportement au Mig 21, celui des Agressors, avec leurs F-5 et leur petits Skyhawk, peints aux couleurs des soviétiques. Aujourd’hui, c’est devenu une entreprise privée avec des gens comme Draken par exemple ou Tactical Air, ou d’autres encore comme on vient de le voir. L’autre commandant de Constant Peg avait été Glenn Frick (spécialiste du Pitts). Or toutes les opérations du 4477th Test and Evaluation Squadron ont été terminées en 1990. Onze ans avant que l’on n’écrive qu’Eric Schultz ait pu en faire partie !!! Oh, bien sûr, on précise que le principe aurait survécu sous le nom de « Detachment 3, 53rd Test and Evaluation Group » dont la tâche essentielle officiellement est « d’évaluer les nouveaux équipements ». Celui auquel appartenait certes Eric Schultz, c’est sûr. Mais de là à en faire nécessairement un pilote d’avion russe, il y a de la marge. Car ce même Schultz a été pris en photo non pas à bord d’un Sukkhoi, mais bien à bord d’un F-35 (ici à gauche sur la photo prise à Edwards AFB le 15 septembre 2011). Et il n’était pas assis dans n’importe lequel : celui siglé « Lt. Col. Hank « Hog » Griffiths » , le chef du 461st Flight Test Squadron. Avec Jon Beesley, chef pilote chef Lockheed-Martin en 2010, ils avaient été les deux pilotes à ramener les deux premiers modèles de type « A » les AF-01 et AF-02, de Fort Worth, où ils avaient été construits, à la base d’Edwards pour y être testés (ici à droite le vol commun).
En 2011 c’est encore Griffiths qui ira chercher le N°6 construit à Fort Worth. EGriffiths a remis ça pour le N°10, (AF07 0744), Schultz débutant ses vols comme 28eme pilote de F-35 le 15 septembre 2011 justement. Eric Schultz pilotait donc comme Hank Griffiths les tous premiers F-35 sortis !!! C’était un vétéran, déjà, des vols d’essais du F-35, et donc aussi l’un de ses meilleurs connaisseurs ! Un pratiquant régulier du F-35 (qui a toujours besoin de tests, car il faut le modifier constamment, vu que l’on a pas fait de prototype réels (1)) !!! Mort à son bord, très certainement, ce qu’il ne fallait surtout pas montrer au moment où l’on discutait ferme l’achat d’un énième lot d’appareils ? De plus en plus l’idée fait son chemin : l’histoire du Su-27 a été, de toute évidence surjouée et téléphonée à des médias peu sourcilleux de vérité. Car on est allé plus loin encore pour convaincre. En 2012, le pilote testeur de la navette Bourane (qui n’a fait qu’un vol sans lui, elle était entièrement automatique, bien qu’elle ait eu une doublure à réaction), qui entretient beaucoup sa propre légende sur le net, fait une interview chez RT Russia repris plus tard par Sputnik sur la dangerosité du métier de pilote de test. Il évoque le cas d’un vol d’avion « à deux queues » (le Su-27 plutôt que le Mig29 il semble) qui un jour est littéralement parti en morceaux après un phénomène de résonance du métal, alors qu’il le pilotait. Je pense que les gens qui ont tenté de faire passer la mort de Schultz à bord d’un avion similaire avaient lu ce texte.
Car le 19 septembre alors que la presse bruisse encore de suppositions diverses, dont celle toujours d’un crash de F-35 et non de Sukkhoi, voici qu’apparaît un texte de Magomed Tolboyev, notre fameux testeur de Bourane (ici à gauche à bord d’un… B-52) qui affirme avoir au au téléphone un mois auparavant Schultz pour le prévenir « de ne pas effectuer une manœuvre particulière à bord du Su-27, car elle est trop risquée ». Un looping ou un tonneau mortel, ou quelque chose lui ressemblant. En juin 2016, lors du crash d’un Su-27 de la patrouille des Russian Knights, on avait alors accusé le système de vol de l’avion et non pas le pilote. En 2009, Igor Valentinovitch Tkatchenko leader de la patrouille, alors sur Mig 29 s’était tué à la suite d’une défaillance technique de son appareil lord d’un entraînement et non après une manœuvre risquée.
Le 8 juin 1989 un MiG-29 s’était écrasé au Bourget car un de ses réacteurs est tombé en panne. Il n’y a que le 12 juin 1999 toujours au Bourget, qu’un crash de tout nouveau Sukhoi SU-30MK a été dû à une faute de pilotage (une ressource prise bien trop bas ayant endommagé les réacteurs). La suite de l’article de Tolboyev reprenant mot à mot celui d’Aviation Week…. cela sentait encore une fois le téléphoné et le storytelling. Enfin autre doute encore : lorsque l’on rend hommage à Schultz, sur le net, une autre surprise apparaît : sa disparition est datée du 5 septembre. Le crash a donc eu lieu quatre jours avant d’avoir été officiellement révélé. On a retenu l’information durant tout ce temps. Largement de quoi évacuer les traces du crash… ce qui rappelle d’autres opérations du même type dans le passé…
Une redite de 1963
Les américains ont tendance à tenter le plus longtemps possible de dissimuler leurs projets secrets, on s’en doute. Le 24 mai 1963, un Lockheed A-12 ultra-secret part dans une vrille dont il ne sortira pas, et s’écrase. Son pilote a eu le temps de s’éjecter. Secouru au sol, il raconte aux gens qui sont venus l’aider qu’il ne faut pas s’approcher du site du crash car son avion emportait une bombe atomique et que l’endroit est alors devenu radioactif !!! L’avion étant un enjeu important du programme d’espionnage de l’URSS, on fait tout pour que ça ne se sache pas.
Ou que l’on ne retrouve pas de débris l’attestant. « Même dans l’Utah, il est difficile de cacher un crash. Un shérif local a été témoin de l’incident et une famille en vacances s’est pointée avec une caméra. La CIA a rapidement saisi leurs photographies et versé 25 000 dollars chacun au shérif et à la famille pour se taire, selon un article paru en 2010 dans le Seattle Times. Associated Press a rapporté l’incident et décrit l’avion écrasé comme un «avion d’entraînement». Le même jour, le Las Vegas Review-Journal a publié un article affirmant que l’avion était un chasseur-bombardier F-105 Thunderchief, citant des responsables de l’armée de l’air.
La revendication «Thunderchief» était une histoire de manipulation élaborée. Mais en juillet, Robert Hotz, rédacteur en chef de longue date de la Semaine de l’aviation et ancien pilote de bombardier pendant la Seconde Guerre mondiale, «a manifesté sa prise de conscience des développements à Burbank». En novembre, un journaliste du Los Angeles Times a commencé à téléphoner au motoriste Westinghouse,
lui posant des questions sur son implication dans un projet secret dans le désert. TheFontana Herald News a publié un article en novembre. Le Blackbird ne resterait pas officiellement secret beaucoup plus longtemps. Le Président Lyndon Johnson qui s’était présenté aux élections en 1964, pour contrer les critiques du sénateur républicain Barry Goldwater, révélera le SR-71 lors d’un discours prononcé le 25 juillet ». Avant, le site avait été soigneusement « nettoyé » (sanitized !) note ici The Salt Lake Tribune. Les bulldozers venus de la base de l’ Air Force de Hill l’avaient promptement enterré !!! Pete Merlin, originaire de Lancaster, historien de l’aviation, mettra quand même plus de 10 ans de recherche pour retrouver le site de l’impact et ses miettes restantes (ici à droite). Un endroit situé à 11 miles au sud de Wendover dans le Nevada. Le prototype de ce qui allait devenir le futur SR-71 étant parti de… Groom Lake !
Bref, cela sent encore plus le téléphoné, si je puis dire, sinon le dicté. Un story-teller est passé par là, ça me paraît évident « ah oui, ce serait mieux si on avait un pilote « soviet » qui nous dise que ce bazar est dangereux en prime, hein, pour faire passer la pilule, t’en as pas un sous la main, là ? » Eh si, on en a rencontré un en 2012 à Moscou. Allo Mr Tolboyev, j’aurais quelque chose à vous demander… de dire »… (pour nous aider). Rien à voir avec le fait que Tolboyev avait pris le champagne lors du Moscow International Air Show, sur l’aéroport Ramenskoye de Zhukovsky, avec 4 pilotes US, en novembre 2012, bien sûr ou qu’on l’ait aperçu invité à bord d’un B-52. Evidemment, aucun débris n’a été montré. Ils sont restés…. invisibles, ceux-là aussi (passés eux aussi au bulldozer ?). Ni ceux du F-35, ni ceux du Sukkhoi. Il aurait été si facile de montrer ceux du second, pourtant !!! C’est bien là toute l’erreur de com’ d’une tentative de désinformation qui semblait jusqu’ici bien rodée ! Les crashs de F-22 (ici à Nellis, justement, en 2004, et ici en 2010, et là en 2012) avaient révélé leurs débris, eux….
Le crash du jour
Notre enclume volante qui finit par tomber a encore bien des problèmes à régler, et sa mise en escadre ressemble à une marche forcée, avec des pilotes tous briefés pour n’en dire que le plus grand bien. Des problèmes demeurent pourtant. Le problème des pneus n’est par exemple toujours pas résolu, chez le modèle concerné aujourd’hui : « Le plus lourd des trois appareils, le F-35B, ne s’est pas effondré plus rapidement que les deux autres appareils (voir ci-dessous), mais, comme le note le DOTE, «le programme a du mal à trouver un pneu pour le F-35B, qui soit assez fort pour des atterrissages à grande vitesse conventionnels, suffisamment doux pour amortir les atterrissages verticaux et encore assez léger pour la structure existante de l’aéronef. La durée de vie moyenne des pneus F-35B est inférieure à 10 atterrissages, bien en deçà des 25 atterrissages complets classiques.
Le programme présente toujours ce problème, qui ne sera pas résolu dans les mois à venir ». Un jeu de pneus ne tient même pas 10 atterrissages chez cet avion !!! C’est un gouffre à gomme ! Ce sont les contribuables US qui vont en mâcher, de la gomme : « chaque pneu coûte environ 1 500 dollars. À moins qu’un meilleur pneu puisse être développé, le Corps des Marines dépensera environ 300 dollars par heure de vol uniquement pour les remplacements. Avec une durée de vie prévue de 8 000 heures de vol, les contribuables dépenseront environ 2,4 millions de dollars en pneus pour chaque F-35B !!! »
Mais hier, ce n’est pas un problème de pneus qui s’est produit. On a peu de détails encore, mais une phrase de résidente ayant entendu la chute de l’avion donne déjà une bonne piste. Rappelons que la base de Beaufort est le seul endroit où les les pilotes peuvent tester ce modèle particulier. « La première explosion a été un peu plus légère et la deuxième explosion a été un peu plus lourde », a déclaré la résidente Beverly Bush. « Ensuite, j’ai reçu un appel de ma voisine et elle a dit que si tu pouvais venir ici je viens de voir un accident d’avion alors je suis allée chez elle et sur le chemin, j’ai pu voir la fumée noire qui flottait du haut de la maison.
Là-bas ils ont expliqué qu’ils avaient déjà eu un appel 911 à ce sujet et puis nous avons vu tous les bateaux et les avions et les hélicoptères et puis j’ai eu une info sur mon téléphone disant que le pilote s’était éjecté de l’avion et il qu’il avait été trouvé en toute sécurité et nous sommes tous heureux d’avoir appris ça ». L’appareil a subi en vol une explosion, peut-on en conclure, la seconde étant en ce cas celle du choc au sol. Une piste semble en premier apparaître : celle de la casse et de l’explosion de l’arbre de la soufflante de sustentation. Le procédé est simple, certes, mais il exige des contraintes énormes sur la réduction de nombre de tours entre le réacteur et la soufflante à air froid (construite par Rolls-Royce), transmis par un simple arbre fixé à une boite de vitesse.
Des photos des avions de la base de Beaufort où sont testés les F-35B ont montré des modifications récentes effectuées dans la zone du fuselage située juste derrière le puits contenant la soufflante avant, au droit des deux trappes d’entrée d’air supplémentaires . Aurait-on perçu à cet endroit un stress de métal particulier ? Pourquoi donc les avions de test de Beaufort portent-ils donc ces modifications ? Ou est-ce le retour d’un problème déjà décelé, qui avait affecté notamment les deux premiers F-35 norvégiens : celui d’un défaut de tuyauterie de refroidissement passant dans un réservoir difficile d’accès, celui du caisson central portant justement le conduit de soufflante avant ?
Une explosion à cet endroit couperait littéralement l’avion en deux et ne laisserait pas le temps de s’éjecter. L’autre piste encore étant un récidive en ce cas : à Beaufort, le 27 octobre 2016 déjà, un incendie s’est déclaré dans la soute à munitions, heureusement vide, d’un F-35B, et blessé son pilote en le brûlant sérieusement, un pilote qui avait réussi à se poser pourtant sur la base de MCAS. Un avion du Marine Fighter Attack Training Squadron 501 de MCAS, un des 20 F-35B décors des insignes des “Warlords.”
L’affaire avait été nettement minimisée par la presse. Il avait aussi fallu attendre deux ans, et le 8 décembre 2017, pour en connaître la cause. Une patte métallique censée retenir un câble électrique avait frotté contre ce dernier à proximité de conduites hydrauliques. Un court-circuit électrique déclenché à la suite de ce frottement avait ensuite provoqué une fuite de liquide de la taille d’un trou d’épingle dans la conduite hydraulique, mais qui avait suffit à mettre le feu à bord.
Il est vrai que la soute à bombes d’un F-35 ressemble plus à un cauchemar de plombier qu’à autre chose (ici à droite celle du modèle C) : mais qui a bien pu pondre pareil concept aberrant, mixant circuits de refroidissement (le carburant qui sert à ça en fait dans le F-35, voir ici) et câblages électriques à profusion ??? Le tout disposé au-dessus des bombes et des missiles (ou plutôt de LA bombe et DU missile vu qu’il ne peut pas en emporter plus !). Selon The Marines Times, l’incendie de l’avion avait été si grave que l’avion n’aurait pas été réparé, son coût de reconstruction étant trop élevé. « Avec le F-35B spécifique impliqué dans cet débat, l’analyse coût-bénéfice du Marine Corps a déterminé que les coûts de réparation ne fourniraient pas un retour sur investissement suffisant pour justifier les dépenses », a déclaré à Marine Corps Times, Christopher Harrison, le porte-parole des Marines «La décision a été prise de mettre à la casse le F-35B; cependant, il n’y a pas encore eu de message décisif car la décision de retrait n’a pas encore été prise » (3). A noter que ça s’était passé au même endroit, sur la base de Beaufort. Et avec un modèle similaire, le plus décrié des trois. A ce problème on peut aussi ajouter la vulnérabilité découverte aux coups de foudre, révélée par le magazine The National Interest. Pour un avion baptisé officiellement « Lightning II » ça la fout mal en effet !
Un incendie mal signalé dans le cockpit
Mais ce n’était au final pas l’incendie le plus grave. Le plus grave avait été le manque d’avertissement de l’incendie qu’avait reçu le pilote : « l’enquête du Corps des Marines a également critiqué le système d’avertissement des pilotes de l’appareil, qui peut «dérouter et saturer les pilotes» lorsqu’il s’agit d’urgences complexes, car il est impossible de savoir quel avertissement est le plus grave. Dans ce cas, tant de voyants ont clignoté dans un laps de temps si court qu’il aurait été difficile, même pour un pilote expérimenté de F-35 de les classer par ordre de priorité, selon l’enquête ». A la limite, les pilotes de F-35 en volant bas peuvent néanmoins le détecter… avec leur nez, en retirant leur masque à oxygène ! C’est peut-être bien la même alerte qui a fait poser fissa le F-35 sur l’aéroport de Fresno, au fait. Cela signifie aussi que pendant deux ans, des pilotes de F-35 ont volé avec cette crainte de voir leur avion s’enflammer… c’est non seulement une enclume, mais c’est aussi une enclume dangereuse pour celui qui s’assis dessus !
L’accident de Beaufort (le second donc) va être l’enjeu, on le sent bien, d’une désinformation massive de la part du Pentagone, qui ne peut laisser attaquer ainsi son bébé sans sortir ses griffes. Avec un désastre qui s’ajoute à un désastre global, la réponse des militaires ne devrait pas tarder ! Attendons-nous au pire (« une erreur de pilotage », malgré l’explosion entendue, on peut déjà parier !!!). On verra si cette fois, ils nous montrent les débris de l’avion, qui es tombé dans une zone marécageuse vite cernée par des policiers et des militaires. Enfin, on a au moins une satisfaction : quelque chose marche au moins sur cet avion. Son siège éjectable !
Enfin, il semble bien (à condition de ne pas être UNE pilote de moins de 61 kilos, ou d’avoir le bon siège éjectable). A ce jour, on a toujours pas rendu public le nom du pilote « sain et sauf », déjà sorti de l’hôpital, dit-on. Nul doute que l’on va aussi faire attention à ses déclarations futures… à ce miraculé ! Un journal local, The Beaufort Gazette, semble l’avoir photographié (il serait donc blond) alors qu’il était déjà monté dans l’ambulance des pompiers locaux n’affichant semble-t-il pas de blessures graves, en train de respirer de l’oxygène (ici à gauche).
PS : En fait, plus j’y pense et plus le F-35 ressemble à ce petit transport de troupes que des militaires crétins ont à tout prix voulu transformer en char ridicule, le Bradley. L’histoire, véridique issue d’un livre écrit par un ancien général (le Col. James Burton), est devenue en 1998 un film hilarant, intitulé « Pentagon Wars », qui montre jusqu’où est allé leur bêtise, qui a coûté la vie à des centaines de soldats utilisateurs de ces tanks en fer blanc. Je ne saurais que trop vous le recommander. Les agissements et le manque total d’analyse du problème sont les mêmes en effet !!! A savourer avec délectation en pensant au F-35 !!!! Surtout le moment du procès final avec la phrase « Billions dollars, with a B » : comme le F-35, « with a B » !!! 17 ans de développement (l’âge actuel du F-35, quelle coïncidence !) (ici la version intégrale qui débute par un savoureux générique).
Ici une bonne analyse signée Bloomberg :
https://www.bloomberg.com/news/features/2017-04-04/is-the-f-35-a-trillion-dollar-mistake
(1) on y a testé des tas de choses dont les célèbre fers à repasser volants. La rose des vents sous le F-35 est fort reconnaissable.
(2) ce que dit le rapport cité qui confirme que l’on a mis la charrue avant les bœufs en forçant la mise en servie d’un avion incapable : « un des plus grands dangers de précipiter des centaines d’avions en production avec un design immature est qu’ils devront ultérieurement être rééquipés et retestés avec les corrections de conception révisées qui surmontent les problèmes découverts. Il s’agit d’un processus long et coûteux, surtout si l’on considère que les appareils en cours de réparation ont déjà été achetés au prix fort et que les retouches entraîneront des coûts supplémentaires qui n’auraient pas été engagés autrement. Les inquiétudes sur ces coûts supplémentaires très importants ont incité les dirigeants de l’armée de l’air à laisser 108 F-35 achetés au début du programme dans leur état immature, ce qui aurait laissé aux contribuables entre 21 et 40 milliards de dollars qui ont été payés mais ne conviennent pas au combat ».
« L’armée de l’air a depuis reculé devant cette position embarrassante. Comme mentionné précédemment, le processus de test opérationnel nécessite 23 avions. Les modifications apportées pour mettre la flotte de tests à jour ont traîné pendant des années et ne seront pas terminées avant le début du processus IOT & E. L’une des raisons de ce retard est que quelques avions de test opérationnels ont été retirés pour compléter la flotte de tests de développement afin de tester les correctifs pour le nombre toujours croissant de défauts de conception détectés lors de tests. Pourtant, pendant cette période, le programme a produit 235 nouveaux appareils à envoyer aux escadrons de la force opérationnelle. À tout le moins, cela donne l’impression que les fonctionnaires accordent la priorité à l’achat d’avions sous-développés nécessitant des correctifs à envoyer à la flotte. La priorité devrait être la conception et les tests de développement ». On en arrive à cette stupidité confondante : l’appareil devrait enfin rejoindre les critères de départ, mais pas avant que 600 avions soient produits. Des avions donc… imparfaits, qu’il faudra démonter et remonter pour soigner les déficiences constatées !!! C’est un sommet de gestion catastrophique cet engin !!! Pour le GAO, ce rétrofit obligatoire est estimé à 1,77 milliard de dollars supplémentaire, et pas sûr qu’avec cette somme on soigne tout, comme on en découvre tous les jours encore en le faisant voler… à Groom Lake ! Aujourd’hui on en est à 17 années d’existence et 133 milliards de dollars de dépensés. Pour une enclume à refondre !
(3) au total ça ferait même quatre, de fichus, avec celui dont le réacteur avait pris feu le 23 juin 2014 sur la base d’Eglin. L’occasion de découvrir le principe avec lequel ils sont peints, ces fameux avions furtifs... (c’est à dire « à l’ancienne » avec des microbilles intégrées dans la coupe de peinture). On ignore son sort actuel. L’Air Force, a la fâcheuse habitude de découper ses avions mis au rebut et de les enterrer quelque part dans ses bases …
C’est comme ça qu’ont finit des projets comme le Have Blue… ou par exemple encore le SR 71 61-7978 (SR-71A) surnommé « Rapid Rabbit », qui s’est écrasé le 20 juillet 1972 à Kadena. Il a été enterré sur place, seules ses dérives enlevées ont été gardées.
Nota : sur les déficiences criantes du F-35 on peut examiner ce rapport complet de 2017 :
un autre bon article datant de 2013 déjà :
https://www.vanityfair.com/news/2013/09/joint-strike-fighter-lockheed-martin
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.
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