Dans les meetings de préparation de l’élection de 2020 ont fleuri progressivement des pancartes, des t-shirts ou des calicots portant la lettre Q, ou se réclamant d’un mouvement étrange appelé QAnon qui en a intrigué plus d’un. Vu de l’extérieur, ça semblait complètement surréaliste, avec des slogans incompréhensibles ou des gestes farfelus de la part de ses adeptes. Qu’est donc ce truc ? Une organisation politique ? Un groupe d’amuseurs publics ? Une secte ? Des perturbateurs de meetings ? En tout cas Donald semble très vite s’en être accommodé. Ou pire encore, puisqu’il s’est mis à jouer le jeu et à entrer lui-même dans la gestuelle, au grand dam des observateurs politiques décontenancés. Avec QAnon, Donald a choisi de jouer avec le feu… des conspirationnistes !
QAnon ? Et que si, monsieur !
La politique c’est comme la pêche à l’étang. Dans la vaste mare de crétins accrocs à toutes les rumeurs et tous les complots, en résumé la base des électeurs de Trump, il suffit un jour de se poster au bon endroit, d’amorcer, d’attendre que ça morde et de ferrer au bon moment : les proies faciles viennent toutes seules. Un président en difficulté pour sa réélection, face aux insatisfaits à qui il avait tant promis pour faire si peu (ou tant mentir) craint que l’on s’éloigne de lui ? Pas de problèmes, il suffit d’aller raconter partout sur les réseaux que c’est « normal » que ça ne se passe pas comme prévu. Et surtout qu’il n’y est pour rien, puisque devant lui il n’y a que des forces malsaines tapies dans l’ombre pour bloquer son grand élan de réforme espérées, à lui, le « génie stable » !
Des opposants qui forment un bidule indéfinissable appelé « Deep State », composé selon lui de fonctionnaires timorés (ou fainéants), de gauchistes ou de communistes voire de juifs et de francs-maçons ou de riches Illuminatis, ces fameuses « élites globales » rappelées pour faire de la figuration dans ce casting improbable d’opposants au grand timonier orangé (j’ai bien précisé que c’est SA vision des choses !). Donald avait bien promis à ses électeurs de « vider le marécage » (de tous les profiteurs, des corrompus, des politiciens véreux) mais il n’a pas pu encore le faire, non pas parce qu’il est lui-même tout ça à la fois mais parce que, tapi au fond, l’énorme crocodile du Deep State (ou The Cabal) l’empêche d’y accéder et de pouvoir le faire. Bref, ce n’est pas de sa faute, ce qu’il dit et répète depuis le début de son mandat, remarquez… c’est une habitude chez lui : s’il va perdre, prochainement en novembre prochain, par exemple, ce sera dû à la faute du vote par correspondance, sa nouvelle tête de turc… et non à lui-même !
Cela, c’est tout simplement le principe du « Q » une lettre empruntée aux appellations souvent cabalistiques des services secrets US pour indiquer que c’est du sérieux ce truc (c’est le « Q clearance” ou la “Q access authorization”), un thème complotiste surgi des abîmes du site 4Chan en octobre 2017 et qui est devenu la tapisserie du fond de salle des derniers meetings électoraux de Donald, dans lesquels ces pancartes sont omniprésentes . Un mouvement estampillé « service secret » dès le départ pour tenter de lui donner un semblant de respectabilité. En fait au tout début, une simple phrase mystérieuse et très obscure (à dessein, là, car c’était alors le stade de lancer d’amorce) déposée le sur le site-poubelle 4Chan, devenue phrase mythique en très peu de temps. En marketing, il faut l’admettre, ce fut un super teasing de lancement : destiné à des crétins, le texte était en fait complexe à souhait, leur laissant l’impression que puisqu’ils n’y bitaient rien, ce devait être super-important ! ET effectivement : c’était (volontairement) imbitable :
La traduction de ce télégramme de Zorro à son cheval, comme aurait dit Fredrick Brown dans Martiens Go Home (cette superbe fable sur le pouvoir et le mensonge… et le secret, qu’il convient de relire) était qu’Hillary Clinton serait arrêtée par Donald le 30 octobre à venir (deux jours plus tard donc), que ça provoquerait des émeutes (« Attendez-vous à des émeutes massives organisées par opposition et à d’autres fuyant les États-Unis », le HRC cité étant le Human Rights Committee détesté par les fascistes de tous poils, même blonds et orangés) et que Trump devrait jeter des milliers de personnes en prison s’il voulait briser tout ça.
Une prévision fausse, donc, mais on oublie vite chez eux ! Un second suivait, plus décousu, qui posait des questions telles que « Pourquoi Potus s’entoure-t-il de généraux ? Qu’est-ce que le renseignement militaire? Qui a l’autorité ultime sur nos branches de l’armée sans conditions d’approbation à moins de 90+ en temps de guerre? Qui a accès à tout ce qui est classé? ou encore « Pensez-vous que HRC, Soros, Obama, etc. ont plus de pouvoir que Trump? Celui qui contrôle le bureau de la présidence contrôle ce grand pays. Ils n’ont jamais cru un instant qu’ils (démocrates et républicains) perdraient le contrôle. Ce n’est pas une bataille R contre D. Pourquoi Soros a-t-il donné tout son argent récemment ?… les allusions directes à Soros et son argent ou à Obama rangeant directement l’auteur, présenté comme un ponte militaire du renseignement, comme faisant partie de l’extrême droite à n’en pas douter….
Des dizaines d’autres allaient suivre, plus abscons les uns que les autres, tous prévoyant une apocalypse à venir si Trump, présenté en rempart contre le chaos à venir ! n’y arrivait pas, (un déferlement démocrate, n’y pensez pas !) et tous martelant des slogans simples (à la Trump, façon combat de catch): « Rien ne peut arrêter ce qui vient » (repris à la volée le 8 mars 2020 par Trump en tweet, ici à gauche : c’est une allusion surtout à Neron jouant de la lyre pendant que Rome brûlait !), «le grand réveil est mondial» et « Faites confiance au plan », « le calme avant la tempête », « Dieu gagne (écrit en majuscules). » et « Profitez du spectacle », ce dernier signifiant l’arrivée de l’Apocalypse, justement -le monde détruit par Dieu, on ne peut plus qu’assister au spectacle- : derrière les messages alarmants se dissimule aussi une prophétie toute religieuse !!!
Le fameux « Q » y allant parfois de sa touche personnelle en forme de clichés banals ; « j’en ai trop dit », « suivez l’argent » ou « certaines choses doivent rester classées jusqu’à la fin. » Parfois on se croit aussi avec lui en train de jouer à Donjons et Dragons : « Trouvez le reflet à l’intérieur du château » conseille-t-il !!! Ou à des jeux de pistes pour louveteaux apprivoisés : « CBTS » pour “calm before the storm,” et surtout WWG1WGA pour“Where we go one, we go all,” pour réveiller la solidarité des « croyants » en Trump !!! Ce métalangage particulier, seul compris des initiés, renforçant encore plus l’impression de secte !
Le mouvement est bien résumé ici en juillet 2018 par Camille Lopez dans l’Actualité (Québec) : « en octobre, il avait laissé entendre que Hillary Clinton serait arrêtée dans les prochains jours. Rien. Même chose en novembre pour le démocrate et allié de Bill Clinton, John Podesta. Rien. Mais puisque ses messages sont délibérément construits pour être interprétés de plusieurs façons, ses sympathisants continuent de croire à ses histoires. Pensez à une dictée trouée. On met ce qu’on veut dans les espaces vides, et on finit toujours par trouver un sens à ce qu’on a écrit. C’est un peu ça, QAnon. »
Des conspirationnistes cernés pourtant
Le pire, c’est que ce n’était pas la première fois que ce genre d’imbécilité était apparue, sous une forme assez voisine en plus et toujours chez 4Chan. En 2016, un an auparavant, un gars qui se présentait comme un ex membre du FBI et donc un « FBI Anon » (« anon » étant le diminutif d’Anonymous, le nom le plus répandu chez 4Chan), qui aurait été un « analyste et stratège de haut niveau » autoproclamé, puis un second, appelé « HLI Anon« , acronyme de « High Level Insider », avaient déjà investi le forum pour entraîner les gogos vers la pente de la folie conspirationniste (ils répondaient l’un ou l’autre en direct aux questions, comme ici le 12 juillet 2016 dans un forum surtout rempli ce forum de questions anti-Clinton) !). Là c’était déjà du « gros » puisque le gars avait raconté pendant des semaines que la princesse Diana (morte en 1997) avait été tuée car elle avait su à l’avance que le 11 septembre allait se produire (ici à gauche)!!! Un beau sommet aussi, celle-là.. Notre Insider n’avait pas encore trouvé la bonne boule de cristal : à la question « Si Trump a réussi à devenir président, avez-vous un plan sur la façon de traiter avec lui? » il avait répondu ; « nous ne considérons pas Trump ou Hillary comme matériellement différents, mais d’autres déclencheront une crise financière après sa prise de fonction pour détruire la crédibilité du populisme et du nationalisme, ce qui va à l’encontre de leurs agendas. Nous considérons Trump comme terriblement non préparé à cette éventualité ». Bigre, quelle analyse… ratée !
Le reste des assertions du super-protecteur de Donald étant issu des fins fonds du complotisme ordinaire ; une de ces réponses aux questions des internautes affirme par exemple que l’attentat terrible d’Oklahoma (« OKC ») était un « false flag » (une opération de diversion dont l’Etat aurait été responsable- alors que son auteur, Timothy McVeigh était bien lui un extrémiste de droite influencé par la lecture du livre Les Carnets de Turner et les libertariens) .
Ou plus étonnant qu’Ousama Ben Laden serait toujours vivant :
Puis, voyant que ça ne prenait pas trop tout ça, il avait proposé un «CIA Anon» et un «CIA Intern» début 2017 et, en août 2018, un nouveau venu » WH Insider Anon« qui a essayé de tambouiller les infos sur le serveur DNC d’Hillary Clinton et ses fuites pour faire plus sérieux et coller davantage à l’actualité. En les mêlant d’un gros zeste de pédophilie et en affirmant la présence de Georges Soros comme cheveu au dessus de la tambouille, bien sûr. Il ne peut y avoir de conspiration sans antisémitisme, puisque les apporteurs de ces histoires sont le plus souvent des extrémistes de droite quand ils ne sont pas suprémacistes ou carrément des nazis…
L’auteure de ces tentatives infructueuses et maladroites s’appelait en fait Tracy Diaz, une fille et non un gars, ici à droite coiffée d’un serre-tête « anti-ondes » qui donne une petite idée du personnage bien amoché, déjà, associée à un programmeur Web venu d’Afrique du Sud, ancien d’ITWeb, société de médias locale, qui a laissé pas mal de textes sur le web concernant surtout la sécurité des réseaux, une société pour laquelle il donnait des cours de formation. Il se nomme Paul Furber et il était aidé dans sa tâche par un troisième larron venu de Virginie appelé Coleman Rogers (ils ont depuis rompu). En fait c’étaient deux modérateurs de 4 Chan sous les pseudos de « BaruchtheScribe » et « Pamphlet Anon » !!!
Tracy avait cherché avec eux à pousser le site et aussi à rectifier le tir pour concocter une suite à ces piégeages ratés à gogos, en leur demandant de l’aider à faire monter les audiences en suivant de plus près le flot de ceux qui avaient mordu à ces hameçons. Diaz avait déjà une bonne audience sur YouTube avec sa chaîne ‘Tracey Beanz » et sa diffusion des débats de Liberty Movement Radio, traitant de WikiLeaks et surtout du complot « pizzagate »,
qui faisait alors un malheur selon le principe que plus c’est gros mieux ça marche. Diaz culminera avec ces prophéties à 185 000 followers sur Twitter et plus de 100 000 sur YouTube !
L’idée de base était donc d’élargir davantage l’auditoire, et de faire découvrir tout ça aux « Baby Boomers » qui ne suivaient pas les forums 4Chan et 8Chan, trop compliqués à suivre pour ces petits vieux largués dans la société du numérique !!! En revanche, il fallait obligatoirement avec eux faire plus compliqué pour les captiver, n’étant pas tombés de la dernière pluie comme leurs enfants… voire leurs petits enfants ! Ils ont en fait tous été bernés, au final, jeunes et vieux (et les très jeunes aussi, comme montre cette photo attristante à gauche) !!!
L’idée de base était donc de créer un personnage fictif qui servirait de guide à Trump, alias « POTUS », pour l’aider à lutter contre toutes les forces obscures qui étaient censées freiner son action, ce qui est énoncé dans le court manifeste ci-dessous à gauche intitulé « qui est Q ? »…. C’était aussi beaucoup plus facile à maintenir et entretenir vous le remarquerez, que les prévisions précédentes, foireuses une fois sur deux !!! Bref, un vrai coup de génie… de marketing d’audience !
L’angle stratégique de la conquête
Les trois lascars ont donc mis au point une autre stratégie, celle de faire croire que Diaz essayait de comprendre et d’interpréter les messages d’un mystérieux « QAnon »… personnage « très haut placé », aidé par des relances des deux autres, les deux modérateurs de mèche, pour maintenir les fers aux chaud, alors que c’était bien elle (ou l’un des deux autres) qui envoyait les originaux : du grand art !
L’un d’entre eux, Coleman, en répondant en direct à un internaute en 2018 se fera piéger en faisant l’erreur d’activer le compte de « Q » pour répondre à un internaute, preuve qu’il en avait le code d’accès, assez complexe sur le site (ici à droite) ! « Le 3 novembre 2017, six jours seulement après le premier post de 4chan de «Q», Diaz a ainsi posté une vidéo intitulée «/ POL / – Q Clearance Anon – Is it #happening ???» dans laquelle elle a présenté la théorie du complot à son auditoire. «Je ne fais généralement pas de vidéos comme celle-ci», a-t-elle dit, mais citant les messages «très spécifiques et étranges» de Q, Diaz a expliqué qu’elle couvrirait les messages de 4chan, «juste au cas où ce genre de choses se révélerait important parce que honnêtement, cela semble en quelque sorte important. »… Qu’est-ce que QAnon? AOÛT. 2, 201807: 35.
Cette vidéo, qui a été visionnée près de 250 000 fois, a fait de Diaz l’une des premières personnes à saisir les messages «Q» et à les déchiffrer pour un public avide de complots. Diaz a suivi avec des dizaines d’autres vidéos sur le thème Q, chacune contenant un appel aux téléspectateurs à faire un don via des liens vers ses comptes Patreon et PayPal »… l’idée fondamentale exprimée était donc de faire de Trump une victime de tas de choses, en fait ce qu’il adore endosser comme rôle, comme le montre cette image extraite d’une video de Q, qui a été vue au moins 800 000 fois. Elle marche dans le sens d’un vent plus que favorable à Donald en effet ! On notera dans le dessin la mention de la Maison Blanche elle-même ou même elle des leaders du parti républicain censés donc freiner Donald eux aussi !!!
Pour améliorer les scores d’audience, Diaz a alors suggéré de tout déplacer sur Reddit, pour mieux gérer tout ça, et l’héberger avec une interface plus souple que la très rigide de 4Chan qui effrayait les « petits vieux ». Toujours les Baby Boomers de visés, car moins « addicts » que leurs enfants à l’ordi… mais très attirés par les complots de toute sortes, visiblement !!! Du marketing, je vous dis, qui a même abouti aujourd’hui à un boutique où l’on peut acheter des t-shirts QAnon, aux slogans parfois difficiles à comprendre pour tous ceux qui ne sont pas dans la boucle.. ou dans la secte, à laquelle ressemble beaucoup aussi ce mouvement de fêlés. C’est aussi une entreprise commerciale, comme l’est InfoWars avec sa vente de compléments alimentaires ou de dentifrice. Celui à gauche est typique en effet : on peut y lire « impfzwang is not your ernst » qui paraît très obscur. En fait le premier mots est… allemand le reste en anglais, « ernst » signifiant sérieux ou grave. Et c’est donc un t-shirt anti vaccinations (ne manque plus que les chemtrails et les crop circles) ! L’autre du genre étant My Body is My Choice plus explicite. Ce mouvement est à la base de la destruction actuelle d’antennes de téléphone 5G rendues responsables… de la propagation du Covid19, alors que c’est complètement aberrant et stupide comme raison, en dehors de tout bon sens, même sans aucune notion scientifique ! Faire d’une onde électromagnétique une autoroute à virus est d’une ineptie sans nom !! Et pourtant…
Pour se défiler, Diaz, en bonne irresponsable, continue aujourd’hui à clamer qu’elle ne sert qu’à traduire les messages et qu’elle ne sait pas d’où ça vient … en interview elle ose même le mot « intégrité » pour se disculper…. Faut oser, en effet ! Parmi les mots clés employés, on utilise un jargon qui se veut militaire : les informations sont balancées en « droppings » (des gouttes qui tombent) et sont elles-mêmes des « intel drops » (des bouts d’informations secrètes) des « crumbs » (des miettes) ou des « breadcrumbs » (des miettes de pain béni pour les lecteurs avides !), les auditeurs étant eux-mêmes des « bakers » (des boulangers, qui reçoivent les pains mais sont incités à en fabriquer eux-mêmes !). Comme « évidences » du discours on a des trucs assez surréalistes, comme ces photos censées montrer que « Q » était bien à bord d’Air Force One pour prendre des photos de son jet avec le président dedans (et de sa proximité donc avec lui par la même occasion) : plus c’est gros, plus c’est bête et mieux c’est crû ! Le sujet ayant été monté à la hâte partir d’un Tweet de Donald en fait !!!
Un procédé gagnant-gagnant pour Trump, mais risqué
Le système une fois en place, on va lui ajouter ici et là des « preuves de crédibilité », qui sont en quelque sorte des défis de potaches améliorés : on annonce par exemple à l’avance que Trump va prononcer certaines phrases dans un discours, où on s’arrange pour en décrypter faussement certaines ; si Trump dit par exemple en Tweet le 29 mars dernier “I am giving consideration to a QUARANTINE.”, les fans vont vont vous dire que c’est codé, car si on n’en garde que le début et la fin ça donne “I am … Q. » C’est plus que tiré par les cheveux car la phrase a été tronquée !!! « Les fans soulignent également que Trump utilise des phrases » prédites « par Q comme preuve de la légitimité de l’histoire », a expliqué Sommer. « Un partisan a demandé que Trump utilise l’expression » tip top «
dans le discours sur l’état de l’Union. Bien que Trump n’ait jamais dit » tip top « dans ce discours, les partisans de QAnon se sont sentis justifiés trois mois plus tard lorsque Trump l’a dit à la Maison Blanche à Pâques. Egg Roll. » En France, la thèse a aussi ses fans, tel le fascisant Pierre Jovanovic conspirationniste qui relaie ce genre de désinformation. Mais il est vrai aussi que celui-là croit aux Anges gardiens … tout s’explique !
Tout est interprété nous explique Rational Wiki : « ces fous de QAnon voient également des indices dans les actions de Trump. Selon les éclairés, lorsque Trump a maladroitement pris un verre dans une bouteille d’eau des Fidji lors d’une conférence de presse en novembre 2017, ce n’est pas parce qu’il avait soif; c’était en fait un signal secret pour ceux qui savent que la tempête d’anéantissement des pédophiles de l’état profond avait commencé (ou était sur le point de commencer). Parce que, comme tout le monde le sait, les Fidji sont un point chaud pour la traite des enfants. » Avouez que c’est du grand n’importe quoi ces interprétations à la noix ! La vidéo montrait plutôt que Trump ne savait même pas boire à la bouteille, un handicap certain chez lui !!
Et comme il a compris lui tout l’intérêt d’avoir des dévots à sa botte, autant entretenir le culte lui-même : le 5 octobre 2017, on a le droit à une scène assez irréelle : Trump doit faire ce jour-là une photo avec une vingtaine de hauts responsables militaires et leurs épouses dans la salle à manger de la Maison Blanche. A un moment, Donald trace un cercle interrompu dans le ciel, avec le doigt et s’écrie «
Vous savez ce que cela représente, messieurs ? » « Dites-nous, monsieur,« répondit un spectateur. « C’est peut-être le calme avant la tempête » « Quelle tempête? » demande un des journalistes. « Cela pourrait être le calme — le calme avant la tempête« , répète péniblement Trump. « Mais quelle tempête, monsieur le président? » Trump répond alors :
« Vous le découvrirez. » Donald entretient lui-même le mythe et le met en scène avec lourdeur !!! Un mythe qui pompe énormément la presse « mainstream » pour la détourner à son avantage, comme le montre ce tweet ici à gauche, récupération totale et détournement de la couerture de Time de février 2017 et remise en ligne à nouveau en avril …
Plus tard, quand l’équipe de foot de l’Alabama Crimson Tide lui offre un maillot à son nom, on s’attend à avoir le N°45 dessus, celui de la place du président des USA : pas du tout, il hérite du 17 … et s’en trouve fort réjoui.
Seuls les initiés ont compris : la 17eme lettre de l’alphabet est la lettre Q !!! Trump a institutionnalisé le QAnon !!! Plus inquiétant encore : en février 2019, sur un tarmac en Floride, le vice-président Pence serre la main au Sgt. Matt Patten de la SWAT qui assure sa protection : or sur son plastron il arbore un insigne « Q » (« question the narrative », encore un autre slogan ténébreux de l’organisme complotiste). Le lendemain, le shérif de Broward le renvoie faire la circulation automobile… ça lui apprendra à faire le malin avec son badge idiot !
Autre investissement trumpien visible dans la campagne QAnon, bénéfique pour lui au final, celui de ses propres enfants qui répondent facilement aux sollicitations de l’alt-right, vu qu’ils n’ont pas pas plus de jugeote que leur père. Entre Eric, qui décrète que le Coronavirus est une invention des démocrates pour nuire à la campagne électorale de 2020 au beau milieu de l’émission de Jeanine Pirro (ici à gauche), ou de son frère Jr,
le chasseur devenu croisé qui lui présente Joe Biden comme un pédophile, thème fort prisé des extrémistes de droite, c’est Ivanka qui « joue » le plus le jeu QAnon en répondant en Tweet à Elon Musk qui lui avait conseillé de « prendre sa pilule rouge« , une allusion directe à Matrix, le film de référence pour tout le mouvement QAnon.
Un mouvement dangereux
Souffler ainsi sur les braises de l’alt-right peut aussi s’avérer un jeu dangereux. Cette défiance vis-à-vis du pouvoir, mélangée à des idées absurdes et obsessionnelles, typique des comportements de groupe à partir de simples rumeurs infondées, a donné des cas d’attitudes ou d’interventions individuelles saisissantes raconte ici Buzfeed : « un organisme de bienfaisance des anciens combattants de l’Arizona appelé Veterans on Patrol sont tombés sur un camp de sans-abri à Tucson en mai et ont décidé qu’il s’agissait d’un camp sexuel pour enfants. Le groupe s’est organisé sous le hashtag #OperationBackyardBrawl. Les membres ont passé plusieurs jours sur le site et ont finalement forcé les autorités locales à enquêter, et un cadavre de chien cadavre a même été ramené. Bien sûr, rien n’a été trouvé. Les choses sont devenues encore plus intenses une semaine après l’incident de Tucson, lorsque Matthew P. Wright a été arrêté après avoir conduit un véhicule blindé sur un pont enjambant le barrage Hoover et bloqué la circulation (ici à gauche) pour exiger du gouvernement qu’il « publie le rapport de l’OIG ».
Un appel venu des adeptes de QAnon. L’affrontement de Wright avec la police a duré 90 minutes. Il a finalement été arrêté sans incident, ont indiqué les autorités, mais un fusil et une arme de poing ont été trouvés à l’intérieur du camion ». QAnon, c’est l’irresponsabilité avant tout (autant que celle de Trump et son « Deep State » inexistant mais si pratique !) ! Se penser au-dessus de l’Etat ou de la police : c’est bien avant tout un mouvement anti-démocratique ! Des libertariens, ou des fascisants ! Logique aussi qu’il aient été un temps applaudi par l’ineffable Jerome Corsi (celui de l’histoire du certificat de naissance d’Obama, une théorie fausse entretenue par… Donald Trump !) : ils ont également commencé à pénétrer ce qui pourrait être considéré comme le courant dominant du monde du complot.
Le théoricien du complot, le Dr Jerome Corsi, éditeur d’Infowars (pas très longtemps !) et auteur à succès de livres sur «l’état profond», s’était intéressé à Q et décodait les messages sur le forum Reddit. En décembre, Pamphlet Anon et BaruchtheScribe ont même fait une apparition sur InfoWars ». Mais la lune de miel cette fois-là n’a pas duré : « Corsi a depuis désavoué le complot de Qanon et a qualifié l’affiche Q actuelle de « fraude », citant une prise de contrôle supposée de la chaîne <<par quelqu’un se faisant passer pour Q en avril. Mais la semaine dernière, face à des contrecoups de sa base, Corsi a tweeté qu’il soutenait le mouvement Qanon et souligné «l’excellente recherche» de ses partisans… « Bref, il ont fait la pluie et le beau temps chez celui qui s’informait sur Assange chez Randy Credico, ami de Roseanne Barr et très lié à… Roger Stone, qu’il lâchera lors du procès de ce dernier ! »
On n’en pas pour autant fini avec eux, rassurez-vous : demain on va en découvrir davantage sur ce mouvement issu d’un pari pour relancer un forum complotiste alors en perdition… et devenu phénomène national.
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