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J’avais trouvé Charlie… il y a 50 ans

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Oh, voilà qui est délicat à rédiger comme éloge funèbre. Charlie Daniels qui vient de décéder à 83 balais à Nashville était un homme plutôt de droite, pour sûr, un fervent croyant ayant glorifié entre autres l’intervention en Irak, affilié à la NRA, pro-life, et qui a glorifié le drapeau sudiste aujourd’hui honni. Il ne se résumait pas aussi simplement pour autant :  il avait par exemple supporté la candidature de Jimmy Carter (qui venait du sud il est vrai). Oui mais voilà, j’ai toujours adoré sa musique et l’ai même abondamment diffusée dans les années 80 sur les ondes d’une radio régionale de Radio-France. D’où le problème un peu métaphysique à le célébrer aujourd’hui. Mais c’est un peu le propre des contradictions humaines, que d’avoir à vous expliquer pourquoi ce bonhomme méritait quand même qu’on s’intéresse à sa musique et à sa personne, à défaut de ses idées politiques, à oublier au plus vite… ou à examiner plus en détail !

Daniels, né à Wilmington, en Caroline du Nord, et installé à Nashville, est d’abord un colosse de 1,87m doté d’un talent artistique double, capable de jouer aussi bien du violon (électrifié et en carbone) que de la guitare (une  Gibson Les Paul), une pratique débutée à 15 ans, avec la même énergie et le même talent sur les deux instruments. Je l’avais découvert en 1973 avec son troisième album, Honey In The Rock (à gauche avec sa pochette refaite en 2008), trouvé par hasard chez un disquaire du vieux Lille qui nous faisait écouter les vinyles avec, au fond de la salle d’écoute, un feu de bois qui nous mettait dans une atmopshère propre à écouter des choses plus « roots » que ce que l’on écoutait ailleurs : comme Jethro Tull, par exemple dans un autre domaine pour qui j’ai gardé le même intérêt » au fils du temps (et Van Morrison, bien sur!). C’était à la « Boite aux disques » d’un monsieur admirable qui s’appelait Guy Montpellier (1). L’époque des vrais spécialistes, à Lille, comme vendeurs, tel Dominique Pfindfer, talentueux connaisseur, musicien Folk lui-même, chez qui j’ai acheté les yeux fermés pendant… 34 ans : c’est lui qui a créé un rayon Country conséquent à la FNAC de Lille !).-

Ayant découvert au même moment Bob Willls et la richesse de ses compositions de « Western Swing », et son côté précurseur en tout (un big-band country aux tournées faites en bus, avec un musicien jouant de la toute première guitare électrique existante inventée en 1931 par George Breed), Daniels tombait à pic pour que je me plonge à fond dans l’univers Country, que tout le monde dénigrait alors en venant du monde rock (à gauche ici c’est Bob Symons, au milieu des Nite Owls avec la « frying pan » de Breed signée Rickenbacker et à ses pieds une Electro B steel guitar de la même firme). En somme, c’était aussi l’esprit de contradiction qui m’avait mené à écouter ce genre musical : tous les jeunes gens de mon âge le détestaient, le jugeant « ringard » mais moi j’adorais ses savantes harmonies et ce « son » global mêlant guitares sèches et mandoline, un vrai ravissement pour mes -jeunes- oreilles !!! Comment expliquer ça, je ne le sais pas !

J’avais d’abord été séduit par un titre, Uneasy Rider, sorte de récitatif (a novelty song, comme on dit là-bas) comme en fera aussi Commander Cody avec l’hilarant Hot Rod Lincoln (ici la version hilarante du guitariste Bill Kirchen qui revisite tous les styles au passage !!!). Une vraie tranche de vie américaine avec banjo et mandoline, l’histoire impayable d’un hippie aux longs cheveux fumeur de joints conduisant une Chevrolet vers Los Angeles, au récit plutôt amusant. Au moment où l’un de ses pneus rend l’âme à Jackson, Mississippi,  voilà en effet qu’il rentre dans un bar « Redneck » où il fait aussitôt chambrer les locaux aux « cous rouges » (des paysans donc) allant jusqu’à lui reprocher la marque de sa voiture en plus de la longueur de ses cheveux, bien sûr. Pour faire diversion, notre hippie lance alors à la cantonade qu’il connaît l’un de ses accusateurs et affirme « qu’il est un membre du FBI », qu’il « enlève les autocollants des pare-chocs des voitures au nom de George Wallace », qu’il a « infiltré le Ku Klux Klan, tout en votant pour George McGovern », la preuve, il a même « un drapeau communiste accroché au mur de son garage « !!! Quand j’ai découvert ces paroles, armé d’un dictionnaire « Slang  » acheté exprès (c’était bien avant Google je vous le rappelle) j’avais éclaté de rire et trouvé d’emblée l’épais Charlie fort sympathique. Selon ce même Charlie, bien en verve, l’homme visé se défend en disant « qu’il a vécu à Jackson toute sa vie », qu’il est « membre de l’église baptiste d’Antioche et de la société John Birch » et qu’il n’a pas non plus de garage…  Le temps de raconter tout ça, notre hippie a vu sa roue réparée et il quitte le plus vite possible, fuyant les représailles. Daniels avait un talent de narrateur évident (et il n’était pas dénué d’humour) ! Comme Wills aussi, Charlie effectuait déjà ses harassantes tournées en bus, en Greyhound comme le révèle la pochette arrière de Yay Down Wonder le montrant lors d’une pause buffet sur le chemin du spectacle.

Sur l’album figurait un excellent truc jazzy appelé No Place To Go, d’excellente facture, à la fin bluesy (ici en live). Le disque m’avait mis en appétit, et les suivants, comme Yay Down Wonder ou Fire on The Mountain, aux accents mexicains  (Caballo Diablo), ou l’excellent « Trudy » et le renversant « The South  Gonna do It », le répertoire en fait de tous les groupes rock du Sud qui allait m’embarquer pour plusieurs années de fidélité à la carrière du violoniste guitariste. Il se permettait aussi un « live » en fin d’album : un époustouflant Orange Blossom Special au violon, (ici en 2005) déjà plein de souvenirs pour moi : c’était en effet un standard du répertoire US bluegrass, en picking, depuis 1938, un des morceaux des Spotnicks que j’avais déjà écouté, âgé d’à peine une douzaine d’années (ici par Vassar Clements au violon) ! Bref, c’était un peu un chaînon manquant : avec ça je pouvais convaincre (enfin) des fans de rock d’écouter de la Country ! L’énergie phénoménale que dégageait ce groupe d’un genre nouveau – le « country rock« , justement, allait se manifester sur les premières grosses réunions  du genre organisées par Daniels et appelées Volunteer Jam dont le premier opus avait une pochette kitchissime (ici à droite). Le second du 12 septembre 1975 ne verra pas d’album au bout mais sera néanmoins enregistré en vidéo. A l’énergie  avec Toy Cadwell de Marshall Tucker …  il décédera hélas en 1993, atteint d’une crise cardiaque..? consécutive à une surdose de coke.

Et ce avec toujours la même qualité sonore au fil du temps, même en vinyle : ici c’est la version de 2018 avec un Daniels âgé de… 79 ans déjà. Sur l’album  suivant (Way Down Yonder 1974 appelé aussi Whiskey en 1977, en Europe) il y a aura un « Whiskey » très proche du Statesboro Blues d’Allman Brothers (ici en live). C’est avec les albums Fire on the Mountain (1974) avec le « Hit » The South’s Gonna Do It qui égrène les noms de ses compère du sud (Grinderswitch, The Marshall Tucker Band , Lynyrd Skynyrd , Dickey Betts (guitariste groupe The Allman Brothers), Elvin Bishop, ZZ Top, Wet Willie et Barefoot Jerry) puis Nighrider de 1975 (à gauche la pochette arrière) que le style et le son Charlie Daniels se mettront en place définitivement, avec notamment Birmingham Blues, un titre fort jazzy encore (ici rejoué en live en 2013). On peut y ajouter High Lonesome (1976, avec le superbe Tennessee, une très belle fresque paysagère (on a tout ce qu’il faut au Tennessee, on y parle une « langue spéciale »- un patois -, etc…) pour faire une sorte de trilogie des « grandes années Charlie ». Avec lui, le Sud va en effet « do it again » comme il dit, pendant une bonne paire d’années… et retrouver une fierté perdue durant la vague hippie et post-hippie des surfeurs, voire le rock plus « cérébral » des années 80 ou new-wave venu de la côte Est … « be proud » again ! Je vous passe les débats acharnés sur Talking Heads, par exemple, que j’aimais tout autant… dans un registre totalement opposé !

Après les albums s’enchaîneront sur ma platine (Thorens), sans jamais décevoir pour autant : l’exceptionnel Saddle Tamp (1976) , avec Dixie On My Mind ou le Its My Life, jazzy en diable, ou Sweet Louisiana – en live ici (en hommage ici par Brent Cobb) proche de ce que fait alors Allman Brothers encore une fois. En 1976 c’est également la sortie du premier Volunter Jam, du nom de l’Etat, « Volunter State », avec ici No Place to Go, superbe morceau jazzy, très Allman Bros),
une réunion de musiciens qui se tiendra à partir de là tous les ans, avec comme invités Marshall Tucker Band, autre groupe exceptionnel, avec Toy et Tommy Caldwell, très orienté jazz lui aussi, et leur version renversante de Thrill Is Gone, une des meilleures jamais faites avec un Chuck Leavell exceptionnel au piano et Jimm Hall de Wet Willie à l’harmonica et au saxophone (ici rejouée par le groupe sur l’album Stompin Room Only), ou encore avec Dicky Betts, devenu le double parfait harmoniquement de Duane Allman.  En 1978 est déjà sorti le Volunteer Jam III et IV. On y dansera sur scène sur … Orange Blossom Spécial, et Charlie y entonnera en final un grand classique du répertoire Country : Tennessee Waltz, avec le regretté Papa John Creach (rappelez-vous Hot Tuna). C’est sur scène en effet que le Charlie Daniels Band donne le meilleur de lui-même, dans des stades vite bondés. L’album pirate d’excellente facture sonore enregistré via la retransmission FM au Met Center de Bloomington Minnesota (une gigantesque salle de hockey réversible), le 19 mai 1979 -et sorti en 2017 seulement- est en ce sens une pure merveille. Celui, précédent, du  Suffolk Forum, Commack, à Long Island, du 28 avril 1978 idem. Daniels commence à se faire connaître en Europe et se retrouve invité le 28 novembre 1980 au Rockpalast, à Dortmund, le passage obligatoire télévisuel du moment. Y figure un blues magnifique qui sera repris sur l’album Full Moon, intitulé No Potion For The Pain. Les vocaux sont assurés par le clavier Joel ‘Taz’ DiGregorio, le plus petit du groupe, facilement reconnaissable, qui est décédé en 2011 d’un bête accident de voiture dans la banlieue de Nashville. Le  27 février 1980, il avait reçu avec le groupe (ici à droite aux côtés de Charlie, qui s’est cassé le bras la veille dans son ranch, c’est l’homme à la chemise grise et noire) un Grammy pour le « best country vocal performance by a group for their hit « The Devil Went Down To Georgia »la gloire devient cinématographique avec une apparition la même année du CDB dans le film Urban Cowboy (avec Travolta). C’est le moment aussi du Volunteer Jam VI, déjà, (un double album). Avec Allman Brothers, Bonnie Bramlett et Toy Cadwell dans une version de Southbound qui se tient, c’est le moins que l’on puisse dire ! Et un Charlie au top…  mais ça on s’en serait douté ! Pour la réunion VII de janvier 1981, ; ce sera Delbert McClinton, une des plus belles voix du R&B, un timbre inoubliable ! Il me fera devenir fan d’emblée, celui-là !

Résultat, les albums vont s’enchaîner et occuper un bon rayon de ma discothèque vinyle sur un bon demi-mètre Million Mile Réflexions, (1979) avec le titre exceptionnel The Devil Went to Georgia, une resucée de Uneasy Rider, version contrat avec le diable, entre Robert Jonhson et Phantom of The Paradise, et des parties de violon enthousiasmantes, avec un Daniels toujours virevoltant et toujours aussi bon conteur vocal. On est emballé par cette histoire, un vrai clip video (ici dans une version fort drôle, avec Mark O’Connor, un délirant Johnny Cash en prêtre maudit et Travis Tritt pour faire la voix du diable !!!), façon combat de guitariste du Karaté Kid, en moins violent ! Puis viendra l’excellent Full Moon (1980), et son The Legend of Wooley Swamp, et El Toreador (ici en 2007), autre hommage au Mexique, interprété en Live à Harfford, dans lequel Charlie avec une section de cuivres se permettra une version de Johnny B Goode, une session live emmenée par un hommage au Texas avec le titre éponyme, joué de façon enlevée avec guitare et violon en canon. Le Volunteer Jam VIII, du 30 janvier 1982, c’est… très rock, avec un George Thorogood brut de décoffrage comme à l’habitude. Avec une belle veste en peau de lézard et un câble de 50 mètres à sa gratte : quel bûcheron arpenteur !

Avec l’album suivant, Windows (1982), commencent à transparaître les goûts politiques conservateurs sinon réactionnaires de Charlie, avec néanmoins un excellent titre, Still In Saigon, sur les vétérans marqués par les combats du Viet-Nam, une des premières chansons en fait sur les syndromes post-traumatiques des guerres. L’histoire du gars qui dès qu’il pleut l’été se transpose directo dans la jungle viet-cong est en fait à la fois sinistre et émouvante. C’est aussi une chanson sur la solitude du soldat, rejeté par tout le monde, à son retour :

The ground at home was covered in snow
And I was covered in sweat
My younger brother calls me a killer
And my daddy calls me a vet
Everybody says I’m someone else
And I’m sick and there’s no cure
Damned if I know who I am
There was only one place I was sure

«J’ai eu l’impression que le patriotisme était presque mort. Mais ensuite, ils ont pris les otages. Je voyage beaucoup et partout où j’allais, les gens disaient: «Comment osez-vous que ce S.O.B. (fils de pute) emmène notre peuple ! Nous devons aller là-bas … Comment osent-ils faire ça! « . On le sait hélas, la tentative d’extraire les otages irakiens se soldera les 24 et par un cuisant échec pour Carter avec l’explosion d »un hélicoptère et d’un Hercules en plein désert lors de l’Opération ratée Eagle Claw. Les otages seront libérés le jour de l’accession au pouvoir de Ronald Reagan. Charlie, lui se paye le luxe d’inviter… James Brown pour son Volunteer de 1983, le 23 janvier,  pour l’exemplaire IX de la série : cela n’a l’air de rien, mais oser cela à Nashville, où règne encore un racisme flagrant est une grande chose, souhaitée par… Charlie Daniels, grand admirateur de James Brown. Plus tard, on accusera Charlie de… racisme, oubliant totalement ce qu’il avait osé faire en 1983…

Puis ce sera  un Volunter Jam de plus, le X eme, avec Molly Hatchett et Ted Nugent, et Me and The Boys (1985), avec un excellent Still Hurtin Me, et deux allusions encore à l’armée avec Class of 83 et le sinistre mais envoûtant MIA, les Missing in action, ces soldats perdus et jamais retrouvés où dont on rapatrie régulièrement les restes du Viet-Nam, l’album se terminant par un vrai réel de bal texan, Drinkin My Babe Goodbye.

Il récidivera en 1989 avec un  hymne aux valeurs du Sud en ouverture de Simple Man (1989), bien ancrées en une allusion à John Wayne et un titre fort provocateur : What This Word Needs Is A Few More Rednecks (ici vers 2010), dans lequel il critique les politiques et l’excès de taxes : Charlie a enfilé avant tout le monde un gilet jaune, avec dans le dos une croix confédérée … en voici en effet le refrain:

« What this world needs is a few more rednecks
Some people ain’t afraid to take a stand
What this world needs is a little more respect
For the Lord and the law and the working man
We could use a little peace and satisfaction
Some good people up front to take the lead
A little less talk and a little more action
And a few more rednecks is what we need »

L’album est sujet de controverse, car comme paroles il y a l’exposé d’une peine de mort façon Charlie pour les tueurs d’enfants, un sujet qui avait provoqué les mêmes débats enflammés en France lors de l’affaire Patrick Henry. La France profonde n’est pas tellement différente de l’Amérique du même nom. Charlie s’en était alors expliqué. « Simple Man (et son clip noir et blanc montrant une arrestation) est publié et monte au n ° 2 sur les cartes des pays. L’album est enflammé par le single du titre, dans lequel un homme simple («avec des attitudes simples», explique Daniels) appelle au lynchage des trafiquants de drogue et à des morts lentes par le biais d’alligators et de serpents pour des meurtres, des abuseurs d’enfants et des violeurs. La chanson fait participer Daniels à de nombreux talk-shows, où il lui est demandé de s’expliquer.Il a écrit la chanson, dit-il, «par frustration». Il avait lu un cas scandaleux dans lequel un enfant a été tué par son beau-père. «Je sais ce que j’en pense; Je sais ce que j’aimerais faire. En partie, c’est un peu ironique; c’est une réaction instinctive. Je ne veux pas vraiment sortir les gens et les laisser dans les marais … Mais les crimes violents – c’est de cela que parle cette chanson. » Daniels fait également l’objet au même moment d’un long clip (en cassette VHS, bien sûr !), « Charlie Daniels: Homefolks and Highways », sur la vie itinérante du digne successeur de Bob Wills ! On retrouvera la même vie exposée dans « Road Dogs« . Le Volunter Jam XI accueille Nugent et... Dobie Gray, l’auteur du standard Drift Away. Un noir, chantant de la Country, comme quoi tout arrive dans les années 80 ! Il avait signé chez Capricorn, la boite d’Allman Brothers ! Il effectuera des tournées en Afrique du Sud, participant grandement à la fin de l’Apartheid. Avec lui Kris Kristofferson, Tom Wopat, Little Richard, Nicolette Larson, Alabama, Ted Nugent, Bill Medley des Righteous Brothers, Tommy Shaw de Styx, Lacy J. Dalton, Gail Davies, Eddy Raven, Emmylou Harris et Amy Grant, Le Volunteer Jam XII a lieu le 12 juillet 1986 au Starwood Amphitheater de Nashville et voit notamment la présence d’Allman Brothers, avec In Memory Elizabeth Reed, leur titre-roi, et ici l’autre, Jessica dont j’avais fait mon indicatif d’émission radio : il s’y prêtait parfaitement ! Quelle mélodie fantastique ! A côté d’eux, John Conlee, Dobie Gray, The Judds, Restless Heart, Marty Stuart, The Outlaws, John Schneider et celui qui monte alors dans les charts, l’excellent Dwight Yoakum.

C’est pratiquement la fin d’un cycle, et de celui aussi des Volunteer Jam, financièrement en difficulté, qui s’arrêtent le 6 septembre 1987, pour un temps, au bout de la 13 édition, non sans avoir invité quelqu’un d’impressionnant à Nashville  pour la dernière de la série : Stevie Ray Vaughan devant une foule immense !! Il est m onstrueux ! Il se joindra même au final endiablé avec une version de Call Me The Breeze auprès de Toy Caldwell (superbe solo !), Ed King, Taz DiGregorio (clavier du CDB, au chant), Tommy Crain, Gary Rossington (ex Skynyrd) et derrière Charlie avec son immense chapeau blanc… et comme décor un grand drapeau confédéré siglé Lynyrd Skynyrd ! Avec Vaughan, il y avait aussi William Lee Golden, Gary Chapman, Great White et… Lynyrd Skynyrd.

Après il y aura Renegade (1991), plus rock, mais avec une version magnifiée de Layla, de Clapton, jouée au violon et au dobro. C’est aussi le retour du Volunteer Jam arrêté, qui repart après 3 ans d’interruption pour erreurs de gestion, avec comme invités B.B. King, Steppenwolf, et Tanya Tucker (ici c’est le N°8 avec le grand classique). . Le disque suivant sera plus…engagé (plus rock, et nettement moins réussi) avec notamment America I Believe in You (1993); de plus en plus patriotique à en devenir passablement ridicule : « in a land of plenty » comme il le dit, on rencontre encore des pauvres, or ça a été mieux fait (en 1987) par un bluesman comme Omar Dykes de Omar and The Howlers. C’est surtout une charge anti-politiciens, et les expressions comme « nous avons les meilleurs fermiers du monde » sonne très pré-Tump en fait !

Et musicalement parlant ça s’essouffle aussi : à vouloir devenir trop rock, Charlie a un peu perdu son âme…  qui va effectuer une retraite provisoire en religion avec une série d’albums à orientation gospel, comme The Door (1994, chez Sparrow Records), à la pochette inquiétante, mais avec une très bonne prise de son de batterie notamment (en 30 ans les prises de son digitalisées ont énormément gagné en profondeur au mixage).  On a droit à la vie de Jésus en cinq titres, appelée Jerusalem Trilogy, où Charlie nous offre un récitatif qui devient vite bien rock. A part le message, c’est musicalement d’un très bonne facture, comme The End Of The World (au son de claviers d’intro très Doors !) ou Praying the Wrong God à la ligne de basse envoûtante moquant les prêcheurs fortunés roulant en voiture de luxe : la religion de Charlie, assis à sa mort sur une fortune de 25 millions de dollars prêche la pauvreté : ce n’est pas la seule contradiction du personnage ! Le Volunteer Jam XIV de 1991 présente à nouveau une affiche alléchante  : Tanya Tucker, Bobby Jones & New Life, Toy Caldwell, Travis Tritt, Joe Diffie, Ted Nugent, Jim « Dandy » Mangrum, BB King, et John Kay & Steppenwolf, notamment. La version XIV réunit Willie Nelson, autre habitué du circuit de bus, Eddie Rabbitt, une fort belle voix oubliée, hélas, Paulette Carlson, Suzy Bogguss Music, Jo-El Sonnier, Pirates of the Mississippi, Confederate Railroad, Toy Caldwell, The Oak Ridge Boys, Little Feat, Hal Ketchum, à nouveau  John Kay & Steppenwolf, Mark Collie, Poco, er The Desert Rose Band.  En 1996, Charlie fête ses 60 ans avec un Volunteer Jam XVI en compagnie de Lorrie Morgan, David Ball, Billy Ray Cyrus, Tracy Byrd Music, Tracy Lawrence, John Berry, Randy Scruggs et BlackHawk. Le Volunteer Jam Tour suivant accueillera Hank Williams Jr. (ici ensemble en 2012), Little Feat & Edgar Winter.  Cette XVIeme réunion sera la dernière des concerts de la série d’origine qui changera de formule avec le suivant… qui ne se tiendra que 18 ans plus tard…

Le suivant, Same ol’ Me (1995) est un des meilleurs de sa carrière, avec un transcendant Take me to the wild side qui n’a rien à voir avec Lou Reed, mais qui perpétue chez Daniels des récits d’atmosphère, toujours basés sur ses talents de conteur en récitatif. L’album renoue aussi avec la légèreté avec un boogie-rock période doo-wop, Gone for Real. La version de Guilty (« it’s my fault ») mettant en valeur la très belle voix de Charlie dans un de ses plus belles ballades, parfaitement enregistrée et mixée subtilement. On est de retour en pleine country sirupeuse à souhait, avec pedal steel et violons, mais difficile de faire mieux dans le genre. Le suivant (Steel Witness, en 1996) est plus apaisé, mais plus religieux, avec sa pochette hideuse (New Pharisees) et se clôture par un habituel morceau « paysager », dans lequel Charlie nous ressort la naissance du Christ au fond d’une grange, revisité, un morceau… bien grandiloquent. Blue Hat record est en fait son propre label, fondé en 1997 avec son « personnal manager » David Corlew.

Il faut attendre l’excellent Blues Hat de 1997 pour que Daniels renfile à nouveau sa salopette de garçon vacher avec en intro un Long Haired Country Boy joué sur un tempo bien plus lent qu’à l’accoutumée. L’album, pour lequel Charlie s’est déguisé en Blues Brothers,  comme son nom l’indique, est d’orientation plus blues avec un Deep Em Blues bien classique mais drôlement bien ficelé (la version d’origine étant du Grateful Dead !), et une reprise musclée de Birmingham Blues (ici en 2011), morceau dont Charlie a épuré la construction, autour de la guitare rythmique : c’est une excellent variante qui revisite l’un de ses titres phares.

Après le blues, retour… au feu de camp, avec By The Light of the Moon (1997), et une intro un peu passéiste mais charmante, évoquant les veillées de cow-boys, un album qui sonne donc comme un retour aux sources (réussi) à la Country, Charlie nous délivrant sa version de la « Cow-Boy Logic ». Autour du feu de boisson chantait aussi des berceuses, et le titre de la chanson qui clôt l’album en est une magnifique ; elle s’appelle Yippie Ki Tea, le cri de ralliement des vrais cow-boys : des machos sentimentaux qui attendent le soir le hurlement du coyote pour s’endormir (c’est sur le dernier sillon du disque..). Avec Tailgate Party de 1999 c’est un peu un best of revisité qui ne dit pas son nom avec une version bien trop molle de Statesboro Blues : Charlie commence à manquer d’inspiration visiblement. L’album Road Dogs sorti en 2000 (drôle de pochette !) revient au rock (bien plus lourd, c’est dans l’air du temps) mais avec un Charlie devenu plus sombre avec un Ain’t no laws in California, bien noir.

I was hanging in out in L.A. looking for a real cool place to go
I struck up a conversation with this dude wearing hip hop clothes
He said you talk like you’re from Texas let me welcome you to our town
An I hope you have a real find day
But don’t you let me catch you when the sun goes down
We got scalawags we got queens in drag we got pushers pimps and punks
We got crips and bloods we got dykes and studs
We’ve got junkies thieves and drunks
This is where the juice got turned aloose and if you ain’t caught on yet
Ain’t no law in California
Welcome to the wild wild west

Sidewinder est un morceau instrumental du même album, à la fois jazzy et enlevé avec guitares en canon comme le font si ben les groupes sudistes concurrents  (Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchett, Allman Bros) ; et Charlie sait encore pourtant surprendre avec un titre final intitulé Sail Away ; un très belle ballade nostalgique. Au seuil de l’année 2000 on en est déjà à près de 30 ans de carrière pour Daniels et pas moins de 25 albums sans compter les divers « Live ».  Mon rayon de vinyles s’est bien rempli durant tout ce temps (nota : depuis, j’ai tout revendu, ai dématérialisé en deux ans en FLAC dans un NAS Synology et j’écoute aujourd’hui sur un minuscule DAC-Denon Piccolo relié à deux petites merveilles d’étagère DALI -des Spektor 1-, couplées au caisson de basse Sub C8-D de la même marque: je n’ai jamais eu un aussi bon son qu’avec cet équipement de taille réduite).

Le moment, à l’aube de l’an 2000, pour faire une pause et se rappeler qu’avant même de jouer avec son propre groupe, le double talent de guitariste et de violoniste avaient fait de Charlie un musicien réputé malgré sa jeunesse, au point d’être recruté par Bob Johnston, le producteur d’un certain Bob Dylan pour figer sur des albums majeurs de sa carrière : Nashville Skyline, Self Portrait et New Morning.  Dylan s’en était particulièrement souvenu dans ses Chronicles : « je sentais que j’avais beaucoup en commun avec Charlie. Le genre de phrases qu’il utiliserait, son sens de l’humour, sa relation au travail, sa tolérance à certaines choses. Ressenti comme si nous avions rêvé le même rêve avec tous les mêmes endroits éloignés. Beaucoup de ses souvenirs semblaient coïncider avec les miens. Charlie jouerait avec des trucs et en donnerait un sens. …Lorsque Charlie était là, quelque chose de bien sortait généralement des séances. … Des années plus tôt, Charlie avait un groupe dans sa ville natale appelé The Jaguars qui avait enregistré quelques albums de surf rockabilly, et même si je n’avais enregistré aucun album dans ma ville natale, j’avais aussi un groupe à peu près au même moment. Je sentais que nos premières histoires étaient quelque peu similaires. Charlie a fini par frapper fort. Après avoir entendu les Allman Brothers et le Lynyrd Skynyrd sinueux, il a trouvé son groove et a fait ses preuves avec sa propre marque de dynamique, à venir avec une nouvelle forme de boogie hillbilly qui était du pur génie. Atomiquement alimenté – avec un jeu de violon double surréaliste et de grands morceaux comme «Devil Went Down to Georgia»… Daniels restera plein d’admiration pour leur réelle complicité en déclarant « qu’ il n’y a qu’un seul Bob Dylan, et je suis reconnaissant d’avoir eu l’occasion de marcher dans son ombre pendant une saison. »  Ici Charlie explique la période.

En 2014, surprise, ce bon Charlie s’en est souvenu, en réalisant un très très bon disque-hommage, salué par Dylan en personne : Off The Grid, qui est une vraie merveille musicale. Telle sa version de  I Shall Be Teleased, avec ici l’explication de l’enregistrement de Charlie du titre.. ou bien The Times They Are A’ Changin, dont Charlie a toujours été grand fan, lui opposé à l’establishment, à sa façon « red state » il est vrai  : avec le violon virevoltant de Charlie, et une mandoline superbe en soutien, cela devient un pure merveille en effet !!!. L’une des meilleures jamais faites du titre phare de Dylan !!!

De 2000 à 2020, Charlie Daniels a continué à tourner, beaucoup tourner, à la façon d’un BB King jusque la fin de sa vie. Et moins enregistrer : de 2000 à 2010, six albums seulement, dont des gospels How Sweet the Sound: 25 Favorite Hymns and Gospel Greats et Songs From the Longleaf Pines. Sans oublier l’indispensable album de Noël de 2002 avec un très doux Have Yourself A Merry Little Christmas et en regard un Blue Christmas rock  à décorner un renne (ici la version nettement assagie !). Comme le blues bien gras It’s Bad To Have The Blues avec l’histoire du gars qui se fait lourder le jour de Noël, sa femme partie avec sa télé « grand format » et se retrouve sans un sou et sans un copain pour l’aider  ! Une approche particulière de Noël, disons !!! Un Noël complètement trash par celui dont la tête ressemble tant au Père Noël ! L’humour du sud, en quelque sorte !!!

Un album, Fiddle Fire –  25 Years of The Charlie Daniels Band sort sur Blue Hat Records, il résume en effet la carrière comme un BestOf. Sur le titre « Texas”apparaissent Lee Roy Parnell et Ray Benson. Un autre album, Freedom and Justice For All, sort en 2003 chez Bluehat toujours, il contient My Beautiful America, un énième récitatif d’introduction dédié à la beauté des paysages traversés par son bus lors de ses tournées. C’est toujours un bon observateur de la vie courante, il y cite le mont Rushmore, revisite les symboles des USA et reste admiratif du pays dans lequel il vit, tout simplement. La Tour Eiffel ou le Taj Mahal à côté ne valent pas grand chose, selon lui… On notera que le « Two Pine » ranch que cite souvent Charlie est aussi le sien : un Charlie resté fermier dans l’âme avec son cheval favori, TP King Bear, mort en 2010, ses Horned Herefords et sa spécialisation sur une espèce et des troupeaux de bovins de race Corriente. En 2010 un terrible incendie dans sa grange principale a tué une bonne partie de son troupeau, hélas.

En 2001 est sorti aussi un album Live, qui contient plusieurs perles, dont une excellente version hommage à Allman Brothers avec In Memory of Elisabeth Reed, le morceau signature du groupe. En 2007 c’est Live in Iraq, avec tout le groupe habillé d’uniformes militaires sur la pochette : on ne peut se montrer plus patriote que Charlie à ce moment là !!  Mais cela reste du Daniels et donc encore un très bon live…  avec de biens étranges remontées d’applaudissements de grand stade parfois… qui gâchent tout, mais bon. C’est sa seconde visite en Irak et au Koweït en fait. A 70 balais maintenant le voici choisi comme thème musical de la radio via satellite SIRIUS sur « Road Dog Trucking channel 147″, aux programmes qui émettent 24 h sur 24 pour les camionneurs. En 2007, en récompense de ses actions patriotiques, il reçoit un AMVETS Silver Helmet Award à Washington DC en mars, et l’Office of the Secretary of Defense Exceptional Public Service en juin..  Son batteur n’a pas eu de médaille, pourtant il avait décoré sa double batterie comme il faut…

Entre-temps, le Charlie Daniels Band (CDB) tourne toujours au travers de tous les USA, à bord d’un énorme bus rouge, ou plutôt de deux énormes engins diesel signés Dodge, le Twin Pine Rambler II et ironiquement, le LadyLaRue, le nom d’une Drag Queen célèbre aux USA.  Une vrai vie de saltimbanque en fait, on l’oublie parfois ! Charlie fait toujours, à 80 balais, « 100 000 miles a year » en tournée !!! Charlie, sur Twitter, tient informé ses fans de la progession de la tournée en parlant de sa « flotte », avec ses deux bus et ses camions de matériel. « C’est un camping-car, mais il est construit sur un bus de 45 pieds (13 mètres), mais c’est comme une maison mobile. Il y a une chambre, une salle de bain, une cuisine. J’ai deux camping-cars, un pour le groupe et un pour moi « , dit-il. » Celui-ci est construit pour ma femme et moi-même et il a la même chose que vous avez dans un petit appartement. Celui pour le groupe a des couchettes pour un tas de gens sur qui voyager. Ma femme, moi et mon chauffeur sommes dans mon bus. Je n’appellerais pas ça un VR. C’est un bus à part entière de 45 pieds.  » Sur la route, Daniels aime particulièrement le paysage de l’Ouest. « J’aime voyager vers l’Ouest parce que ce sont juste de grands espaces à travers l’Arizona et des endroits comme ça. C’est amusant dans le nord-ouest supérieur », dit-il. « Je n’aime pas les zones encombrées, en ce qui concerne les voyages, mais quand vous arrivez à un endroit où vous pouvez parcourir 300 miles sur une route sans vraiment vous arrêter et où vous ne vous encombrez pas, c’est juste un joli pays.  » Être sur la route peut être exténuant, allant d’un arrêt à l’autre. « La plupart du temps, dans le bus, nous voyageons la nuit et je dors, donc les fois où je me lève sont les vrais longs trajets, si nous nous rendons en Californie ou dans un endroit où il y a de très longs chemins, et cela prend quelques jours pour y arriver dans la journée « , dit-il. « Je vais monter dans le bus et me coucher et me réveiller à Evansville, Indiana demain où bien jouer. Nous nous réveillerons à nouveau et nous réveillerons à Knoxville, Tennessee, et le lendemain je me réveillerai à Wilmington, en Caroline du Nord et le lendemain je me réveillerai à Cary, toujours en Caroline du Nord et ensuite nous reviendrons à la maison et je me réveillerai à la maison. Donc je dors la plupart du temps parce que nous voyageons la nuit et nous travaillons la nuit ». A noter qu’avant d’avoir ses Dodge diesels, Charlie roulait en car Prevost, une marque… canadienne. En 2004, il participe au spectacle du Super Bowl XXXIX avec Gretchen Wilson, Black Eyed Peas, et Earth, Wind and Fire. Une autre forme de consécration.

En octobre 2007 sort un vrai chez d’œuvre de subtilité, d’arrangements et de qualité d’enregistrement avec l’album Deuces, et un morceau d’intro à couper le souffle : la formidable reprise de What d’I Say de Ray Charles, avec Travis Tritt, un titre à la batterie époustouflante. On ne s’en lasse pas ! Quelle version monumentale ! Like a Rolling Stone de Dylan est du même tonneau, à croire qu’il a a été conçu pour la voix de Daniels  (en compagnie de Darius Rucker- de Hootie and the Blowfish -) !!!  Marty Stuart, pas un manchot non plus, transcendant avec lui le God Save Us All From Religion, encore une critique acerbe des évangélistes de pacotille ces escrocs, et des religions, un vrai brûlot, écrite à trois avec Doug Johnson et Kim Williams . Une chanson « forte » disons, capable de choquer l’Amérique puritaine, qui contient aussi ceci :

We’ve got the Jews and the Muslims, the Isms and the Wasums

And ten thousand flavors of Christians

God save us all from religion,

Elle a été depuis réenregistrée par Jay Jolley, de Band2XL, qui l’a qualifiée de « chanson forte« , en effet pour en faire une très belle version à vrai dire. Voici son commentaire sur elle : » De mon point de vue, cette chanson parle des règles de la religion. Il s’agit de savoir à quel point les gens ont utilisé la religion pour tuer des gens, déclencher des guerres et haïr d’autres personnes. C’est loin de l’amour de tous que nos parents nous ont appris. Vous remarquerez surtout les paroles de la chanson. Mais quand vous l’écoutez plusieurs fois, vous reconnaîtrez une très bonne mélodie. C’est une simple chanson country qui ressemble à l’une de ces chansons classiques. La musique est agréable, mais l’accent est mis sur le chant. Il s’agit du chanteur qui raconte une histoire. C’est là que l’accent est mis et pour cette chanson, sa mission est accomplie« .

Charlie a toujours été un iconoclaste en réalité ! En 2019, il lance le Outlaws & Renegades Tour avec Travis Tritt et The Cadillac Three, The Marshall Tucker Band et Love & Theft. Le titre lui-même ne laisse pas de doute sur son positionnement à part de la Country traditionnelle. Avant lui il y avait eu Wayon Jennings et Willie Nelson (le grand Willie Nelson !) pour faire la même chose. Willie sillonnait il n’y pas encore longtemps lui aussi les USA à bord de son bus (racheté au groupe Point Blank). Ruiné par son manager, c’est tout ce qu’il avait pu trouver comme refuge… Il s’y était bricolé dedans des relais WIFI pour capter à chaque arrêt !

De 2010 à 2020, trois albums seulement, donc, pour Charlie, avec le chef d’œuvre consacré à Dylan déjà décrit plus haut mais aussi Land That I Iove, ultra-patriotique avec notamment « Iraq Blues ». Un blues bien appuyé à trois guitares de front dans la tradition sudiste et un piano laid-back bien classique. Un texte patriotique mais un très beau blues en réalité !!!

Le voila enfin au panthéon avec son introduction officielle en 2014 à la soirée du Grand Ole Opry, la Mecque de la musique  Country, ex The Barn Dance Show (c’est la plus ancienne émission de radio diffusée à la radio aux États-Unis car crée le , avec bien entendu « Devil Went Down to Georgia » ce soir-là.

Le troisième album de la série post 2010 étant Night Hawk, à la belle et sobre pochette, sorti en 2016 pour celui-là. Très country, avec à nouveau une superbe prise de son et des titres comme Billy The Kid (déjà fait en 1976  sur High Lonsome en fait), une nouvelle version plus sobre, en forme de mini-scénario avec guitares et mandolines, absolument parfaite. Un petit chef d’œuvre amer se niche dans l’album, c’est « Can’t Beat the Damned Ole Machine », qui qui consacre la force du progrès mécanique qui lamine tout. Celle qui fait dire ça un cow-boy « maintenant il n’y a plus de place pour des gens comme moi »…. Puis une reprise du grand classique Riders in The Sky à la guitare sèche profonde, en parfaite adéquation avec la voix grave de Charlie : la version majeure du titre, sinon la définitive !! (ici la version Volunteer Jam XII des Outlaws, rois du titre également). Et ce qui va rester comme mon dernier clin d’œil ou presque avec une autre version, plus lente de Yippie Ki Yea !!! En 2017, un single est sorti qui était tout sauf anodin : c’était la reprise d’un titre de Johny Cash, Ragged Old Flag qui a été écrit en 1974, après l’éviction de Nixon et la honte du retrait US du Viet-Nam, écrit selon, Cash « pour réaffirmer la foi dans le pays et la bonté du peuple américain. » Une chanson fort sombre, devenue récitatif, dont le succès s’était ravivé après les attaques du 11 septembre 2001, décrite aujourd’hui comme pouvant  éviter de revoir les scènes de drapeaux brûlés en place publique, fort traumatisantes chez les Américains. Daniel avait-il pressenti des heurts à venir dans le pays, comme ceux auxquels on vient d’assister ? Ou ceux à venir cet été encore ?

Le 24 mai 2014, grande nouvelle; grâce à la ténacité de Charlie, Volunteer Jam reprend, après 18 ans d’absence (depuis 1996 !), ça se passe désormais dans le Colorado au  Fiddler’s Green Amphitheatre en dehors de Denver, avec Craig Campbell, Blackhawk et The Outlaws pour recommencer. Tout le show est intégralement diffusé sur AXS TV. On en est au Volunteer Jam XVII !

Volunteer Jam reprend, donc, l’année suivante avec le XVIII eme du nom, 12 août 2o15, pour son 40eme anniversaire avec un bénéfice de 300 000 dollars reversé à une des associations caritatives de Charlie, The Journey Home Project, destinée aux vétérans de l’armée. Il fait aussi partie du Jason Foundation Golf Classic, association pour éviter le suicide chez les jeunes et le Galilean Children’s Home à Liberty, dans le Kentucky, un abri pour les enfants abusés ou négligés. Le 30 novembre  2016, c’est l’anniversaire de Charlie Daniels (80 ans !) et font la fête sur scène avec lui Chris Stapleton, Travis Tritt, Kid Rock, Larry The Cable Guy, 3 Doors Down et Luke Bryan, pour le Volunteer Jam XIX : 46 ans après ses débuts originaux !!! 

L’édition XX, intituélé « A Tribute to Charlie. » est marquée par un double album assez fantastique, à recommander, avec une version bien alourdie de Trudy joué par les forçats de Blackberry Smoke, de la « hard-country » revisitée, si on peut dire, une version de Blue Sky par l’héritier Devon Allman (avec Duane Betts, le fils de l’autre, la relève est là !), un Sweet Home Alabama signé Lynyrd Skynyrd réformé, et une prestation de vieux amis : ZZ Top. La version de La Grange est excellente, même ici en vidéo avec un Billy en manque de voix (elle est meilleure sur l’album, enregistré ailleurs !). Au soir du concert, Charlie avait fait un aveu : « Je l’aime toujours », a déclaré Daniels à propos de la musique. «J’adore les gens avec qui la font. Je reçois une émotion chaque nuit en sortant sur scène après avoir diverti les gens. Les gens disent: «Pourquoi ne prenez-vous pas votre retraite?» Que ferais-je ? Si je vais m’asseoir dans le salon et jouer de la guitare, je pourrais aussi bien être payé. C’est ma vie depuis si longtemps, c’est difficile d’imaginer ma vie sans. »  Le plaisir de jouer ? Ça s’entend très bien (en slide) dans la version de One Way Out d’Allman Bros joué par Charlie sur cet album (et ici en version de 1985, admirez le décor de scène) !

Volunteer XXI Jam 2020 était dans les rails, et prévu à partir du 15 septembre 2020, avec déjà annoncés à l’affiche Marshall Tucker Band, Allman Betts Band, Delbert McClinton, the Outlaws, the Atlanta Rhythm Section et Pure Prairie League, Chris Janson, Larry, Steve & Rudy: The Gatlin Brothers, Big & Rich, Gretchen Wilson, Cowboy Troy, Keb’ Mo’ et Jenny Tolman. 46 ans après ses débuts ! Espérons que cela se fera, et que le Covid19 ne va pas tuer dans l’œuf la réunion, hélas, désormais sans son leader.. En une sorte d’hommage, en tout cas… parti comme c’est; il y a fort à croire que le XXeme exemplaire avait été en fait le dernier…

 

Nighthawk, le dernier album ? Pas tout à fait, car depuis quelques temps Charlie a intégré un « nouveau » groupe bis, Beau Weewils, groupe qui se veut « roots » à voir leur pochette en salopettes de fermiers devant leur vieux Massey Ferguson. C’est en fait Charlie et son bassiste, Charlie Hayward, rejoints par Billy Crain à la gratte et produits par David Corlew.  C’est une de ses dernières apparitions vidéo, enregistrée lors de la quarantaine et plutôt délirante. Et une belle page de fin à tourner pour celui qui a, je pense, été assez incompris car il savait être drôle aussi : le refrain et son dernier message étant tout simplement « C’est la vie« … en Louisianais !!!

La personnalité de Charlie Daniels, on vient de le voir, n’était donc pas si simple que ça : il nous avait en fait montré que chez le plus crétin des rednecks, ceux qu’il avait moqués dans son premier grand succès, il y avait quelque chose à entendre et à écouter : un malaise grandissant dont on voit les effets pervers partout avec la monté des populismes et le rejet en flèche de la classe politique, jugée corrompue. A ce jour, un seul l’a bien perçue cette notion : Seth Cohen, qui a écrit de superbes phrases sur lui dans Forbes, le 7 juillet, dès l’annonce de sa disparition :  « à mesure que Daniels vieillissait, sa politique a changé et ses paroles reflétaient également ce changement. Dans des chansons comme «In America» (1980), «Simple Man» et «(What the World Needs Is) A Few More Rednecks» (les deux en 1990), Daniels a souvent pris une tournure plus droitière, et a souvent exprimé un ton plus strident et conservateur ».

« Ce faisant, Charlie Daniels a souvent capturé les frustrations refoulées de nombreux Américains qui estimaient qu’un cadre de politiciens et d’activistes de «l’élite côtière» éloignait le pays de certaines de ses valeurs fondamentales. À bien des égards, les paroles de son single à succès «Simple Man» capturent ce sentiment de frustration et de déception, ainsi que le regain de fierté de ce que certains appellent dérisoirement une culture hillbilly. La chanson, qui a atteint le deuxième rang des palmarès des pays, commence avec une expression que de nombreux Américains pourraient partager aujourd’hui. » Les paroles en effet sont à réécouter (2) : «Je ne suis rien mais un homme simple, ils m’appellent un redneck, je pense que je le suis. Mais il se passe des choses qui me rendent fou jusqu’au cœur. Je dois travailler comme un chien pour joindre les deux bouts. Il y a des politiciens tordus et du crime dans la rue. Et je deviens de plus en plus fou et je ne vais plus le supporter. »

« Les paroles décrivent ensuite comment, dans les mots francs de Daniels, les crimes tels que le trafic de drogue, le vol et le meurtre devraient être punis. Mais le refrain exprime également une attitude de «tout le monde» qui tente de transcender ce que beaucoup pourraient considérer comme une rhétorique haineuse et de peindre un récit édifiant.  «Vous savez ce qui ne va pas avec le monde aujourd’hui? Les gens sont partis et ont rangé leur Bible. Ils vivent selon la loi de la jungle et non selon la loi du pays. Le bon livre le dit donc je sais que c’est la vérité; un œil pour et un œil et une dent pour une dent. Tu ferais mieux de regarder où tu vas et de te rappeler où tu étais – c’est ainsi que je le vois, je suis un homme simple. »

« En fait, ce que Daniels a essayé d’exprimer dans bon nombre de ses paroles tardives était la voix d’Américains qui se sentent frustrés et floués  mais fondés sur des principes et patriotiques. Les mêmes sentiments partagés par de nombreux Américains qui veulent, selon les termes du président Trump, rendre l’Amérique encore grande. »

Des polémiques inutiles sont nées avec un Daniels qui a toujours affiché ses liens avec son lieu de naissance, le sud des Etats-Unis, et n’a jamais caché son patriotisme profond. L’une des polémiques idiote était venue en 2016 d’une mauvaise interprétation d’un de ses tweets sur la jeunesse dissolue, qui selon lui, partisan de l’ordre, aurait besoin de retrouver le goût du travail et de l’effort, en allant selon lui « ramasser un peu de coton ». Le voici le lendemain même dépeint comme « raciste »… alors qu’il expliquera que chez lui ça ne pouvait l’être, tout bêtement, car il en avait lui-même ramassé étant enfant pour se faire de l’argent de poche : il n’y pas que des esclaves noirs en effet qui ont fait ça, des étudiants sans le sou (et blancs !) l’on fait aussi…. Daniels l’ayant même chanté sur « You Can’t Pick Cotton » de l’album Homesick Heroes de 1988 avec une fable sur le moment pour faire -ou pas- certaines choses :.

You can’t pick cotton if the fields ain’t white
You can’t stay sober on a Saturday night
You can’t go courting if you get too old
You can’t go driving if the wheels won’t roll
Greenback money make the wheels go round
I’m gonna play my fiddle’til the sun goes down

La polémique a perduré, comme beaucoup d’autres aujourd’hui hélas, alors que Charlie n’est pas celui que l’on par trop caricaturé, comme on a caricaturé pendant des décennies la Country en la décrivant comme une musique de bouseux illettrés, alors que la guerre électrique y est née, comme on l’a vu, avec la Rickenbacker de Bob Wills. Notre auteur de Forbes a retrouvé par exemple encore ce que Charlie a dit de juste il me semble du mouvement de destruction des statues que l’on peut trouver excessif en effet : « bien que Daniels était un opposant à l’abattage des statues confédérées, dans une interview de 2018 avec The Morning Call , il était contemplatif quant à la justification de son opinion. «  » Si les abattre faisait du bien, je serais tout à fait d’accord «  », a-t-il déclaré lors de l’entretien. «Mais je ne vois pas où cela fait du bien. … Que cela fait-il? Je veux dire, est-ce vraiment utile?  » Avec sa mort cette semaine, Charlie Daniels ne sera pas là pour voir comment l’Amérique résout son débat en cours sur les statues confédérées, et il ne verra pas non plus si le candidat avec lequel il s’est publiquement rangé sera réélu. Mais une chose est sûre: la musique et les paroles écrites par Charlie Daniels reflètent les opinions de nombreuses personnes qui détermineront à la fois le résultat du débat et l’élection. Si les politiciens des deux partis sont intelligents, ils feront attention à ce que Charlie Daniels chantait… Et surtout à ceux qui l’écoutaient et l’écoutent toujours… » Ils ont intérêt en effet à entendre cette voix de fond, à voir la foule qui a assisté déjà au transfert du corps vers Mount Juliet, de cette icône de l’histoire américaine. Personnellement, je le remercie de m’avoir autant fait plaisir musicalement… Merci, Charlie, ravi de t’avoir trouvé il y a 50 ans !

 

(1) En 1964 le quartier était en ruines et n’intéressait aucun promoteur.« Lille est noire, triste, méconnue. Les « rangs » de maisons (XVII-XVIIIème) ont perdu leur homogénéité et disparaissent sous les briquettes, le ciment, les décors à la mode ; les démolitions vont bon train dans le quartier St Sauveur, berceau de la vie lilloise, simple et laborieuse. » Là, on a tout rasé. Un peu plus loin, « un groupe de personnalités du musée s’émeut de l’état inquiétant de l’Hospice Comtesse dont on entame alors la restauration.. A quelques mètres, la démolition de l’ancien palais de justice met à jour le site de la crypte de la Collégiale St Pierre qui fut à l’origine de la vie intellectuelle et économique de la ville. Non loin de là, un camion heurte la vitrine de la « Boite aux disques », et, bonne surprise, sous le coffrage de bois, les traditionnelles piles de grès des rez de chaussées apparaissent… Cette découverte fortuite sera le coup d’envoi d’un goût nouveau pour la mise à jour et la reconstruction de nos rez de chaussée de grès. » Ce sera le début de « La Renaissance du Lille Ancien » une association qui a sauvé depuis le quartier, que l’on voulait en fait raser comme le précédent !

(2) Paroles de Simple Man :

I ain’t nothin’ but a simple man
They call me a redneck I reckon that I am
But there’s things going on
That make me mad down to the core.

I have to work like a dog to make ends meet
There’s crooked politicians and crime in the street
And I’m madder’n hell and I ain’t gonna take it no more.

We tell our kids to just say no
Then some panty waist judge lets a drug dealer go
Slaps him on the wrist and then he turns him back out on the town.

Now if I had my way with people sellin’ dope
I’d take a big tall tree and a short piece of rope
I’d hang ’em up high and let ’em swing ’til the sun goes down

Well, you know what’s wrong with the world today
People done gone and put their Bible’s away
They’re living by the law of the jungle not the law of the land
The good book says it so I know it’s the truth
An eye for and eye and a tooth for a tooth
You better watch where you go and remember where you been
That’s the way I see it I’m a Simple Man.

Now I’m the kinda man that’d not harm a mouse
But if I catch somebody breakin in my house
I’ve got twelve guage shotgun waiting on the other side

So don’t go pushing me against my will
I don’t want to have to fight you but I dern sure will
So if you don’t want trouble then you’d better just pass me on by

As far as I’m concerned there ain’t no excuse
For the raping and the killing and the child abuse
And I’ve got a way to put an end to all that mess

Just take them rascals out in the swamp
Put ’em on their knees and tie ’em to a stump
Let the rattlers and the bugs and the alligators do the rest

You know what’s wrong with the world today
People done gone and put their Bible’s away
They’re living by the law of the jungle not the law of the land
The Good Book says it so I know it’s the truth
An eye for and eye and a tooth for a tooth
You better watch where you go and remember where you been
That’s the way I see it I’m a Simple Man

On peut écouter un long interview ici sur la radio cité. Cliquez simplement ensuite sur l’image figurant ci-dessous dans le site :


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