Phil Bryant, le gouverneur du Mississippi, a été en définitive l’otage docile de l’extrême droite du Sud. Alors que son propre prédécesseur, aux idées pourtant bien droitières, s’était engagé dans les années 90-2000 vers une réforme hardie de l’aide sociale, il est revenu en arrière sous la pression du Tea Party et de ses ineptes conceptions de l’Etat (ou du rejet carrément de l’Etat !) et il a brisé net cet élan prometteur, initié par un homme : Mike Chaney. Le Mississippi est aujourd’hui une catastrophe sanitaire et un désastre social. Phil Bryant n’en a cure, sur le départ, il nous fait visiter aujourd’hui son manoir (« Mansion ») et s’adonne à sa passion : la chasse, en s’étant préparé un terrain de jeux rien que pour lui : une réserve naturelle détournée pour son plaisir personnel !!! Avec lui, la Mafia politique sudiste a gagné : il peut accueillir tranquillement son ami Donald avant de quitter la scène….
Une tentative pourtant
Et pourtant, quelque chose avait été tenté. En 2007, avant même l’ObamaCare, face à la crise sanitaire de l’Etat, Barbour avait appelé un vieil ami à lui, Mike Chaney (ici à droite en 2016), un vétérinaire vétéran du Vietnam, originaire de Vicksburg. Après avoir restreint pendant des années Medicaid, le programne national d’aides aux soins, il souhaitait bâtir le sien tout simplement.
Chez Barbour, c’était une vieille histoire, déjà car en 1995 il avait déjà tenté de le faire, et pour l’ensemble du pays, en augmentant le Medicare existant de 50%: son appel au nom des républicains avait reçu 80 réponses seulement dans tout le pays et il avait subi un tir de barrages de tous les côtés, du sien, comme des démocrates !
Un projet tué dans l’œuf par le Tea Party
Cela partait d’une bonne analyse : « le plus grand groupe de personnes non assurées au Mississippi lorsque j’étais gouverneur étaient les employés de petites entreprises », m’a dit Barbour. J’ai chargé Chaney d’expliquer comment le Mississippi pourrait mettre en place un marché en ligne où les nombreuses petites entreprises de l’État pourraient mettre en commun leur pouvoir d’achat pour acheter une couverture médicale. » En fait en 2010, personne au Mississippi ne s’y opposait vraiment. Ayant conclu un accord avec l’administration d’Obama, Barbour et Chaney reçoivent donc des subsides d’Etat pour lancer leur propre projet. En 2011, « avec 21 millions de dollars de subventions fédérales, il a embauché la firme GetInsured.com pour construire le site Web de l’État, baptisé OneMississippi.com, et s’est mis à travailler pour le préparer pour les débuts de l’Obamacare. Blue Cross Blue Shield, qui détenait plus de 80% du marché de l’assurance au Mississippi, a assuré à Chaney que c’était le cas ». Tout était prêt, panneaux de publicités déployés partout pour l’annoncer. C’était compter sans le Tea Party et sa haine viscérale de tout ce qui venait d’en haut…
« En juin 2012, après que la Cour suprême des États-Unis ait confirmé le principe fondamental de la loi – obligeant la plupart des Américains à obtenir une couverture médicale ou à payer une pénalité – le cofondateur du Tea Party du Mississippi (fondateur du Tea Party en 2009, c’est lui qui parlait de « Hussein Obama ». Il est ici en train ici à droite en train de réécrire l’histoire en vrai illuminé religieux alors qu’il cite les écrits de John Locke, adulé et encensé par le Tea Party !), Roy Nicholson, donc, a ordonné à ses troupes au sol: «de résister par tous les moyens qui sont justes aux yeux de Dieu, car ce n’est pas une rébellion ou une insurrection, c’est une résistance patriotique à l’invasion. » Signe de la tension créée sur place, le 13 aout 2014, Nicholson avait même ouvert un meeting par une prière appelant à « être violent » avec les républicains !!!!
Celui qui va les écouter, ces sirènes douteuses hélas, s’appelle Phil Bryant, qui vient de succéder à Barbour et qui aurait dû mettre en place cette réforme cruciale : « qu’il détestait la loi sur les soins abordables était une évidence » selon la journaliste Varney (cf notre épisode précédent). Un autre homme va se mêler à l’affaire pour faire pencher la balance du mauvais côté : Forest Thigpen (ici à droite), le directeur du Mississippi Center for Public Policy, un groupe de pression abondé par l’argent des frères Koch. C’est aussi celui qui prône les « charter-schools », ces écoles à enseignement laïque; à gestion privée – mais à financement public (?), bénéficiant d’une très large autonomie dans l’enseignement (même Trump en a eu marre, c’est dire !).
Lors d’un repas-réunion avec Michael Cannon, directeur des politiques de santé du Cato Institute, un autre groupe de fieffés réactionnaires, (un think tank libertarien financé par Charles G. Koch) sera donné le coup de grâce à Chaney et sa réforme. Cannon ce jour-là dira au micro de la réunion « si vous avez prêté serment de défendre la Constitution des États-Unis et vous croyez que cette loi est inconstitutionnelle « , a déclaré Cannon, » alors, je soutiens que vous avez le devoir d’empêcher cette loi de prendre pleinement effet. » La pièce a éclaté sous les applaudissements ». Note dans son texte Varney (voir épisode précédent).
Le même Cannon, ce véritable faucon, avait témoigné lors d’une audition sur les limites constitutionnelles pour la mise en œuvre de la loi sur les soins abordables, en agitant le spectre de la révolte de rues contre le gouvernement fédéral !!! L’extrême-droite joue tout le temps sur le registre de la peur ! Et au Mississippi, c’est elle qui a gagné !
C’en était fini ce jour-là de l’espoir d’une réforme sociale vitale pour le Mississippi, enterrée par Bryant sous la pression du Tea Party et de toute l’extrême droite ségrégationniste de l’Etat ! Alors que dans le Massachusetts, Mitt Romney avait promulgué la sienne ! A la réélection de 2012 d’Obama, Bryant repartira tête baissée contre l’ObamaCare, dénigrant haut et clair désormais le travail de Chaney, littéralement humilié par lui : du clientélisme ordinaire pour satisfaire uniquement ceux qui l’avaient en fait mis en place, lui, « le gouverneur du Tea-Party » !!!
Le résultat de ce tir de barrages d’extrémistes ? En décembre 2013, 802 personnes seulement s’étaient inscrites à l’Obamacare, dans tout le Mississippi ! A partir de là, faute d’argent fédéral et en l’absence du régional, tout a suivi : en 2014, l’hôpital Kosciusko supprime son unité de soins intensifs, faute d’argent et d’autres suivent : le Montfort Jones Memorial Hospital, d’Attala County, qui met 38 personnes sur la paille, le Pearl River County Hospital idem, comme le Beacham Memorial Hospital in Magnolia d’Osyka, le Southwest Mississippi Regional Medical Center qui supprime lui 5 postes de médecins, le North Mississippi Health Services de Tupelo, qui en enlève 109… les hôpitaux du Natchez Regional Medical Center à Natchez, du Tallahatchie County General Hospital à Charleston et du Tippah County General Hospital de Ripley sont au bord du gouffre financier, eux aussi. Hob Bryan, vice président du Senate Public Health Committee, déclarera, dépité : « je pense que la seule chose dont le gouverneur se souviendra, c’est d’avoir rejeté l’argent pour prendre soin des personnes malades ». Son bilan à son départ est désastreux, rappelle ici la blogueuse Cathy Lubenski. Le Mississippi est bon dernier partout ou presque !
Un homme sur le départ au bilan catastrophique
En 2013, Bryant osera cette phrase immonde, digne d’un Donald Trump : « there is no one who doesn’t have health care in America. No one ». Inutile de traduire, je pense ! En 2011, 48,6 millions d’americains n’avaient pourtant toujours AUCUNE assurance de santé ! Comment pouvait-il ignorer près de 50 millions de personnes dont une partie résidait chez lui ?
Avant de partir également, Bryant, qui avait tant négligé le secteur de la santé dans son Etat, a réussi la prouesse de laisser son nom au fronton d’un hôpital (comme dirait Audiard, « ça » ose tout en effet) : le Phil Bryant Medical Education Building, au milieu de l’University of Mississippi Medical Center destiné à des étudiants en médecine !!! Ce jour-là, celui qui était venu donner un coup d’encensoir, s’appelait Jeffrey Vitter, le directeur de l’Université, qui avait salué le gouverneur Bryant pour son «engagement indéfectible, sa vision et sa passion pour aider des générations de Mississippiens à mener une vie plus saine« . Là-encore, on croyait rêver en l’entendant, en comparant au bilan sanitaire désastreux de l’Etat !
En bonne girouette politique, en 2018, juste avant de céder la place, il avait tenu des discussions secrètes avec le pouvoir fédéral pour étendre Medicare, déclaré « optionnel » depuis 2012… alors que les élections de mid-terme de 2018 avaient monté un regain démocrate et le désir des électeurs d’en profiter. Il désirait surtout faire ça en sous-marin, en n’utilisant surtout pas le mot « Medicaid Expansion« , son appellation première ! Son successeur Tate Reeves s’y déclarera totalement opposé. Pourtant, aujourd’hui quand on surfe sur le site internet du Mississippi, apparaît bien le slogan « Affordable Care Act« , surmonté de la photo de … Mike Chaney, toujours et inamovible « Commissioner of Insurance for the State of Mississippi » !!!
Quand Bryant quittera son poste le 15 janvier 2019, il vantera sa politique économique à la manière d’un Trump encore. Il saluera la construction de Tradition (1), un nouveau centre médical sur la côte (un projet à l’origine de William Carey), en lien avec la clinique de Cleveland … et c’est tout ! Un bien maigre bilan. Pas un mot sur la fermeture dans les mois précédents de 5 hôpitaux déclarés en banqueroute !!! Avec derrière son pupitre, toujours le drapeau confédéré sur celui de l’Etat !!!
La maison du gouverneur
Durant son mandat, Bryant et sa famille ont résidé dans la grande maison traditionnelle du gouverneur utilisée depuis le début du siècle précédent. Une « Mansion » comme on dit là–bas dans le Sud. Un ouvrage récent a été fait sur le bâtiment, décoré d’aquarelles. Pour le lancer, l’Etat a organisé une petite réunion, l’occasion de faire de beaux discours. Ce jour-là, on peut s’apercevoir ici qu’il a un autre point commun avec Trump : quand il fait un discours, il n’a aucune ligne directrice: c’est confus, il passe du coq à l’âne, montre ses bottes texanes au passage (dont il semble très fier, des Lucchese, arborant le symbole de l’Etat), parle de sa place de parking au passage..
bref, il est mauvais au possible, c’est un piètre orateur, complètement confus, absolument pas préparé, qui ne parle pas de son sujet ou fort peu : ici l’inauguration d’une exposition intitulée « The Mississippi Governor’s Mansion:
Memories of the People’s Home »… où il a vécu, signifiant ce que signifie le mot « peuple » pour lui. Ce jour sa femme (Deborah) et lui sont venus exposer la dure vie qu’ils ont eu à devoir choisir la couleur d’un des salons à repeindre…
entre autres durs moments de leur vie (un bâtiment construit en fait en 1907, et non au XIXeme, plus grandiloquent qu’habitable).
Quant à la décoration du lieu c’est (un peu) plus sobre qu’à la Trump Tower, mais ça reste de mauvais goût et d’un aspect très froid surtout. Le catalogue à l’aquarelle de l’expo est dessiné par Bill Wilson, originaire de l’Alabama.
Bref, le vide complet d’une vie de… riches imbuvables. Quel mépris affiché, en tout cas, dans cet étalage. Dans la fameuse Mansion se cache aussi la Harley de Phil Bryant, qu’il utilise au mois une fois par an pour participer à un défilé de vétérans de guerre, destiné à lever des fonds pour les combattants blessés. Encore une fois c’est le principe de dons charitables, et non une organisation officielle de l’Etat. En résumé, ça ne lui coûte rien à organiser, sa police est requise et c’est tout, mais c’est lui qui bénéfice des retombées médiatiques de sa participation !!! C’est tout bénéf pour lui !
Phil et la chasse au canards
Avant de partir aussi, tiens, on avait failli l’oublier, notre fameux gouverneur avait également assuré autre chose le concernant. Un dépaysement, dira-t-on, et de quoi surtout inviter « Junior’ !!! Là encore on peut admirer tout l’art de faire et la duplicité totale du gouverneur pour arriver à ses fins, en l’occurrence ici de bénéficier d’une zone de chasse à lui, son sport préféré, un endroit dédié à son nom, alors qu’au départ c’est une zone naturelle réservée protégée par ses propres services de la nature !! Sidérant !
C’est un bref communiqué qui nous l’a appris, celle-là : « le Département de la faune, des pêches et des parcs du Mississippi (MDWFP), en partenariat avec The Nature Conservancy (TNC) et les États-Unis. Le Fish and Wildlife Service, par l’intermédiaire de Federal Aid in Wildlife Restoration, a acheté l’une de ces exploitations en 2018. L’achat comprenait environ 18 000 acres dans les comtés d’Issaquena et de Warren à Anderson-Tully Company (ATCO).
Le terrain, qui est géré par le MDWFP, devient la nouvelle zone de gestion de la faune (WMA) et porte le nom du Mississippi Gov. Phil Bryant. La propriété, une matrice de marécages de bayous, de cyprès et de feuillus de fond bien gérés, est ouverte pour la saison de chasse 2019-2020″. Et en effet puisque le plan de chasse est même déjà prévu !
Mais pas que cela encore une fois, encore chez l’insatiable gouverneur. Lorsque le juge de la cour suprême Antonin Scalia décède dans le ranch de Cibolo Creek du multimillionnaire texan John Poindexter, (à la tête de l’ordre de St. Hubert !) desservi par son propre aéroport, à 30 km de la frontière mexicaine, on découvre qu’il n’avait pas spécifié toutes ses dépenses de chasse. Voilà qui la foutait mal à ce poste ! Parmi les documents retrouvés une photo fort parlante de lui-même avec à ses côtés… Phil Bryant, (ici à gauche) tous deux portant des tenues camouflées, pour une chasse au canard dans le Mississippi !!! « J’ai adoré venir au Mississippi et chasser. Nous chassions le canard dans le Delta, la chasse à la dinde dans le sud du Mississippi et la chasse au chevreuil dans le sud-ouest du Mississippi », déclare ici au nom de Scallia le Juge Charles W. Pickering. Pour vanter ses exploits de chasseur, Bryant avait lui raconté sur le site de l’inauguration cette vantardise absolue :
« Je me souviens être entré dans cette pièce ce soir-là à Washington, DC, et il y avait un certain nombre de personnes », a expliqué le gouverneur. Bryant a déclaré à un groupe lors de la récente ouverture du centre de tir McIvor à Sardis, situé au Nord-Est de l’Etat (lui ainsi relié là-bas à l’environnent !!!) . « J’étais relativement nouveau à l’époque en tant que gouverneur. Il y avait un certain nombre d’entre eux qui parlaient de la façon dont il y avait du sport dans leurs États et de la façon dont ils pratiquaient ces chasses – des chasses aux faisans et chasses au cerf – et ils ont dit: «Et vous, que faites-vous?»
J’ai dit: «Eh bien, j’essaie pour faire tout cela, mais l’une de mes choses préférées à faire est de chasse et tuer des sangliers… au couteau. »Ils ont dit:« Vous voulez être président? »J’ai dit:« Je pense que oui » . Du Trump, tout craché, comme lorsqu’il a entonné dans l’Iowa qu’il pourrait tirer en pleine 5eme avenue sans même être poursuivi par la justice, ou ne pas perdre un seul électeur !
En sports, il est vrai aussi que ce bon Phil préfère pour ces concitoyens le DFS… (pour Daily Fantasy Sport ) dont il a accepté l’existence dans l’Etat en 2016, malgré le fait que des avocats aient dénoncé ce pseudo-sport (virtuel) comme n’étant qu’une loterie ou seuls les plus équipés ou les plus tricheurs pouvaient l’emporter, mais qui génère surtout des sommes considérables d’argent, grâce aux très agressives campagnes menées pour en faire la promotion. Selon la loi édictée par Bryant chaque nouveau joueur devait désormais s’acquitter d’une licence de 5 000 dollars et verser au Mississippi une taxe variable selon ses revenus déclarés !! Un vrai casino !!!
Un autre coup de show-biz, la dame patronnesse de Dr House
Comme Trump, Phil Bryant n’attire pas trop les très grandes vedettes d’Hollywood pour faire sa promotion ou occuper les écrans TV. On l’imagine mal aux côtés de Meryl Streep ou dans un autre registre de Whoopi Goldberg. Alors il est obligé de se rabattre sur des vedettes de seconde zone, telle une ancienne cheerleader née à Meridian dans le Mississippi, qui a joué un petit rôle dans “The Fugitive” version 1993 avec Harrison Ford. Mais c’est à la télévision qu’elle a plutôt effectué sa (plutôt longue à ce jour) carrière avec successivement la série Sisters, puis pour jouer le rôle de Megan Donner dans la série policière Les Experts : Miami, puis celui de Stacy Warner dans la série Dr House, pour faire ensuite les Experts Manhattan, et en 2018 encore entrer dans la série F. B. I. ‘incarnant le « Special Agent Dana Mosier« . Cette actrice c’est Sela Ward, qu’il récompense donc en lui offrant une étoile le 23 juillet 2010 sur le trottoir honorifique du Mississippi Arts and Entertainment Center (MAEC), créé en 2009, et où figure Jimmy Rodgers, Morga Freeman, Tennessee Williams, William Faulkner et Marty Stuart, ainsi que Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Robert Johnson, B.B. King, Jim Henson des Muppets, ou Jimmy Buffet ou encore Elvis Presley.
Le responsable étant Fred Cannon qui a bossé comme relations-man ou VIP chez EMI à New-York, se vantant d’avoir donc croisé les Beatles, notamment. Ce jour-là, Bryant n’était encore que vice-gouverneur, et il avait écrit son discours (ça change un peu) : «C’est une autre excellente occasion de mettre en lumière les succès d’une artiste du Mississippi qui n’a jamais oublié d’où elle venait. Non seulement ce marqueur reconnaît ses réalisations en tant qu’actrice, mais aussi son esprit attentionné envers les moins fortunés. » Elle a même eu droit à un petit plus : un tronçon d’environ 1,4 km)- de la 22e Avenue à Meridian (de la 6e rue au sud de l’échangeur de l’autoroute Interstate 20) a été baptisé « Sela Ward Parkway » en son honneur !!!
La charité comme principe de fonctionnement
Les remerciements, il ne pouvait en effet qu’en donner. Dans un Etat où les services sociaux sont la cinquième roue du carrosse et où si peu est fait pour les plus démunis, l’actrice avait en effet apporté son obole pour plâtrer un peu ce désastre. A sa façon, très américaine disons. Une action charitable, une de plus. Elle a fait rédiger une fiche dithyrambique sur elle dans Wikipedia qui nous y explique sa (louable) initiative en effet : « après avoir rencontré deux enfants en famille d’accueil lors d’un voyage de vacances au Mississippi en 1997, Ward décida de répondre à un besoin plus grands pour enfants maltraités et négligés en initiant et en finançant partiellement la création d’un foyer de groupe et d’urgence. La maison Hope Village est située sur une propriété de 30 acres (12 ha) autrefois utilisée comme orphelinat maçonnique et l’agriculture, le Village Hope pour enfants a ouvert ses portes dans la ville natale de Meridian Ward en janvier 2002 et est destiné à servir de piliers pour un réseau d’abris similaire. Hope Village a actuellement une capacité de 44 résidents et dessert en moyenne 200 enfants par an ». Un accueil pour les gamins blessés de la vie. On réécoute Mississippi Johns Hurt, tiens. Deux fois, même !
L’initiative, jugée belle sur le papier, n’est en fait pas exempte de critiques, comme celle-ci, bien frappée : « pourquoi leur organisme sans but lucratif, « Hope Village », obtient-il environ 2 millions de dollars par an du gouvernement de l’État du Mississippi pour héberger environ 44 enfants par jour? Il s’agit de 11% du montant d’argent du titre IV-E pour les familles d’accueil alloué au Mississippi par le gouvernement fédéral américain pour les familles d’accueil. En supposant une correspondance 50/50 de l’argent fédéral et de l’État, «Hope Village» obtient environ 5,5% de l’argent du titre IV-E pour les enfants placés dans le Mississippi, mais ils hébergent moins de 1% des enfants placés en famille d’accueil dans tout l’État. I
ls les hébergent apparemment dans ces dortoirs déprimants vieux de 56 ans ou dans des bâtiments semblables à des casernes, qui ont été construits vers 1962 comme maison maçonnique d’enfants. Il y avait 4 380 enfants en famille d’accueil au Mississippi en 2014, 4 773 en 2015, 5 486 en 2016. Une partie de «Hope Village» a la garde de 12 enfants par nuit en tant que séjours d’urgence. Cependant, même si nous les supprimons, nous constatons toujours qu’ils obtiennent environ 1,47 million de dollars par an pour 32 enfants, soit 46 000 dollars par enfant. Cela signifie qu’ils reçoivent environ 8% de l’argent fédéral alloué, dans le cadre de ce programme, et 4% de l’argent total de l’État du Missisisppi et fédéral réunis, pour s’occuper de moins de 1% des enfants placés au Mississippi. Il convient de noter que les 2 millions de dollars par an sont basés sur des contrats que nous avons trouvés. Ils peuvent avoir des contrats supplémentaires ».
Cet accueil très spécial donc d’enfants a fêté depuis ses 10 ans d’existence et nous aussi expliqué à l’occasion la méthode employée pour réussir ses fonds. Il s’agit par exemple d’une tombola annuelle, où l’on offre par exemple une Harley Davidson, une guitare signée par les Eagles ou un ballon de football de Nick Saban. C’est expliqué ainsi : « pour assister à l’événement, il existe deux niveaux de parrainage: platine et or. Platinum nécessite un don minimum de 10 000 dollars et comprend huit billets pour le dîner avec Ward et ses invités spéciaux, un «rendez-vous» avant le dîner sur la scène de l’opéra, une photo professionnelle avec Ward, la visualisation des articles d’enchères pendant la «Rencontrez et saluez» et un cheval carrousel commémoratif peint à la main. Le niveau Or nécessite un don minimum de 5 000 dollars et comprend huit billets pour le dîner avec Ward et ses invités spéciaux, un aperçu des articles aux enchères pendant l’heure du cocktail du commanditaire et un cadeau spécial représentant l’événement« . On croirait un dîner de campagne de Donald Trump…
Bref ce jour-là, une fois dans l’année, les personnes fortunées du Mississippi peuvent s’offrir une bonne conscience (détaxée), dans l’esprit des dames patronnesses du XIXieme visitant les hôpitaux ou qui lançaient de l’argent aux pauvres sur le perron de leur maison … Le pire, c’est surtout que cela satisfait entièrement des gens comme Bryant, qui n’ont pas ainsi à gérer cet accueil pour les gueux, pour parler comme il y a 100 ans. Cela, hélas ne changeant rien à l’état sanitaire de l’Etat, car bien trop ponctuel et ne reposant sur aucun travail de fond dans l’Etat. La philanthropie, ça ne résout rien (et lui non plus !). La charité n’a rien à voir avec la justice !
En 2016, cependant, malgré son étoile de bronze sur le trottoir de Jackson, elle demandera l’abrogation de la fameuse loi religieuse discriminant les homos. En s’exprimant plutôt de façon honorable, ma foi « Ces derniers jours, on m’a posé des questions sur la loi sur l’objection religieuse qui a été récemment adoptée au Mississippi, mon état bien-aimé », indique le communiqué. «Je dois dire que je suis profondément consterné que les préjugés et les points de vue archaïques continuent de contaminer la pensée de nos législateurs.Notre histoire regorge d’incidents malheureux de discrimination et d’injustice que nous avons travaillé très dur pour transcender. Oui, nous sommes confrontés à de nouveaux défis sociaux et émotionnels, mais l’adoption de cette loi nous fait malheureusement reculer. » Son mari lui est moins clair, il semble : le 1er mars 2018, Howard Sherman, a en effet annoncé qu’il serait candidat au Sénat du Mississippi à la Primaire démocrate de 2018, face au leader de la minorité David Baria, et à Jensen Bohren. Il s’y présente en effet comme démocrate… or il a été inscrit comme républicain en Californie où il a voté ainsi lors des primaires présidentielles républicaines de 2012 et 2016. Sherman a admis en plus avoir donné de l’argent à Jeff Sessions et à l’ancien sénateur républicain Trent Lott, !!! Deuxième erreur de sa part à cette véritable girouette politique : fin février il était devenu (avec sa femme !) les membres de l’équipe « Mississippi for Mike » à savoir le soutien au milliardaire Mike Blomberg! Or, une semaine plus tard, le 4 mars, celui-ci jetait l’éponge !!! Lors d’une interview il avait eu cette formulation maladroite, qui utilisait l’action charitable de sa femme comme argument électoral : « Sela et le Mississippi m’ont donné une maison, donc je suis ravi d’appliquer mon expérience et ce que j’ai appris dans le secteur privé pour influer sur les problèmes ‘domestiques »de l’État », a déclaré Sherman. « Nous devrions avoir de meilleurs soins de santé. Il devrait y avoir plus d’emplois. Nos enfants devraient avoir des raisons de rester ici après avoir terminé leurs études, et il doit y avoir plus de possibilités pour tous. »
La politique semble intéresser en tout cas toute la famille Ward. Des petits malins en ont retrouvé la trace, bien surprenante aussi. « Sur la page LinkedIn de la nièce de Sela Ward et d’Howard Sherman, nous constatons que la nièce de Savannah Ward a fait une page pour le gouverneur républicain du Mississippi Phil Bryant; qu’elle est «l’ex-stagiaire» du sénateur républicain Roger Wicker, à qui sa tante et son oncle ont fait un don de 10 000 dollars en juin dernier, et contre qui son oncle, Howard Sherman, veut prétendument concourir. De plus, elle se présente comme «une employée actuelle du Sénat des États-Unis …». Elle est actuellement assistante au Sénat américain de Washington DC depuis avril 2018, selon son compte Linked’in. Or, renseignement pris, elle travaillait chez… Cindy Hyde-Smith !!! la protégée de Donald et de Bryant !
La Mafia sudiste
La mafia des « Dixies » (Etats du Sud) citée plusieurs fois ici est bien à l’origine du retour en arrière idéologique et désastreux pour la santé énoncé par le Tea Party : lorsqu’en 1988 paraît le livre, il fait l’objet du véritable bombe. La présentation de son retirage récent résume tout ce que l’on vient de dire en effet : c’est « le premier livre à exposer la Commission de souveraineté ultra-secrète du Mississippi et l’implication du gouvernement, des médias de droite et du crime organisé dans la lutte contre le mouvement des droits civiques.
Cette édition récemment publiée, avec près de 20 ans de nouvelles informations, est une analyse révisée et considérablement élargie de cette époque qui montre comment la résistance blanche à l’intégration raciale dans le Sud a transformé le Parti républicain en un reflet de droite des valeurs de l’ancienne Confédération. Aux États-Unis, la «stratégie du Sud» du Parti républicain est maintenant en plein essor, une réincarnation des valeurs de l’ancienne Confédération qui reposent sur les droits des États, l’isolement étranger et la diabolisation des Noirs. Dixie’s Dirty Secret retrace la désintégration morale et politique du Parti républicain, en commençant par un rassemblement secret de 1955 à Memphis, Tennessee, et en poursuivant jusqu’à la transformation actuelle du Parti républicain en un parti qui a adopté l’identité blanche comme plate-forme principale, dans le processus perdant le respect de la majorité des Américains et de la communauté internationale.
Inspiré par le refus du Mississippi de ratifier le 13e amendement abolissant l’esclavage jusqu’en 1995, le candidat présidentiel du GOP, Donald Trump, a ouvert le quartier général de la campagne au Mississippi pour apprendre comment l’État a « traité » ses Noirs. L’idée était-elle de diffuser le plan du Mississippi à l’échelle nationale ? Dans ce livre, découvrez comment les dirigeants blancs de l’État ont empêché les Noirs d’être élus dans les bureaux de l’État pendant 138 ans, comment ils ont utilisé la disposition du vainqueur du Collège électoral pour annuler les votes noirs pour le président, et comment avec les pressions sociales, ils ont créé des réserves pour les noirs similaires à celles créées dans un autre siècle pour les Amérindiens.
Le Mississippi compte plus d’élus noirs que tout autre État, mais aucun d’entre eux n’est autorisé à gouverner au-delà de ses réserves. Dirty Secret de Dixie expose le gambit politique le plus ancien de l’histoire américaine et brosse un tableau effrayant de l’avenir des États-Unis si la tendance politique actuelle se poursuit. Comment le Parti démocrate populiste a-t-il perdu son col bleu et sa base du sud ? Comment le Parti républicain élitiste à la lèvre supérieure raide est-il devenu un véhicule de racisme et d’anarchie politique de droite? » Il est là en effet, le lourd bilan de l’ami de Donald !
Le vieux fond qui remonte
La scène de la protégée de Bryant et de Trump, Cyndy Hyde-Smith, dans laquelle elle riait en songeant à une invitation pour une prochaine pendaison publique, souvenir des lynchages dans le Sud des USA, vous vous en souvenez, c’était dans notre épisode N°2 de cette série. En réponse à cette saillie putride, un noir avait répliqué « nous ne pouvons pas continuer le changement dont nous avons besoin si nous avons un sénateur qui rit ouvertement des pendaisons publiques et fait des déclarations soutenant la suppression des électeurs ». Cet homme c’était Mike Espy, et ce n’est pas n’importe qui : ancien secrétaire à l’Agriculture entre 1993 et 1994 sous Bill Clinton, candidat démocrate à l’élection sénatoriale partielle de 2018, il avait obtenu un honorable 46,1 % des suffrages au second tour… face à Cindy Hyde-Smith, justement !
La réponse en retour de Phil Bryant en tweet avait été cinglante : « j’ai l’intention de travailler pour Cindy Hyde Smith comme si le sort de l’Amérique dépendait de sa seule élection. Si Mike Espy et les démocrates libéraux gagnent le Sénat, nous ferons ce premier pas dans mille ans d’obscurité ». Bryant n’avait ce jour-là pas su retenir son vieux cerveau reptilien, celui qu’utilisent davantage tous les gens d’extrême droite, qui agitent le spectre de la PEUR comme seul argument à opposer quand ils n’insultent pas (et là il y avait les deux !). Pour ceux qui auraient pu douter de son orientation politique, c’est la phrase-clé. Les noirs, c’est bien connu ça nous amène obligatoirement à l’obscurité (et les blancs à la lumière bien sûr) : chez lui ce n’est même plus un lapsus freudien ! Hang’Em High !
Le coup de grâce à venir
Bref, pendant les huit années de sa législature d’homme de droite ami de Donald Trump, Phil Bryant n’a rien fait pour améliorer le sort de ses concitoyens et surtout pas celui des plus pauvres, qu’il a privé d’accès aux soins. Des noirs, essentiellement, dans un Etat auquel il a fait rajouter tardivement sur le fronton, « In God We Trust.. « ainsi que sur ses propres bottes de cow-boy, ne l’oublions (et les plaques minéralogiques de l’Etat , considérées ici comme inconstitutionnelles, pourtant, par l’American Humanist Association !!!).
Les services de santé ont été privés de l’Obamacare pour des raisons qui n’étaient qu’idéologiques et rien d’autre. Pendant que ces citoyens privés de tout mourraient, Phil Bryant paradait en réunion avec Donald pour discuter de la réforme des prisons dont les siennes étaient pleines aux 2/3 de noirs, minoritaires pourtant dans la population du Mississippi, allez donc comprendre pourquoi (ou plutôt trouvez une autre explication que le racisme latent, ou le manque de travail pour la communauté noire).
Durant huit ans aussi l’ancien inspecteur des comptes de l’Etat avait présidé à tout, donc, du haut de sa tour d’ivoire et de sa chère « Mansion » y compris à nommer des personnes à des postes particuliers. Dont un dénommé John Davis, de Brookhaven, Misssissipi, qui après avoir travaillé pendant 28 ans aux services de l’Etat du Mississippi a été choisi par Bryant comme responsable de l’agence de santé du MDHS (Mississippi Department of Human Services). En 2019, il déclarait au journal Mississippi Today « en tant qu’agent principal, ce n’est pas comme si je m’asseyais et disais: » Oh, je ne veux pas aider ces gens. « Mon travail consiste à aider les gens. Je ne suis pas payé pour ne pas aider les gens. « Quelque temps plus tard pourtant il quittait brusquement son poste… et l’explication de ce brusque départ, nous la verrons dans le prochain épisode (et dernier) de cette mini-série, si vous le voulez bien !
(1) nous verrons bientôt qui l’a bâti…
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.