L’épidémie de crashs d’avions bourrés de cocaïne avait été sans précédent en ce début d’année, le double du rythme habituel, au Honduras. Derrière tout cela devait se dissimuler une organisation sans failles, pour justifier ce trafic sans précédent. Surprise, on en découvre un pan important au milieu de cet été, avec la découverte en pleine jungle d’une véritable base de narco-trafiquants, avec une énorme piste d’atterrissage et des dizaines de bidons d’essence pour ravitailler les avions. Une découverte qui pose sacrément question, celle de la surveillance des lieux, que ce soit par les radars honduriens qui n’ont pas vu passer les appareils, ou celle des avions de surveillance Orion de l’US Southern Command, autorisés à survoler le pays, pourtant si prompts à montrer les débarquements de drogue vus de leur caméras thermiques. Une découverte qui pose en effet beaucoup de questions, car en prime deux avions découverts dans cette véritable base de narcos son disons… spéciaux, comme on va le découvrir.
Retour des gros avions, la base aérienne des narcos en pleine Mosquitia
On y vient, aux bases aériennes supposées des trafiquants dans l’article précédent, justement. De plus gros avions avions a-on dit ? C’est exact. Début juillet dernier, toujours à la Brus Laguna, dans la Mosquitia, qui concentre depuis longtemps les atterrissages, on va faire plus fort encore. C’est d’abord la découverte d’un beau Beechcraft 90 bleu et blanc que l’on retrouve enfoncé dans des sous-bois. L’avion est sans aucune immatriculation apparente. Mais il n’est pas découvert seul… il est accompagné d’un autre appareil.
Une étrange vidéo sur You Tube nous le montre également en arrière plan d’un décollage de Cessna 208 Caravan, arborant une immatriculation N6479Y, décollant de la piste ; c’est alors en fait son retour chez les militaires qui viennent de le découvrir qui a été filmé et non un passage en touch and go d’avion qu’auraient filmé les trafiquants eux-mêmes, comme on aurait pu le croire au départ. Il arborait une fausse immatriculation car il existe un Cessna 210 Centurion porte-caméra possédant la même photographie ici à Gainesville en 2009 il appartient à GV Air Inc; l’avion vole toujours.
Ce 24 août, il a effectué le trajet Goodyear – Tucson (Arizona). La découverte d’une telle base frise la provocation, en plein débat sur la corruption des élites protégeant les trafiquants depuis des années. Ces deniers narguent à ce point les autorités, avec de telles bases stratégiques ? On est tenté de le croire en dénichant perdu dans un blog une toute aussi étrange photo d’un jeune à l’allure décidée portant fièrement un M-16 devant un Cessna rouge et blanc, et qui ne semble pas faire partie des fonctionnaires antidrogue c’est le moins que l’on puisse dire. Il faut dire que là on est tombé sur du lourd, en tout cas… du très lourd, cette fois !
La vidéo est diffusée par HCH Televisión Digital, ( il y en a une seconde ici prise sous un autre angle) et elle est assez sidérante pour le seul fait que ce Cessna surnommé Grand Caravan est un avion rare chez les narcos : neuf, c’est un pareil cher, qui atteint les 2,5 millions de dollars et en fait toujours plus de un milion en occasion. En parfaits gestionnaires de leurs revenus, les narcos ne sont pas fous, et hésitent à s’en équiper, généralement. D’où vient-il donc, voilà qui intrigue fortement, car en prime il est moins répandu que les autres modèles, même s’il a dépassé les 1000 exemplaires en ventes (ici à gauche une photo de son cockpit d’il y a quelques années déjà, vers les années 2005-2010, présenté dans un site spécialisé en ventant les mérites. Car ce second avion ayant utilisé brièvement la même piste clandestine que l’autre resté sous les fourrés est lui aussi retrouvé vide, au même endroit, partiellement camouflé sous des feuillages qui ont depuis largement séché (ici à droite).
L’endroit que fouillent les soldats ressemble bien à une sorte de base de narcotrafiquants ; vu d’avion on distingue en effet le Beech abandonné et à ses côtés le Cessna, ce que nous montre la télévision le 9 juillet au petit matin en direct, en nous révélant vue du ciel la très longue piste utilisée par les deux appareils. Et surtout par le grand Cessna !
Un été 2018 chaud… pour les autorités du Honduras
Le Beechraft 90 découvert, correct extérieurement (mais couvert de poussière et de boue sur l’emplacement des immatriculations surtout), et dont l’intérieur a été complètement vandalisé (par qui, on l’ignore: même les sièges pilotes font défaut !) sera au final incendié sur place par l’armée après avoir été déplacé un peu plus loin sur une zone de terre sans végétation (pour le brûler autant le vider au préalable en effet). L’avion aurait parait-il dû s’envoler mais au moment de le faire son train avant se serait soudainement affaissé (1). Il sera incendié ainsi, le nez en terre… Un reportage TV visible ici nous montre sa tentative de décollage. L’image est interrompue au moment où les militaires s’aperçoivent que le train avant se replie si l’avion avance, moteurs en action :
C’est sa décoration qui intrigue, mais très vite, on ne s’y attarde pas et on passe à autre chose pour gloser alors plutôt dans la presse et sur le net sur les bidons d’essence découverts tous prêt de là, en se demandant comment les avions des narcos font pour se ravitailler aussi facilement en kérosène au beau milieu des bois. A défaut de savoir les bloquer dans les airs, on compte alors les priver de carburant, en effet. Ce serait une bonne méthode car moins coûteuse aussi à mettre en œuvre !
Tour cela sans trop s’apercevoir il semble que deux avions de cette taille, une piste de cette longueur si visible (ici à gauche) et cet approvisionnement important en essence sont le fait d’une base complète, qui fait passer les trafiquants guyanais de Yupukari (vous connaissez désormais bien le région si vous nous lisez) quasiment pour des amateurs !!! La piste a bel et bien été défrichée, comme à Yupukari, même si là les engins de terrassement semblent ne pas avoir été nécessaires : la piste trouvée fait quand même une longueur de 1 871 mètres et une largeur de 40 mètres !!! Un record, dans le genre ! Vu du point de décollage, elle paraît en fait infinie (comment les américains avec leurs avions Orion qui surveillent le pays ont-ils pu ne pas la voir ?) :
C’est bien tout un campement organisé que les policiers ébahis découvrent en effet, avec tentes et moult bidons, qui ne semblent pas au départ ceux d’un laboratoire destiné à préparer la coke mais bien des quantités industrielles de carburant J-l pour avions à turbines.
Ce qui signifie aussi que les avions faisaient le charter régulièrement vers un lieu de production éloigné… comme au Venezuela ou en Colombie. Le gros Cessna dévore le carburant avec ses 332 gallons de carburant utilisable à bord (1 256 litres !), ce Grand Caravan vole pendant 4,6 heures à puissance maximale de croisière avec une réserve de 45 minutes, selon les spécifications.
Bref, tout cela nécessitait du personnel autour de lui pour l’alimenter : aucun camion citerne de ce nom ne peut se rendre dans ces contrées, les bidons doivent être acheminés par canot et… par dos d’hommes ensuite. Il faut du personnel, pour le faire ! Et on s’apercevra quand il s’agira d’essayer de faire repartir le grand Cessna 208, vers la base Hernân Acosta Mejia, dans la capitale, encore utilisable alors que son collègue venait d’être sacrifié, le nombre de bras nécessaires pour le mouvoir (même s’il était vide de sièges comme on peur le voir ici à gauche avec des sacs de sport en soute-cargo comme seul chargement – au passage on s’aperçoit que ce n’est pas une version cargo mais bien une version passagers dont on a enlevé les sièges !). Cela donne une bonne idée de combien devaient être les trafiquants sur place pour effectuer régulièrement le même chose… car le Caravan présente aussi une énorme capacité d’emport (visible ici à droite dans son manuel; disponible ici en meilleure qualité).
Pas deux, mais cinq avions sur place
Une base impressionnante dont on n’a pas découvert tout de suite la taille et l’importance. Les policiers et l’armée arrivés sur place vont en effet avoir une autre surprise de taille en fouillant les alentours : la Direction de la lutte contre le trafic de drogue (DLCN) découvre en effet, un peu effarée,qu’autour d’elle, les trafiquants ont incinéré pas moins de trois autres avions.
La découverte des vestiges a été faite près de Las Marias, toujours dans la municipalité de Brus Laguna, à La Mosquitia nous dit la presse, pour l’un d’entre eux. L’avion montré s’est soit crashé sur place, soit il y a été traîné pour y être incendié une fois une faille découverte ou lorsqu’un un problème technique est apparu. Trois photos d’un des trois appareils révèlent un bimoteur de type Beech Baron, dont la fourche de tain avant caractéristique permet de le reconnaître (ici à droite).
L’aileron à nervures sur le même cliché confirme à nouveau l’appareil. Idem encore pour une troisième comparaison : c’est bien la queue complète d’un Baron qui a été brûlée … ou que l’on a essayé de faire brûler sans vraiment réussir, mais en rendant l’identification plus difficile, au cas où on viendrait à le retrouver. Un Beechraft Baron, la spécialité du Brésil : serait-ce l’épave de notre infortuné pilote disparu à Teruel , Reverson Luis Bonan volatilisé depuis le 24 décembre 2016 ? Le fait d’incinérer les avions et d’enterrer ensuite les vestiges est pratique courante au Honduras, comme je l’ai expliqué ici. Ou là encore avec les révélations de Wikileaks mettant en cause un grand propiétaire terrien hondurien disparu depuis : « les avions retrouvés incendiés au Honduras, c’est une vieille histoire : ainsi en 2004, un document de Wikileaks avait révélé que les vestiges d’un avion retrouvé à moitié enterré ayant emporté une tonne au moins de cocaïne était atterri dans la propriété de Miguel Facussé Barjum, « un homme éminent au Honduras », « l’un des individus les plus riches de la nation également, un grand industriel, et l’oncle de l’ancien président hondurien Carlos Flores Facussé. » Un bulldozer était même venu retourner la terre au dessus des vestiges de l’avion de la drogue. Selon Wikileaks, Don Miguel Facussé, était présent sur la propriété au moment de l’incident. » L’homme est mort depuis, mais ses plantations sont toujours là et ses pratiques musclées : « en 2011, Facussé avait été accusé d’été impliqué dans l’assassinat de Zacate Grande, le présentateur et l’animateur de la radio La Voz, fort critique envers lui et sa façon de briser les révoltes au sein de ses employés agricoles » (ci-dessous le redécollage réussi du Cessna des trafiquants piloté par un militaire, celui filmé en vidéo. Pour arracher l’engin à la boue il faut pas mal de doigté !).
Une fois la base découverte, il va falloir étudier les avions qu’elle présentait. Ce sera avec de belles surprises… ce que nous verrons demain bien sûr !
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.
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