L’influence pernicieuse de la contrebande sur la politique des Etats se manifeste clairement depuis des années, en attirant tout une mafia déstabilisatrice, comme le sont aujourd’hui les djihadistes au Sahel. Cela s’était vu il a trois décennies déjà en Europe, avec un gigantesque trafic reliant l’Italie, côté mer Adriatique, et la péninsule balkanique. C’est à ce moment-là qu’est apparue une mafia extrêmement violente et c’est là aussi que pour la première fois un membre dirigeant des cigarettiers s’est mis à table pour dénoncer sa propre organisation, et clairement avouer ses liens avec diverses mafias dans le monde pour entretenir un trafic de contrebande voulu, souhaité et entretenu par les producteurs, les mêmes qui alors s’en plaignaient aux Etats en laissant croire qu’ils n’en savaient rien et qu’ils en pâtissaient…. dans l’une des plus belles hypocrisies jamais constatée !!! Une déstabilisation d’Etats comme celle que l’on a retrouvée récemment… en Syrie, c’est ça la surprise du jour !!!
Il y a 30 ans, le Monténégro et l’Albanie pour fournir « Malboro City »(Brindisi)
Autres régions gagnées par le trafic, il y a trente ans déjà, le Montenegro et L’Albanie. Ça avait démarré en fait par l’Italie avec une ville alors surnommée « Malboro City« , immortalisée par ce documentaire : c’est Brindisi, en Italie. Les cigarettes de contrebande qu’on trouve en masse viennent toutes du Monténégro, en fait.
« Dans les années 1990, des milliards de cigarettes à destination du marché noir européen vont transiter par le Monténégro. Les mafias italienne et balkanique organisent le trafic, en étroite collaboration avec le gouvernement du Monténégro et l’industrie du tabac, qui contourne ainsi les lourdes taxes de l’Union européenne. Des procès sont engagés en Allemagne, Italie et Suisse.
Plus d’un milliard de dollars seront blanchis dans les banques helvètes (voir l’enquête sur le volet suisse de Slate). De source judiciaire, c’est l’un des plus gros trafics en Europe de ces vingt dernières années. » Pas moyen d’arrêter le trafic tellement il a pris de l’ampleur et même c’est le contraire qui va se faire… politiquement :
« lorsque l’Union européenne a demandé en 1996 à Milo Djukanovic, homme fort du Monténégro, de rompre avec Slobodan Milosevic, il a répondu que le seul moyen de payer ses fonctionnaires consistait à développer la contrebande de tabac. Depuis, Bruxelles préfère fermer les yeux », souligne un député européen français, spécialiste des Balkansavait explique ici LePoint . C’était la cigarette, ou Milosevic, en quelque sorte !!! Et c’est Milosevic qui a fini en prison, à la Haye (où il est mort le le .
Le Monténégro posant alors un double problème : les arsenaux soviétiques croulaient sur les amoncellements d’armes individuelles, distribuées comme en Albanie par crainte d’une invasion promise et redoutée des forces l’Otan. En 2016, une campagne de remise de ces armes avait débuté timidement chez les particuliers et le bilan était déjà impressionnant (ici une partie rendue aux autorités, on note des roquettes de bazooka !) : « Balkan Insight rapporte que les gens ont déjà rendu 715 pistolets et fusils, 145 engins explosifs et 10 646 cartouches. La police a également confisqué environ 300 pièces d’armes légères. Les données sur les armes détenues illégalement sont rares, mais on estime que les Monténégrins possèdent entre 40 000 et 89 000 armes à feu non enregistrées. Le Monténégro a une forte tradition d’utilisation et de port d’armes à feu, en tête de la région en termes de nombre d’armes à feu enregistrées par habitant. Par conséquent, les niveaux de criminalité armée, en particulier dans les petites villes, sont relativement élevés par rapport à la région, selon Balkan Insight. » La mafia locale n’avait en fait qu’à se se servir.. chez l’habitant, si besoin était… sombre tableau !!!
Le point d’orgue de ce dangereux trafic armé se situe ici, nous raconte en 2001 Leo Sisti de l’International Consortium of Investigative Journalists : « dans la nuit du 23 février 2000, alors que la pleine lune dérivait dans et hors des nuages épars, des agents du revenu de la Guardia di Finanza italienne ont roulé le long d’une autoroute près du port adriatique de Brindisi. Ils chassaient les contrebandiers de tabac. Soudain, hors de l’obscurité, un Range Rover avec pare-chocs avant renforcés et ses phares éteints a basculé sur l’autoroute et s’est délibérément écrasé contre la minuscule Fiat Punto des agents. Alberto De Falco, 33 ans, et Antonio Sottile, 29 ans (ici à gauche), qui ont été tués. Deux autres personnes assises sur la banquette arrière ont été grièvement blessées. Au volant du Range Rover, rempli de cigarettes de contrebande Marlboro et Merit, se trouvaient Giuseppe Contestabile et Adolfo Bungaro, deux soldats du chef du crime local Bruno Rillo. Rillo, qui n’était pas dans le Range Rover, a été arrêté et reconnu coupable de contrebande. Contestabile et Bungaro ont été reconnus coupables de contrebande et font toujours face à des accusations de meurtre. Le meurtre des deux agents à Brindisi reflète les puissants intérêts de la pègre impliqués dans la contrebande de tabac en Italie (2). »
Un meurtre retentissant à Hong Kong qui alerte
La contrebande avait été décidée mondialement, en fait, par les firmes de tabac sur la défensive désormais. Elle ne voulaient manifestement pas perdre totalement leur poule aux œufs d’or et continuaient à étendre leur marché en Asie, notamment, en arrosant les politiciens pour qu’ils ferment les yeux, ou en les harassant par leur lobbying sans fin. Ce qu’elles ont fait partout en fait. Avant ça, une sonnette d’alarme s’était déjà déclenchée à des milliers de km de là… en Indonésie et en Chine, tout d’abord à Singapour, où le 29 mars 1995 a été constatée la disparition de Tommy Chui To Yan, 38 ans, (ici à droite) qui devait alors témoigner devant la Commission indépendante contre la corruption de Hong Kong. Trois jours après, son corps était retrouvé flottant dans le port de Singapour. Or c’était justement l’ancien directeur de British American Tobacco (BAT) et celui alors de Giant Island Shipping Company. Il avait été enlevé, torturé, bâillonné et étouffé avant d’être jeté dans le port !!! Le dossier qu’il devait venir défendre était une opération de contrebande de cigarettes d’une valeur de 1,2 milliard de dollars en Chine et à Taiwan, qui impliquait directement trois anciens dirigeants de British American Tobacco, dans un scandale de corruption à 100 millions de dollars, à Hong Kong.
« Des documents judiciaires de Hong Kong, examinés par le Centre, montrent qu’entre 1987 et 1993, BAT a vendu au moins 8,5 milliards de dollars de Hong Kong (1,2 milliard de dollars EU) de cigarettes (environ 50 milliards de cigarettes) à un réseau basé à Hong Kong, en faisant de la contrebande Chine et Taiwan. Le réseau était soutenu par la Triade, l’organisation criminelle la plus notoire d’Asie. Les autorités de Hong Kong calculent que les bénéfices des pipelines ont été multipliés par sept, les passeurs et les vendeurs de rue réalisant des bénéfices bruts totaux d’environ 60 milliards de dollars HK (8,3 milliards de dollars EU). » La fameuse Triade (et ses multiples variantes ou épiphénomènes, on dit plutôt « les triades ») étant le gang le plus violent de la terre, comme chacun sait.
Des relations étroites avec le crime organisé
Une enquête parallèle menée par le Center for Public Integrity avait montré que les responsables des compagnies de tabac de BAT, Philip Morris et R.J. Reynolds avaient en fait travaillé en étroite collaboration avec des entreprises et des particuliers directement liés au crime organisé à Hong Kong, au Canada, en Colombie, en Italie et aux États-Unis. Le rapport du gouvernement italien, paru au même moment, concluait exactement la même chose et montrait lui aussi que Philip Morris et R.J, les agents agréés de Reynolds en Suisse, étaient étroitement liés aux criminels de haut niveau responsables de la contrebande en Italie dans les années 1980, et tous directement liés à la mafia sicilienne… Peu de temps après « une série de fichiers BAT a révélé comment les dirigeants d’entreprise de Londres et de Montréal prévoyaient d’augmenter l’ampleur de la contrebande – trois mois après la mort du gangster montréalais Bravo sous une pluie de balles (il s’agissait de Juan Ramon Paz Fernandez dit «Joe Bravo», ici à droite sur la photo, l’homme de main du parrain montréalais Vito Rizzuto, à gauche).). Le 3 juin 1993, Don Brown, chef de la société Imperial Tobacco, appartenant à BAT, a écrit à Ulrich Herter, directeur général de BAT à Londres. Il a souligné que 30 pour cent des ventes totales au Canada étaient passées en contrebande et a ajouté qu’«un volume croissant de nos ventes intérieures au Canada sera exporté, puis ramené en contrebande pour la vente ici»… Bref que c’était effectivement organisé, mais par les fabricants eux-mêmes !!!
Pour ce qui est du fameux Joe, son cas sera réglé tragiquement en 2013 : « les corps de Juan Ramon Paz Fernandez, connu sous le nom de Joe Bravo, 57 ans, et de Fernando Pimentel, 36 ans, ont été retrouvés à Casteldaccia, un village de Palerme en Sicile.Après qu’un informateur lui eût dit où creuser, la police italienne a découvert les deux cadavres criblés d’une trentaine de balles et calcinés. Selon la procureure de Palerme et la police italienne, l’ordre d’exécution viendrait directement de Montréal, lit-on dans le quotidien », nous rappelle ici le Journal de Montréal. Preuve que les trafics s’entremêlaient étroitement, nous dit aussi le JdM, « ironiquement, leurs deux présumées victimes, Fernandez et Pimentel, devaient être arrêtées en Italie lors de l’opération Argo, mercredi dernier. Cette frappe menée conjointement par les polices canadienne et italienne visait le démantèlement d’un trafic d’héroïne et d’oxycodone – un puissant analgésique – entre Palerme et Montréal. » « Fernandez avait aussi planifié l’importation d’une tonne de cocaïne pour le compte de la mafia. Il était aidé d’un chapitre des Hells Angels, celui de Woodbrige en Ontario » ajoute-t-il…. une bonne paire de Hells seront jetés en prison dans les années 2000 : « en 2009, il n’y avait plus que huit membres en règle au Québec dans la rue et quatre autres membres plus jeunes, selon le journal La Presse. Les autres membres du club étaient en prison, morts ou en fuite ». Bref, tout sauf des enfants de chœur !
Le scandale interne : l’enquêteur nommé venait de la CIA, licencié, il s’en va raconter tout au FBI !
Tout le monde le savait, à la tête des fabricants de tabac, ce lien avec des gens douteux, comme ceux rencontrés aussi au Japon : « l’Américain Dave Reynolds, nommé à la tête du Global Brand Integrity Operation en 2008 au siège à Genève de Japan Tobacco International (JTI), écrit le 10 avril 2010 à Ryuichi Shimomura, avocat en chef du numéro trois mondial du tabac : « Les membres de mon équipe ont reçu l’ordre de cesser leurs enquêtes sur des liens possibles entre des employés de JTI et des contrebandiers connus » (en anglais : « known smugglers »). Trois jours plus tard, Dave Reynolds perdait son emploi ». L’histoire de son licenciement, fuité par des journaux belges, notamment, avait provoqué un incroyante malaise, car au départ c’est le fabricant de tabac japonais (Japan Tobacco International -JTI) qui l’avait nommé pour effectuer une enquête interne qui devait logiquement être étouffée au final, ce qui n’a pas été le cas : « l’accord anti-contrebande de 2007 demande à JTI de dépenser 400 millions de dollars sur 15 ans pour éradiquer la contrebande (ici à droite des bateaux de trafiquants en mer d’Oman) et la contrefaçon de cigarettes. La société a mis en place une unité d’enquête interne composée d’anciens hauts responsables de l’application de la loi de la CIA, de la police britannique et d’autres organismes d’application de la loi du monde entier. Mais ces enquêteurs disent avoir été licenciés en 2010 après avoir rapporté ce qu’ils ont dit être des cas répétés de contrebande par des distributeurs, et affirmant que les hauts dirigeants de JTI protégeaient les passeurs en divulguant des informations sur les enquêtes en cours. Un jour après que l’OCCRP a publié son enquête, un porte-parole de Japan Tobacco a déclaré à l’agence de presse Reuters que les problèmes évoqués avaient été corrigés. JTI a déclaré au journal Le Matin Dimanche que les employés avaient été licenciés après des violations répétées de lois non spécifiées. Il a également déclaré au journal qu’il envisagerait une action en justice contre d’anciens employés nommés dans l’article, « peu importe pour qui ils travaillent actuellement ».
L’ex-dirigeant devenu lanceur d’alerte: une gorge profonde chez les cigarettiers
« C’était une référence apparente à l’ancien vice-président de JTI, Dave Reynolds, qui a été licencié un jour ouvrable après avoir alerté le conseiller juridique en chef de JTI de ce qu’il a appelé des problèmes généralisés. Reynolds a été agent à la Central Intelligence Agency pendant 14 ans avant de rejoindre JTI en 2004. Chez le fabricant dg la contrefaçon à l’échelle mondiale en 2009. À ce poste, il a écrit, lui et des associés triés sur le volet ont découvert ce qu’il a appelé un climat de corruption d’entreprise qui a permis la contrebande dans le monde entier. Après avoir été licencié, Reynolds a été embauché par le FBI, où il est analyste principal sur le crime organisé à son siège à Washington, D.C. Plusieurs autres enquêteurs qui ont soutenu les allégations de Reynolds ont également été licenciés. Reynolds a été remplacé par (Nigel) Espin, – ici à droite– qui était un cadre de la Gallaher Tobacco Company lorsqu’il a été impliquée dans la contrebande par un distributeur en 2005, une action civile intentée au Royaume-Uni. Gallaher a gagné l’affaire mais a été réprimandé par un juge. Dans la lettre à La Matin Dimanche, JTI dépeint les employés licenciés comme des voyous qui ont agi unilatéralement et ont régulièrement enfreint la loi. Il ne nomme jamais les employés, mais a déclaré qu’ils avaient essentiellement menacé de diffuser de fausses histoires si JTI ne les payait pas ».
Lors de l’Opération surnommée «Memphis» – (une ancienne marque de cigarettes ! ), la police des Balkans qui avait suivi les envois de cigarettes de Chine, de Dubaï et d’autres pays vers le Monténégro et vers l’UE via la société Rokšped, installée à Podgorica, au Montenegro, a arrêté en 2007 le mafieux Roko Stanaj, qui utilisait Rokšped comme base d’opérations de contrebande. Reconnu coupable à Belgrade de trafic, il a été condamné à six ans et demi de prison. Mais « Rokšped est toujours le partenaire de JTI au Monténégro selon le site Web de la société, et Stanaj avait fait appel de sa condamnation… » notait en 2011 l’OCCRP.
Des documents révélés en 2103 (12 000 au total !) montreront la totale duplicité d’Espin, dont le titre officiel était responsable « Corporate Security and Anti-Illicit Trade Operations », qui avait appris en 2006 que les douanes s’étaient aperçus de son manège… grâce à l’enquête interne qu’il avait diligentée contre eux : « les nouveaux documents révèlent également les mesures prises par Gallaher pour voir comment les douanes – connues sous le nom de HMCE à l’époque – croyaient que les fabricants de tabac étaient responsables de la contrebande de cigarettes. En 2000, le conseiller en sécurité de Gallaher a embauché une société d’enquêteurs privés avec «un excellent accès aux douaniers supérieurs et intermédiaires pour déterminer l’attitude de HMC & E face à la contrebande de cigarettes». Selon le document Gallaher, le rapport «indique que les douanes restent profondément méfiantes quant au rôle des fabricants de cigarettes qui continuent d’approvisionner des pays où il y a peu ou pas de marché de consommation». A l’époque, la marque Sovereign que vendait Gallagher, représentait à elle seule en effet les 2/3 des saisies de contrebande !! En somme, c’était devenu pour lui… trop voyant, ce manège !!!
Du Japon à la Syrie… il n’a qu’une bouffée de fumée de tabac
Dave Reynolds en avait à dire en effet : les tripatouillages des fabricants de tabac impactaient directement la politique mondiale, en fait, des années après encore, indique ici Big Trouble Tobacco et à des endroits plutôt inattendus : « les propres enquêteurs de TI affirment que JTI et sa société mère, Japan Tobacco, n’ont pratiquement rien fait face aux rapports de leurs distributeurs faisant passer du tabac en contrebande en Russie, en Moldavie, dans les Balkans, en Afghanistan et au Moyen-Orient.
La contrebande apparemment endémique s’est produite malgré un accord de 2007 avec l’Union européenne exigeant que la JTI enquête de manière proactive sur toutes les allégations de contrebande ». (nota : JTI fabrique et commercialise notamment les marques Winston, – ci-dessous- Camel, Mild Seven (qui a changé de nom pour s’appeler Mevius), Benson & Hedges, Silk Cut, LD, Sobranie et Glamour). »
L’accord a incité l’entreprise à s’engager publiquement à adopter une politique de tolérance zéro sur les expéditions illicites. Ces enquêteurs disent avoir été licenciés par la direction pour avoir fait leur travail ». Malgré l’accord, le trafic a continué , et notamment dans des proportions énormes avec certains Etats, au point d’influer directement sur l’économie et même la politique du pays, comme… en Syrie !
Et cela est arrivé jusqu’en Syrie en effet, quatre années plus tard : « cette année-là, alors que le président syrien Bashar Al-Assad a tué son propre peuple (en prétextant une manipulation de sa population !) et fait face à des sanctions mondiales, IBCS, partenaire commercial de JTI au Moyen-Orient, a versé des cigarettes dans des boutiques hors taxes, selon des factures obtenues par l’OCCRP. » Les bénéfices sont allés à une société dont le propriétaire, Rami Makhlouf (1),
selon un arrêté de sanctions de l’Union européenne du 23 mai, « finance le régime autorisant la violence contre les manifestants ». Bachar al Asad ayant financé sa répression avec les revenus du tabac de contrebande, ce qui s’ajoute à une image de marque déjà peu reluisante, qui vient à nouveau d’être ternie par un énième rapport sur l’usage de gaz de chlore et de sarin par ses troupes, notamment à Latamné les 24 et 30 mars 2017 et Saraqeb (le 4 février 2018).
« Quatre jours après l’entrée en vigueur des sanctions, le partenaire de JTI et unique distributeur au Moyen-Orient a expédié 9 000 caisses – 90 millions de cigarettes individuelles – à Syria Duty Free . » Le même mois, Syria Duty Free a affirmé avoir transféré la propriété de la famille Mahklouf, bien que l’OCCRP n’ait pas pu le vérifier (à droite ce sont des cigarettes iraniennes, inférieures en qualité et moins prisées).
Cependant, un avis du Département du Trésor américain deux mois plus tard indique que « le gouvernement américain a des raisons de croire que Rami Makhluf (sic)
se dissocie (de nom uniquement) de ses entreprises et cherche à stocker en toute sécurité ses richesses en dehors de la Syrie ». (…) JTI a expédié plus de 84 000 caisses de cigarettes à GOT le 27 mai, dont 20 000 caisses gratuitement.
La facture s’élevait à plus de 11 millions d’euros, selon une facture JTI. » Comment faire parvenir toutes ces caisses discrètement ? Par avion, pardi : avec de gros Iliouchine 76 bien sûr (ou via la voie maritime avec des cargos et des containers bien sûr aussi) !! La noria d’Ill-76 aperçue dès le début des manifestations et de la guerre civile syrienne n’amenait donc pas que des armes en Syrie !! Ci-dessous l’Ill-76 YK-ATA des Syrian Arab Airlines en train de décoller de Minsk (Ukraine) le 25 septembre 2019 :
En Europe, on ne pouvait que faire un constat d’échec de cette tromperie manifeste à grande échelle : « Deborah Arnott, directrice générale d’Action on Smoking and Health (ASH) à Londres, a déclaré que les révélations contre JTI prouvent que l’industrie du tabac n’a pas abandonné ses anciennes pratiques. « JTI, Philip Morris International, BAT et Imperial, ont signé des accords juridiquement contraignants avec l’UE s’engageant à empêcher la contrebande de leurs produits partout dans le monde », a-t-elle déclaré. « Si, par la suite, JTI a continué à aider et à encourager la contrebande, alors il est clair qu’un accord régional comme celui négocié par l’UE est insuffisant.
Quand vous avez de la contrebande, vous sapez la santé publique, vous invitez le crime et vous volez des millions de livres aux contribuables de chiffre d’affaires chaque année. » Au moins c’était clair : on accusait à nouveau une entreprise cigarettière d’entretenir en lousdé la contrebande, au contraire des engagements qu’elle avait pris officiellement ! Et cette fois, son influence politique avait été flagrante… et désastreuse pour le peuple Syrien !
Retour historique en Italie
C’est une vieille histoire, comme on l’a déjà dit. Et elle est surtout mafieuse. L’étude du trafic a Brindisi (cf nos épisode précédents) avait révélé il y a trente ans tout une organisation rodée depuis des années déjà : le Moyen-Orient était atteint par une voie détournée passant par l’Europe du nord, puis centrale , soue l’emprise de la mafia sicilienne omniprésente en Méditerranée (et ailleurs) : « selon le rapport, deux canaux ont été créés pour faire de la contrebande en Italie. Les cigarettes fabriquées sous licence en Suisse étaient expédiées directement en Albanie. Les cigarettes fabriquées aux États-Unis étaient expédiées vers des entrepôts à Anvers, en Belgique, puis en Albanie. D’Albanie, les cigarettes étaient passées en contrebande en Italie ou au Moyen-Orient. « La contrebande s’est déplacée … à travers des canaux commerciaux prédéterminés », indique le rapport. Ces canaux ont également été utilisés pour le trafic de drogue et le blanchiment d’argent sous la supervision de Kastl et Denz, qui, selon le rapport, avaient des antécédents de contrebande et « une stature criminelle notable dans ces deux domaines spécifiques« . En voici deux de trafiquants de cités : « Kastl et Denz ont également été identifiés dans le rapport comme ayant des liens directs avec la mafia sicilienne à Palerme. En 1984, un tribunal de Florence a condamné Kastl à 26 ans de prison pour trafic de 82 kilogrammes d’héroïne.
D’autres rapports des services de renseignement italiens obtenus par le Centre montrent que dans les années 1990, la route principale de la contrebande de tabac en Europe a été modifiée pour passer par les ports de l’Adriatique du Monténégro, puis en hors-bord vers l’Italie, où la côte des Pouilles de Gargano à Brindisi est le point zéro du tabac.
En fait, au début des années 1990, Brindisi avait été criminalisée par la contrebande de cigarettes, selon les autorités italiennes. La police italienne et les fonctionnaires du fisc accusent la mafia de gérer la contrebande et que les fonctionnaires du gouvernement monténégrin, qui reçoivent des millions de dollars de pots-de-vin, la sanctionnent. Une fois de plus, les principaux fournisseurs, selon la police italienne et les responsables gouvernementaux, sont Philip Morris et R.J. Distributeurs Reynolds ». C’était bien ça : la contrebande provenait bien du fournisseur lui-même !!!
Une contrebande lucrative, qui mélangeait d’emblée cigarettes et drogues, et qui remontait déjà jusqu’aux banques (suisses !), elles aussi largement impliquées : « un des principaux acteurs de la contrebande à travers le Monténégro est Gerardo Cuomo, un Napolitain lié à la mafia. Le rapport parlementaire de 1999 fait brièvement référence à une réunion du 21 mars 1985 dans les Pouilles entre Cuomo et Filippo Messina, qui a été identifié comme un membre de la mafia, un trafiquant de tabac et un marchand d’héroïne.
D’autres rapports d’enquête italiens ont identifié Cuomo comme l’un des principaux acteurs de l’opération de contrebande de cigarettes menée par la mafia en Italie. Cuomo a été arrêté le 10 mai 2000 à Zurich sur un mandat d’arrêt italien pour contrebande de cigarettes hors du Monténégro et pour être membre d’une organisation mafieuse. L’enquête implique plus de 80 personnes, dont des mafieux italiens et des banquiers suisses »... Il sera extradé peu de temps après en Italie. Juste avant, il avait posé sur une photo familiale prise à Fano, le 13 mai 2000. On le voyait monter à bord de son yacht de 30 mètres l’Artema, d’une valeur de 8 millions de francs de l’époque (1, 7 millions d’euros)… Il sera condamné au final à 3 ans et 2 mois de prison.
Oh, bien sûr, en façade tout cela ça ne s’est pas dit, et au contraire même, à ce moment-là: « dans une conciliation, les géants du tabac vont s’engager à mieux tracer leurs cigarettes, à rembourser les États lésés et à financer les missions de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf). En 2004, le «Big Four», composé de Philip Morris International (PMI), British American Tobacco (BAT), Japan Tobacco International (JTI) et Imperial Tobacco Group (ITG), versera au total 2,15 milliards d’euros à la Commission européenne et s’engagera à mettre en place un système efficace de traçabilité, sous peine d’amendes de l’Olaf. » De belles promesses… non tenues ou pas suivies d’effets ! Ou dépensées par des gens comme Nigel Espin, mis en place pour brouiller les pistes et discréditer le travail des douaniers !!
L’emprise (et l’empire) de Saric
Peine perdue en effet: 10 ans plus tard, ça recommençait de plus belle, et surtout à empirer sérieusement avec l’accueil de trafics supplémentaires ajoutés au premier: après la cigarette, la cocaïne, l’héroïne, les drogues de synthèse ont suivi, notamment sous l’emprise de Darko Saric (ici à droite au tribunal), qui a utilisé un procédé simple pour amener la drogue sur place : réutiliser tels quels les circuits de cigarettes existants dix ans auparavant !!! « D’après Slobodan Homen, secrétaire d’Etat à la Justice à Belgrade, le groupe criminel de Darko Saric réaliserait un chiffre d’affaires annuel d’au moins 1 milliard d’euros (la presse serbe parle de 2,5 milliards). Il s’agit de chiffres qui dépassent le produit intérieur brut de plusieurs dizaines d’Etats membres des Nations unies ». « Par quel miracle un gars originaire d’une petite bourgade monténégrine a-t-il pu monter un business d’une telle ampleur en quelques années seulement ? D’après les procureurs italiens, il n’y a pas de miracle. Saric a tout simplement repris l’infrastructure du trafic de cigarettes des années 1990 et s’en est servi pour le transport de la cocaïne en provenance d’Amérique latine. La branche italienne du clan de Saric s’est ainsi appuyée sur ses anciennes relations dans la péninsule et au Monténégro : mêmes ports, mêmes postes frontière, mêmes douaniers… » Là encore c’était très clair : cigarettes ou cocaïne, les circuits sont exactement les mêmes !!! « D’après les procureurs italiens, il n’y a pas de miracle. Saric a tout simplement repris l’infrastructure du trafic de cigarettes des années 1990 et s’en est servi pour le transport de la cocaïne en provenance d’Amérique latine. La branche italienne du clan de Saric s’est ainsi appuyée sur ses anciennes relations dans la péninsule et au Monténégro : mêmes ports, mêmes postes frontière, mêmes douaniers… »
Aujourd’hui dans les Balkans
L’épais document du Baltic Journal of Law&Poliitics, intitulé « The smuggling of tobacco products un Europe : crimonogenic pontentiel capacity », sorti en 2019, renforce cette idée de liens mafieux flagrants. Il nous explique aussi au passage pourquoi l’usage de planeurs motorisés ou d’ULM à cet endroit : car selon les chercheurs les lois pour voler dessus sont moins strictes que pour des avions de plein nom. Il cite aussi l’exemple « d’un hélicoptère de type Ka-2 qui s’est écrasé à Sapynca en Roumanie, le 9 mai 2019″; « piloté par un biélorusse » et emportant des cigarettes : c’est notre Ka-26 décrit à l’épisode précédent (ici à droite). « Il est arrivé de Minsk en Ukraine par train spécifiquement pour piloter l’hélicoptère et transporter des cigarettes de contrebande vers la Roumanie » nous rappelle le dossier.
Il nous rappelle que « le commerce illicite des produits du tabac et leur contrebande sont des activités très rentables et à faible risque et sont donc particulièrement attractifs pour les groupes criminels. La sphère économique est un environnement parasitaire pour la criminalité transfrontalière. La plupart des infractions transfrontalières, y compris la contrebande de cigarettes, sont précisément dues à des facteurs économiques ».
Et il explique les variétés d’éléments conduisant à une contrebande très disparate, telle celle aboutissant aujourd’hui en Tchéquie, qui reste un cas à part car on y consomme moins qu’ailleurs : « il est évident que le problème de la contrebande de cigarettes et des ventes connexes de produits du tabac illicites ont leurs propres particularités dans chacun des pays européens. En particulier, l’un des pays moins touchés par ce phénomène est la République tchèque (…) « Chacun de ces composants, selon les spécificités locales, peut avoir un élément supplémentaire pour assurer l’efficacité criminogène sous la forme de la création et de l’utilisation de relations corrompues. Illustrons ce phénomène avec l’exemple de la République tchèque. Les matières premières du tabac pour la fabrication de cigarettes (y compris la contrefaçon) arrivent en République tchèque de Pologne aujourd’hui. Ce fait a déplacé la tendance précédemment dominante de la contrebande de cigarettes en provenance de l’Est. Dans le même temps, la route asiatique à travers les Balkans restait actuellement importante pour les petits lots de contrebande, et l’Ukraine a été remplacée par la Biélorussie comme pays source sur la route de l’Europe de l’Est (à gauche une saisie conséquente d’American Legends, les plus prisées en Algérie, en Biélorussie en 2017). Le réseau de distribution des produits du tabac sur le marché noir en République tchèque se caractérise par une forte fragmentation et une forte décentralisation, avec un grand nombre de sites de stockage dans la zone frontalière utilisés pour les achats parallèles à grande et petite échelle, principalement au moyen d’espèces. En d’autres termes, la genèse du cluster économique «parallèle» vise à assurer la rentabilité économique de l’activité parallèle, même si le niveau des prix des produits du tabac est égalisé avec les pays voisins. » En somme, en Tchéquie, la contrebande suit un train-train plutôt classique, mais qui n’est pas un TGV ou énorme train de marchandises long de plusieurs km.
Car bien que moins touché, ça n’empêche pas la découverte de beaux cas d’espèce dans le pays, comme ici en août 2012 : « la police des douanes tchèque a déclaré mercredi à CTK News que le groupe éclaté pourrait être lié à une opération de contrebande de cigarettes qui utilisait un tunnel de 700 mètres (à 6 mètres de profondeur) reliant la ville ukrainienne d’Uzhgorod aux villages de Vysne et Nizne Nemecke en Slovaquie que la police a découverts en juillet. « Ce tunnel était équipé d’un petit train, capable de transporter divers types de marchandises et nous soupçonnons également des personnes », a déclaré Robert Kalinak, ministre slovaque de l’Intérieur. Il s’agit du premier tunnel de ce type découvert dans la région, a-t-il ajouté. L’entrée a été découverte dans un entrepôt près de Vysne et Nizne Nemecke. Les forces d’évasion fiscale slovaques surveillaient l’entrepôt avant le buste. La police a saisi plus de 2,5 millions de cigarettes au cours de l’opération ».
Une technique empruntée aux mexicains qui n’empêche pas l’usage de bon vieux avions comme celui, rustique et anguleux, retrouvé planté dans un champ près de Nižný Hrušov en septembre 2015 : « il était peint en vert foncé et arborait le drapeau ukrainien et des ouvertures découpées dans la partie arrière du fuselage. «Les pièces avec des trous devraient porter des signes d’identification des aéronefs, a expliqué Fenčák. « Ils ont très probablement été retirés, cependant, afin d’empêcher que l’avion ne soit identifié. » « Le type d’avion est similaire au soi-disant Čmeliak (« bourdon », un Z-37A / PZL-106 « Kruk », proche du Sukhoi Su-38L) qui était autrefois utilisé pour l’épandage des cultures », a déclaré le maire Ján Fenčák, qui a appelé la police et les pompiers pour inspecter le site »… l’engin pouvant emporter jusqu’à 600 kilos d’épandage !
Des succès à répétition pour Europol
Plusieurs pays interfèrent entre eux : en octobre 2019 on annonce le démantèlement d’une filière qui a trafiqué 670 tonnes de cigarettes, pas moins nous annonce Europol : cela concerne 7 pays au total : « au cours d’une journée d’action, coordonnée à Eurojust, 18 personnes de nationalités différentes ont été arrêtées, soupçonnées de blanchiment d’argent et de commerce et stockage illicites d’environ 670 000 kilos de tabac. Trois suspects d’Italie seront entendus. Le commerce illégal a entraîné une perte de droits de douane et d’accises pour les autorités fiscales néerlandaises d’environ 70 millions d’euros. Au total, 29 recherches ont eu lieu en Italie, en Pologne, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, principalement dans la province du sud-est du Limbourg. Les autorités roumaines et chypriotes ont contribué activement à l’opération. » « L’organisation criminelle aurait acheté du tabac en Italie, qui était ensuite transformé et vendu à des commerçants pour être utilisé dans des usines de cigarettes illégales.
Les criminels ont également joué un rôle dans le courtage de cigarettes produites illégalement et ont acheté, vendu et réparé des machines pour la production de cigarettes. Grâce à la coopération internationale, depuis l’année dernière, des usines de cigarettes illégales ont déjà été démantelées en Pologne, en République tchèque et aux Pays-Bas, dont les exploitants entretenaient des liens étroits avec les criminels qui ont été arrêtés ».
En 2020,« le 18 août, 12 personnes qui dirigeaient l’une des plus grandes usines de tabac illégales d’Allemagne ont été arrêtées dans la ville allemande de Kranenburg, près de la frontière avec les Pays-Bas » récidive Europol (à droite les pays en faisant partie) qui décrit ainsi la découverte de l’Opération LUPA : « l’usine illégale pouvait produire 10 millions de cigarettes par semaine ». Les 12 travailleurs arrêtés sur place étaient tous des ressortissants polonais et ukrainiens, âgés de 28 à 59 ans. 11 millions de cigarettes ont également été saisies lors de leur chargement dans un camion ».
Et d’autres saisies encore : « les autorités répressives ont saisi 37 millions de cigarettes illégales et plus de 3,5 mille litres de carburant illégal ce mois-ci lors d’une opération de dix jours dirigée par Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes avec le soutien d’Europol (à gauche une saisie en Pologne). L’opération, connue sous le nom de JAD Arktos 2 et coordonnée depuis le siège de Frontex à Varsovie, a été codirigée par la Lettonie et la Finlande et a vu l’implication des gardes-frontières, de la police et des douaniers de Pologne, d’Estonie, de Finlande, de Lettonie, de Lituanie et de Slovaquie. JAD Arktos 2 s’est déroulé du 16 au 25 novembre et visait la fraude en matière d’accise, en particulier la contrebande de tabac, la fraude documentaire et le trafic de migrants à certains points de passage frontaliers aux frontières terrestres orientales de l’UE. »
En mars dernier (2021), c’est au Danemark qu’un autre saisie a lieue : une usine illégale est démantelée dans la municipalité de Vamdrup, une première pour le le pays.
« Treize personnes de nationalité polonaise et ukrainienne ont été arrêtées et 11 millions de cigarettes saisies, ainsi que 11 tonnes de tabac brut et une chaîne de production complète (ici à droite et à gauche). L’analyse médico-légale est toujours en cours afin de quantifier la capacité de production exacte de l’usine, qui est vraisemblablement de plusieurs millions de cigarettes par semaine. »
Dans ce jeu complexe, la contrebande de cigarettes devient bien souvent complémentaire à une autre (la drogue, le plus souvent) : « le mouvement illégal de cigarettes à travers la frontière implique souvent la contrebande de drogues, fabrication et distribution de produits contrefaits. Les circuits de contrebande de cigarettes et en particulier le produit de la vente de ces cigarettes peuvent être utilisés pour d’autres activités transfrontalières illégales ». Et en Tchéquie, c’est le cas justement : « par exemple, il y a eu des changements notables dans la structure du commerce du tabac «fantôme» en République tchèque au cours des quinze dernières années. En particulier, la contrebande (par camions) de gros volumes de cigarettes a été remplacée par de petites quantités de contrebande de cigarettes contrefaites et l’importation légale de matières premières de tabac exonérées de taxe (feuille de tabac coupée), destinées à la production (y compris illégale) de cigarettes ». Ceci pour une partie de l’Europe, aux fortes disparités qui demeurent, donc en particulier le fait que des pays qui trafiquent depuis plus longtemps sont meilleurs consommateurs, bien sûr, de cigarettes trafiquées : « en prenant l’exemple d’une enquête menée auprès de 21 000 répondants dans 7 pays de la région des Balkans occidentaux, connue depuis longtemps comme une route de contrebande vers l’Europe occidentale, Vedran Recher a trouvé des différences significatives entre les pays dans la demande de tabac de contrebande. En particulier, la demande la plus élevée se trouve au Monténégro, où 28 pour cent des fumeurs l’achètent. La plus faible demande se trouve en Slovénie, où elle est achetée par 3,5% des fumeurs (à gauche une saisie d’une tonne de cigarettes Marlboro en juin 2019, en Bosnie-Herzégovine, à l‘International Border Crossing Point de Velika Kladuša, dans un véhicule venant de Slovénie). Il explique cette demande par la disponibilité d’une offre abordable et l’absence de sanctions strictes. Étant donné que la demande maximale de cigarettes de contrebande semble provenir principalement de personnes socialement défavorisées et fortement dépendantes, Vedran Recher conclut qu’une augmentation des droits d’accise et du prix des cigarettes ne contribuera guère à réduire la prévalence du tabagisme. Il est plus probable que de nouvelles hausses de prix conduiront de plus en plus de personnes à se tourner vers des sources de cigarettes moins chères, c’est-à-dire vers le marché parallèle des produits de contrebande ». Nous y revoici, et en même temps donc… au Monténégro !
Et ça recommence, en partance du Monténégro !
Avec les mêmes circuits, depuis toujours, et des preuves flagrantes . « Aux premières heures du 16 mars 2015, un bateau de pêche nommé Zahra s’est amarré à quelques mètres au large d’un tronçon rocheux et isolé de la baie de Messara, sur la côte sud de l’île grecque de Crète. Le Zahra avait navigué sous le drapeau de la nation insulaire africaine de Sao Tomé-et-Principe. Son équipage était ukrainien et sa cargaison – 34 millions de cigarettes – avait probablement été produite en Bosnie et en Grèce pour des entreprises basées au Kosovo avant d’être vendue à une société offshore libérienne basée dans le port monténégrin de Bar. La destination finale de la cargaison était, sur papier, la Libye, mais attendait sur les rives de la Crète un convoi de camions prêts à recevoir les cigarettes via un tapis roulant, avant de traverser l’Union européenne. C’était une opération de contrebande avec des liens à travers le monde.
À l’aide de notes d’expédition, de fuites d’e-mails et de rapports des forces de l’ordre, le Balkan Investigative Reporting Network, BIRN, a découvert que jusqu’à 840 millions de cigarettes dites « blanches bon marché » ont été exportées du Monténégro par un groupe d’entreprises principalement offshore utilisant des itinéraires similaires et souvent les mêmes bateaux de pêche «fantômes» ou petits cargos, naviguant sur la Méditerranée sans transmettre leurs positions. La plupart des envois indiquaient la Libye comme destination finale, mais l’Égypte, le nord de Chypre et le Liban figuraient également. (…) Moins de la moitié de la cargaison de cigarettes «blanches bon marché» quittant le Monténégro a été saisie. Le reste, s’il était introduit clandestinement dans l’UE, aurait rapporté des bénéfices d’environ 52 millions d’euros pour ceux qui vendent les marchandises sur le marché noir – et une perte allant jusqu’à 153 millions d’euros pour les contribuables de l’UE, sur la base des droits d’accise actuels du Royaume-Uni sur les cigarettes. , où le devoir est le plus élevé. Dans le dernier rapport de l’UE, daté d’avril 2018, sur les progrès du Monténégro vers le respect des critères fixés pour son éventuelle adhésion, le bras exécutif du bloc,
la Commission européenne, a décrit le port de Bar comme «une plate-forme pour la contrebande de cigarettes contrefaites dans l’UE ensemble. avec des cigarettes légalement produites et commercialisées illégalement ». Le second navire intercepté sera le chalutier Grot Yug, envoyé par une obscure entreprise libérienne, Range Enterprises, parti à nouveau du port de Bar (surnommé « Antivari » par opposition à Bari !) direction la Libye et saisi lui aussi en septembre 2015 au large de la côte nord de la Crète; par les garde-côtes grecs. Idem dedans : «une grande quantité de cigarettes de contrebande» qui comprenait les marques Gold Mount et Raquel Slim. Le navire était piloté sans surprise par six marins d’origine ukrainienne… toujours le même scénario !!! J’avais déjà évoqué ça il y a près de 10 ans maintenant dans ma saga (Coke en stock (XLI) : de l’Uruguay et l’Argentine… à la Serbie, de la Bolivie au Monténégro en passant par Le Cap) : « et quand ce n’est pas la Ndrangheta, c’est l’autre mafia, celle de La Sacra Corona Unita, encore davantage liée au Montenegro.
Très active dans les ports de Bar (au Monténégro), Split et Dubrovnik (en Croatie) et ceux de Durrës et de Vlorë (en Albanie). » Quand aux armes, elles ne sont pas loin non plus, et remontent par le même endroit, où partent du même endroit. Le 27 août qui précédait, la police italienne avait trouvé (à Gioia Tauro) sur un cargo battant pavillon libérien (le « Finland ») 7 tonnes d’explosif T4 cachés dans des expéditions de lait en poudre. Deux ans plus tard, on découvrait que le trafic d’armes vers Kadhafi empruntait le même chemin que celui des trafiquants de cigarettes ou de drogue… ce triste monde est bien petit, finalement. »
Au Montenegro, deux grand gangs se disputent le marché de la criminalité sous toutes ses formes. Celui des Škaljari et celui des Kavač, groupe criminel organisé de Kotor, Tivat et Budva (lire ici). Ils se sont séparés en 2014 après un litige sur une affaire de drogue. Depuis, il y a 40 cadavres qui les séparent… Or le 20 avril dernier, on en a trouvés deux, encore vivants, le père et le fils, Igor, 56 ans (ici à gauche) et Vladimir Božović, 30 ans, tous deux du clan des Kavač : ils ont été arrêtés au Portugal, à Redondo, pays où arrivent maintenant des jets partis du Venezuela ou du Brésil contenant de la cocaïne.. ils s’étaient tranquillement installés sur place depuis des mois.
Et pas pour jouer aux cartes, il semble bien… le dernier exploit des deux était d’avoir fait sauter toutes les voitures d’un de leur mauvais payeur qui leur devait 30 000 euros !
Au Montenegro, la drogue se niche partout. En 2019 on a trouvé 60 kilos de coke dissimulées dans le navire-école de la Marine, le Jadran, datant de 1931, qui évolue à… Kotor (un voilier en acier – à moteur incorporé- réclamé par la Croatie, c’est une « barquentine » ou « schooner barque »). Gag : Jadran est aussi là-bas une marque de cigarettes !!!
(1) Makhlouf avait surtout la main sur le réseau téléphonique en réalité : « Rami Makhlouf peut de ce fait être considéré comme ayant pris une part active à la répression, puisque, si la simple surveillance des SMS viole le contrat passé entre la société et ses clients, la remise aux moukhabarat de l’identité des auteurs des messages critiques pour le régime explique au moins en partie l’arrestation et la disparition d’un certain nombre d’entre eux. Les Syriens reprochent aussi à Rami Makhlouf sa coopération avec les services de sécurité et avec l’armée, auxquels il facilite la tache, dans les villes et villages qu’ils assiègent pour y réduire la révolte, en interrompant à la demande le fonctionnement des téléphones portables. S’il empêche ainsi les témoignages et les images de la répression de parvenir à l’étranger, il contribue au même moment à la diffusion de la propagande et de la désinformation du régime, via son quotidien privé Al Watan et les multiples sites Internet d’information qu’il finance et contrôle en Syrie. Ce n’est donc pas par hasard que, aux premiers jours du soulèvement de Daraa, les manifestants ont incendié trois bâtiments : le Palais de Justice, sans utilité dans un système qui soumet la justice aux diktats des services de renseignements, le siège du Parti Baath, dont l’absence et le silence au cours des événements confirment qu’il a perdu depuis longtemps toute utilité en Syrie, et celui de Syriatel, qui incarne les privilèges, les passe-droits et l’accaparement des ressources par la famille présidentielle. »
(2) « The Montenegro Connection est entouré de meurtres. Les enquêteurs ont été frappés par le grand nombre de personnes liées à «Montenegro Connection» qui ont rencontré des morts prématurées ces dernières années:
-Goran Zugic, conseiller à la sécurité du président de l’époque Djukanovic, a été tué par balle le 31 mai 2000.
-Vladimir Bokan. Un homme d’affaires serbe assassiné à Athènes le 10 octobre. 7, 2000. Au cours des années 80, Bokan possédait des magasins de détail, y compris une boutique de Belgrade où «Cane» Subotic était tailleur avant de devenir un pilier de la contrebande et de travailler pour Djukanovic. Selon les enquêteurs italiens, Bokan était lié à la contrebande de tabac au Monténégro depuis un certain temps.
-Darko Raspopovic. Un haut responsable de la direction de la police du Monténégro, Raspopovic a été abattu le 1 janvier. 8, 2001, à Podgorica. Il avait mené des enquêtes sur la criminalité en col blanc et, en 2000, a failli être assassiné lorsqu’une bombe a fait exploser sa voiture.
-Baja Sekulic. Ancien garde du corps et assistant de «Cane» Subotic, il a été assassiné le 30 mai 2001 à Budva, au Monténégro, sur la côte Adriatique.
-Orazio Porro, assassiné le 25 mars 2009. Porro, arrêté en 1998 au Monténégro, où il était l’un des chefs du trafic de cigarettes, est devenu informateur et a été pendant un temps dans un programme de protection des témoins.
-Zugic, Bokan, Raspopovic et Sekulic ont été mentionnés dans l’enquête sur Bari mais n’ont jamais été convoqués par l’équipe de Scelsi.
L’affaire est différente pour deux autres témoins clés assassinés, tous deux journalistes:
-Dusko Jovanovic. Rédacteur en chef de Dan, un quotidien monténégrin pro-Milosevic, il a été abattu le 27 mai 2004 alors qu’il montait dans sa Peugeot 406. Son journal avait rapporté des articles publiés pour la première fois par l’hebdomadaire croate Nacional. Par l’intermédiaire de ses enquêteurs, Scelsi a approché Jovanovic et lui a demandé s’il allait témoigner dans l’enquête italienne. Jovanovic a accepté mais ne s’est jamais rendu à Bari.
-Ivo Pukanic. Rédacteur de Nacional, il a été interrogé par Scelsi le 18 juillet 2002. Mais «Puki», son surnom, ne se rendra jamais à la barre des témoins. Il a été assassiné le 1er octobre. 23, 2008, tué par une voiture piégée à Zagreb, près des bureaux de Nacional. Sa déposition, cependant, peut être utilisée devant les tribunaux, et les procureurs ont estimé que ses déclarations constituaient un point de départ inestimable pour retrouver l’argent du Monténégro à Chypre. »
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.
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