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Coke en stock (CCCXXVII) : une confirmation et un bel oubli

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Cette fois on va partir d’un article récent paru le 28 mars dernier dans la presse américaine, le New-York Times pour le citer, à propos d’un véritable héros de la jungle, selon lui. Un pilote, ayant survécu à un crash en Amazonie et qui est réapparu miraculeusement 36 jours après son accident. L’article, qui joue surtout sur le survivalisme, ou tout comme, a oublié complètement l’essentiel, celui que je vous ai décrit ici à plusieurs reprises : celui de l’univers des garimperos, les chercheurs d’or, ces pilotes casse-cous qui ravitaillent les exploitations illicites… ou font dans le trafic. Et pour le nôtre, c’était flagrant pourtant… 

Le journal new-yorkais débute ainsi (à gauche ici la vision de la forêt amazonienne selon le NYT, autant chercher une aiguille dans une botte de foin pour les sauveteurs en cas de pépin mécanique) : « le pilote était à 3000 pieds au-dessus de l’Amazone, pilotant un petit avion à hélice lors de sa première mission pour les mineurs sauvages au fond de la forêt, lorsque le moteur isolé s’est arrêté. Il prit une profonde inspiration et scruta le vaste dais vert émeraude en dessous. Il avait environ cinq minutes, calcula-t-il, pour faire descendre l’avion et sa cargaison hautement inflammable: 160 gallons de carburant diesel. Il a rapporté son crash imminent sur une radio portable à quiconque l’écoutait, notant qu’il était à peu près à mi-chemin de sa destination, une mine connue sous le nom de California, puis, alors que son avion fonçait vers le bas, Antônio Sena a visé une petite vallée bordée de palmiers. . « Là! » il se souvient avoir pensé. « Les palmiers signifient qu’il y a de l’eau, peut-être une rivière. Depuis qu’il était devenu pilote neuf ans plus tôt, M. Sena avait entendu d’innombrables histoires d’accidents mortels ». Comme je l’ai écrit ici il n’y a pas longtemps – ce mois-ci en fait- les pannes dans cette région ne pardonnent pas en effet et les chances de s’en sortir sont faibles, très faibles. Son prédécesseur, le PT-KDU, tombé lui aussi mais avec son pilote découvert mort, retrouvé 4 mois plus tard seulement, malgré d’intenses recherches menées. Le PR-RCJ étant plus significatif encore en 2018 en raison de son contenu : de l’or, comme je venais juste de vous le dire ici-même   !!!

« Mais tandis que son avion a  accroché quelques arbres puis s’est écrasé dans le sol, M. Sena a réalisé quelque chose d’exaltant en s’arrêtant: il avait survécu. Il a attrapé un couteau de poche, une lampe de poche, quelques briquets et un téléphone avec peu de jus dans la batterie et s’est éloigné de l’avion. Quelques instants plus tard, il a pris feu. Puis il s’est installé pour attendre son sauvetage. Ce fut une longue attente. Au début, a raconté M. Sena dans une interview téléphonique la semaine dernière, il campait à côté des restes du Cessna 210.  L âgé de 48 ans, estimant que c’était sa meilleure chance d’être repéré. Et les pilotes de recherche ont, en fait, fait le tour de la zone pendant plusieurs jours – puis ont continué. » Et le journal d’expliquer la difficulté à essayer de faire du feu, dans cet environnement hyper-humide, photo du pilote à l’appui (ici à droite).

On apprend un peu plus loin ce pourquoi il il volait ainsi dans des conditions périlleuses : lui ne transportait pas d’or, mais tout simplement du fuel pour moteurs diesels, comme on avait pu le lire aussi dans cet autre article tout aussi récent (c’était à Bom Jesus, dans la région de Vila Trairão, au nord de Roraima à Amajari, photo ici à gauche) « Le calvaire de M. Sena a commencé le 28 janvier sur une petite piste d’atterrissage dans l’État de Pará. Sa tâche, a-t-il dit, était de transporter du carburant diesel pour les mineurs dans une région éloignée où ils avaient construit une piste d’atterrissage de fortune. C’était un travail qu’il ne prenait qu’à contrecœur, a-t-il dit. Les meetings d’aviation étaient devenus rares pendant la pandémie, et un petit bar qu’il tenait dans sa ville natale, Santarém, fournissait peu de revenus. «J’ai dû abandonner mes propres normes pour essayer de me soutenir pendant cette période difficile», a-t-il déclaré, soulignant que les conditions de travail étaient très dangereuses. « Je ne volerai plus jamais pour l’exploitation minière sauvage. » (ah, une prise de conscience tardive ?) « Après l’écrasement de cet avion, quand il est devenu clair que l’aide n’allait pas venir du ciel, M. Sena, 36 ans, a commencé à marcher. Il a allumé une dernière fois son téléphone mourant pour lancer une application de géolocalisation, puis, en regardant la carte, a décidé de se diriger vers la rivière Paru (cf ici à gauche) , à environ 60 miles de là. C’était la zone la plus proche qu’il savait habitée. Pendant des jours, M. Sena (surnommé Toninho Sena, ici à droite avant son accident et ici à gauche comme copilote d’un avion beaucoup plus imposant, un Embraer 135-140 en convoyage démuni de ses parements de finition) n’a marché que le matin, utilisant la position du soleil pour se diriger vers l’est en direction de la rivière. Après avoir traîné à travers les marécages et esquivé sous les vignes pendant des heures, il s’arrêtait l’après-midi pour installer un camping, utilisant des palmiers et des branches pour s’abriter de la pluie. » Les militaires brésiliens le recherchaient alors en sillonnant la région, avec leur CASA 295 de recherche , (surnommé le Pélican) comme on peut le voir ci-dessus à droite. Dans le secteur, des mines illégales existent depuis des années : ici à gauche celle de 13 de Maio, photographiée en 2009 déjà. Elle défigurent le pays, on le sait… et Bolsonaro ne fait rien pour freiner leur extension, ça on le sait aussi, hélas (ci-dessous à droite la mine incriminée avec ses bassins de rétention, ceux qui polluent au mercure)  !

Très vite, on s’aperçoit qu’un élément-clé a été oublié dans ce récit : l’avion qu’il pilotait. Et c’est là que l’on s’aperçoit que le rédacteur, en l’occurrence une rédactrice, Manuela Andreoni, auto-spécialisée dans les « Rainforest Investigations » est allée un peu vite en besogne (son texte est soutenu en effet par le Pulitzer Center’s Rainforest Investigations Network.)  Car cet avion tombé en pleine jungle n’est pas n’importe lequel. D’autres sites nous ont parlé de lui, et surtout donné un élément vital à sa reconnaissance : son immatriculation qui est en PT-IRJ.  Autrement dit un Cessna 210, numéro de série 21059888 enregistré au Brésil voici 16 ans déjà, le 26 août 2005 :

Le problème étant que c’est tout sauf un inconnu, cet avion !!! Il avait déjà fait parler de lui… sous une livrée à peine différente (cf la comparaison photographique ici à gauche), il y a huit ans déjà (le temps passe vite !), rappelons -nous les faits d’alors : « quatre hommes ont été arrêtés mercredi soir pour complot et corruption active par la police d’Ibitinga (SP). Le groupe a attiré l’attention en descendant d’un avion à l’aéroclub de Bariri ». C’est ça la surprise en effet : c’est à l’autre bout du pays, près de Sao Paulo, carrément au sud cette fois-là !! !!!  « Un Bolivien appréhendé avec les hommes a été renvoyé à la police fédérale d’Araraquara pour avoir des papiers irréguliers. Les hommes ont été emmenés au poste de police pour apporter des éclaircissements et ont fini par avouer qu’ils utilisaient l’avion, un PT-IRJ, pour transporter des produits électroniques. Dans un hôtel de Bariri, où le groupe avait séjourné, 60 000 dollars ont été trouvés, argent qui serait utilisé pour payer le fret aérien. » Et oui, avant de faire dans le ravitaillement de mines clandestines, le même avion faisait dans le trafic classique d’appareils électroniques, un grand sport brésilien comme je l’ai déjà décrit ici...(et là aussi !) « Les hommes ont offert une partie de l’argent pour être libérés, ils ont donc été inculpés de corruption active. Les marchandises ont été achetées et ramenées du Paraguay pour être revendues sur la Rua 25 de Março, dans la capitale de São Paulo. La police militaire a signalé qu’une cargaison avait été retirée de l’avion et placée dans une camionnette, qui a été approchée avec deux personnes en route vers Ibitinga (on l’avait retrouvée enlisée non loin de là). Mais selon le PM, rien n’a été trouvé. L’un des occupants était bolivien et les deux autres brésiliens. (…) Selon le témoignage des suspects, les produits ont été emmenés à São Paulo dans un autre véhicule, par d’autres membres du gang, qui ont pris la fuite. Tous les prisonniers sont originaires de la capitale et ont déjà subi des vols, des réceptions et des détournements de fonds. »  Il aurait été fort intéressant de chercher à savoir pourquoi cet avion avait changé autant de base de fonctionnement depuis 2006 (ci-dessous il est déjà aperçu à Manaus), et surtout entre 2012 et 2021 !!! Ou comment il est passé de l’électronique au combustible pour garimperos (lire ici leur histoire)… sans passer par la case schnouf… en apparence ! Il appartient aujourd’hui selon les registres à Edwaldo Cesar Caldeira Da Silva, qui possède un commerce…. d’électronique !!!

Le pilote sera retrouvé, donc, lors d’un contact avec des ramasseurs de noix de coco : il avait perdu 55 livres au passage (25 kilos). Ils lui offriront le gîte et l’abri, l’amenant après coup à une réflexion salutaire : « alors avant même d’utiliser la radio pour appeler sa fille Mirian, qui vit dans une ville, et lui demander de contacter la mère du pilote, elle l’a nourri et lui a donné un abri. « Au début, Mirian a dit qu’elle avait du mal à convaincre la famille de M. Sena qu’il était toujours en vie. Puis elle a raconté les difficultés de sa propre famille (son mari est mort durant la pandémie, qui fait des ravages là-bas).  «Nous avons perdu une vie et vous en avez gagné une», se souvient-elle avoir dit à l’un des proches de M. Sena. « Je suppose que c’est ainsi que Dieu l’a voulu. » Après avoir livré M. Sena à un hélicoptère de la police (ici à gauche), Mme Santos Tavares est retournée dans la forêt, où elle a l’intention de passer le mois prochain à ramasser des noix. Réfléchissant à son épreuve, M. Sena a déclaré qu’il était reparti avec une nouvelle appréciation pour la forêt tropicale, qui est rasée chaque jour par les mineurs illégaux pour lesquels il a brièvement travaillé. «Si j’étais tombé quelque part dans une plantation déserte, je n’aurais ni eau, ni abri, ni de quoi manger», a-t-il déclaré. « L’Amazonie est si riche. »  Bref notre héros du jour n’était pas non plus une blanche colombe, même si son aventure qui a failli mal se terminer semble lui avoir servi de leçon !

Un bien bel oiseau tombé du nid

Entre temps, d’autres avions brésiliens faisant dans le trafic de drogue ont été à nouveau repérés. Crashés. Le 8 mars dernier, un bel oiseau a été retrouvé au Belize, dans la commune de Placencia, posé sur le ventre, hélices tordues. Autour de lui, un bon nombre de bidons de kérosène vides abandonnés : il venait de loin à coup sûr. C’est un Beechcraft Baron, bien reconnaissable. portant une immatriculation soit-disant vénézuélienne (YV-124) barbouillée au feutre, alors qu’il est… bel et bien brésilien. Son intérieur a été complètement désossé pour effectuer le voyage. C’est en fait le PR-MTT, indubitablement, (de N° de série TH-2292) dont la superbe livrée ne fait aucun doute en effet. On se doutait depuis belle lurette que la liaison Belize-Brésil existait, on en a la preuve flagrante cette fois-ci encore. L’avion appartient à la société Ruiz Participacoes LTDA et il a été refusé sur place pour faire dans le taxi aérien. Quelle fin dérisoire pur un si bel appareil !

 

Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.


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