Un trafic d’un telle intensité a ses caïds et ses pilotes attitrés. Le cas de Ricardo Cosme Santos Silva est très révélateur du fait : c’est lui le caïd et son pilote s’appelle « Ricardo Pancadão » (de son vrai nom Clineu Bittencourt Dias). C’est un ancien disc-jokey passé des platines aux manettes de Cessna. Ces deux-là ont trafiqué pendant des années, en passant à travers les balles et les atterrissages dangereux. Le caïd finira par se faire arrêter dans sa villa munie de tout le nécessaire du bon trafiquant aérien, lié à un cartel colombien via le fils d’un de ses dirigeants, celui de Célimo Andrade Quintero, surnommé «Danilo». Le pilote se faisant descendre par un père jaloux ! On trouvera aussi au sein du groupe un… calabrais, le pilote Márcio Rabello Mesquita Teodoro alias « Frango » qui s’était jusqu’ici fait remarquer par… l’enlèvement d’une fillette. Reliant les pratiques mafieuses du Mato Grosso brésilien à celles de l’Italie. Avec comme fief cette fois la ville de Pontes et Lacerda. Pas vraiment pour rassurer, tout ça…
Des millions de dollars dans des pneus !
Tout a débuté cette fois-ci avec un pneu..(eh oui, parfois les plus grosses affaires débutent avec un détail surprenant). Nous sommes alors en 2013, le mardi 16 avril 1013 dans l’après-midi, sur l’autoroute BR-070, près de Várzea Grande, dans la région métropolitaine de Cuiabá. Cette autoroute, on comprend vite son importance quand on regarde son tracé sur une carte (figuré ici à droite, le tracé en rouge). Elle relie en effet « la capitale de la jungle » Brasilia à la frontière avec la Bolivie, et donc Dieu sait si elle est surveillée, et combien de chargements de coke passent sur son asphalte. Au poste du Lizard Clover, à Várzea Grande, une voiture va attirer l’attention des policiers, car ses occupants paraissent nerveux lors de leur approche de routine de vérification des coffres. Rien dans le coffre, en fait…
mais ils ont sur eux 10 000 dollars dont ils peinent à expliquer la provenance. Les policiers les relâchent quand même; mais décident néanmoins de les filer, flairant la bonne pioche… ils rejoignent ainsi en les suivant un autre groupe dans le quartier du Cristo Rei à Várzea Grande, où est rangée un camionnette. Celle-ci, examinée de près, révèle pas moins de 1,9 millions de dollars en billets !!! Pas visibles au premier coup d’œil : ils étaient dissimulés dans l’un des pneus du véhicule !!! Les occupants interrogés ne révèlent rien de l’origine de l’argent. Selon la police « le chauffeur de la camionnette où se trouvait l’argent était un fermier de Pontes et Lacerda, une municipalité distante de 483 kilomètres de Cuiabá. Il possède une propriété rurale à la frontière avec la Bolivie, en plus d’un avion à son nom. Les deux autres suspects arrêtés sont des résidents de la même municipalité. » Une somme aussi astronomique ne peut provenir, évidemment que du trafic de drogue, ce dont les policiers sont persuadés. Ça va leur prendre deux ans pour remonter toute la filière, en fait, et étayer leur dossier, car ils en sont persuadés, ils sont tombés sur un gang international qui évolue entre le Brésil et la Bolivie… (à noter que le fait de dissimuler de la drogue dans un pneu est un grand classique du monde du trafic mondial). Et cela n’épargne aucune pays : « la police judiciaire a saisi 1,4 tonne de cocaïne dans le port du Havre, mercredi 19 février. La drogue était cachée dans les pneus d’un camion d’assistance du Rallye Dakar. Mercredi 19 février 2014, la police a fait une saisie record de 1,4 tonne de cocaïne en France, dans le port du Havre.
La drogue a été trouvée dans les pneus d’un camion d’assistance du Rallye Dakar 2014, à bord d’un cargo parti du Chili, pour arriver en France. Cette tonne et demie de cocaïne représenterait environ 270 millions d’euros ! » avait-on pu lire dans MotoJournal à la date indiquée (j’y reviendrai aussi sur cette saisie). Il y en a d’autres, mais il faut trouver le bon artisan. Tel Anaya… et son mentor français : « le tout premier à fabriquer des planques modernes était un mécanicien français du nom de Claude Marceau (sans doute un pseudonyme). Selon un rapport du ministère de la Justice daté de 1973, Marceau avait lui-même dissimulé 72 kg d’héroïne dans le châssis d’une limousine Lancia, envoyée aux États-Unis en 1970 – un des gros triomphes de la French Connection, organisation mafieuse internationale dont l’histoire inspira le film du même nom ». A droite un beau coupé DS ayant dissimulé de l’héroïne. On remarquera la plaque minéralogique, de Seine et Marne !
Les briques de Superman
Les policiers brésiliens, durant tous les mois qui suivent, vont donc s’intéresser aux saisies de cocaïne. Ils s’aperçoivent que dans le Mato Grosso, quand ils déballent les paquets de coke, beaucoup sont à l’effigi
e de… Superman (cf ici à droite). Ne leur reste plus qu’à trouver le trafiquant qui s’est attribué cette représentation bien prétentieuse !!! Ils cherchent donc plutôt du côté de Pontes et Lacerda, et des endroits où l’on consomme la drogue… à savoir les boîtes de nuit, par exemple. Ils s’intéressent ainsi tout naturellement à un disc-jockey à la retraite, qui faisait à ses débuts dans le style électro appelé Pancadão, celui qui a envahi les coffres de voitures avec des haut-parleurs immenses qui font vibrer la carrosserie… et les quartiers avoisinants !!! Une plaie telle qu’en décembre 2017 le gouverneur de l’Etat de São Paulo, Geraldo Alckmin, devra édicter une loi qui limite le bruit des voitures en stationnement produisant du Pancadão ! Les rois du tuning audio !!
Son copain pilote, « entrepreneur » et séducteur… ou porteur de la cape de Superman ?
L’homme, surnommé depuis ses exploits sur les platines « Ricardo Pancadão » donc, commence à les intéresser, son style de vie trop ostentatoire commence en effet à le trahir dès 2011: « Au fil du temps, Ricardo et ses alliés ont commencé à montrer des signes de richesse incompatibles avec leur réalité comme les voyages internationaux, les achats de véhicules de luxe, les petits avions et l’immobilier urbain et rural », note le rapport financier établi par la police.
Ils s’intéressent aussi à leurs amis, dont un dénommé Clineu Bittencourt Dias (ici à gauche), un drôle de personnage, que celui-là, à la fois l’homme d’affaires et pilote d’avions, qui s’en est sorti par miracle en janvier 2013 de son crash d’avion, un vieux Cessna 180 G datant de 1958, immatriculé PT-CCE, et en fait l’ancien N2047G venu de l’Ohio en 2012.
Les photos de Clineu Bittencourt Dias emmené le corps brûlé en plusieurs points, la clavicule et la cheville cassées sont très impressionnantes (ici à gauche). L’homme est alors un vrai miraculé, sorti on ne sait comment du brasier : il ne reste presque rien de son avion (ici à droite) ! Les policiers avaient eu aussi du flair en le soupçonnant de faire partie du milieu, puisque l’homme, alors âgé de 66 ans, sera assassiné le 17 juillet 2014 chez lui, dans sa ferme de Córrego da Onça, à Pontes et Lacerda. On le retrouvera une balle dans la tête entre les roues de son tracteur. Pour la police, néanmoins, sa mort serait due à un problème tout autre : il avait en fait séduit la (jeune) fille de son assassin appelé Neymar Antônio Trento, lui-même âgé de 47 ans !! (en dessous son avion encore sous l’immatriculation US) :
Un précédent… dans sa propre propriété
Etrangement, ce n’était pas la première fois que le dénommé Clineu Bittencourt Dias faisait parler de lui. Les policiers auraient dû avoir des soupçons sur lui dès… 2011, année où, on l’a vu, on commençait à s’intéresser à une filière de transport de coke en volume dans le secteur. Là encore, c’est un crash qui aurait dû avertir : le 4 novembre 2011 on avait en effet retrouvé un Cessna calciné, retourné sur un terrain de Córrego da Onça, dans la municipalité de Pontes et Lacerda (on revient à l’endroit cité lors de la découverte de l’argent dans le pneu de la camionnette), a 483 km de Cuiabá.
Selon MediaNews « la police civile de Pontes e Lacerda a appris que la chute d’un avion monomoteur, dans près de la ville, le mardi (1 er), s’est produite après que les trafiquants avaient déposé de la cocaïne dans une propriété rurale non identifiée dans la région. Le délégué José Emílio Gardioli a déclaré à MidiaNews que les trafiquants de drogue boliviens et brésiliens utilisent cette tactique pour faire entrer les stupéfiants – habituellement de la cocaïne – dans l’État et contourner la surveillance à la frontière avec le pays ».
« Le responsable a déclaré à MidiaNews que des témoins avaient vu une camionnette F-1000 s’arrêter et avaient pris plusieurs colis à l’intérieur de l’avion ». « Il est très difficile d’avoir une autre explication de la chute de cet avion, autre que le trafic de drogue. » Nous croyons que, après que le gang ait jeté la cargaison, l’avion a subi un accident. Le pilote a dû appeler à l’aide un comparse, qui a utilisé une camionnette », a-t-il dit. Or, surprise : quelqu’un a appelé la police militaire pour signaler l’incident, une fois tout le monde parti. Et ce quelqu’un n’était autre que le propriétaire du site, « l’éleveur de bétail Clineu Bittencourt Dias, 65 ans » affirme MediaNews. Drôle d’éleveur et drôle de signalement, pour un soupçonné de trafic !!! Ou comment se couvrir soi-même lorsque l’on fait dans l’illicite ! Le Cessna, en prime, portait une immatriculation… bolivienne ! Mais pas que cela, car les plus observateurs d’entre vous auront remarqué qu’un objet a résisté au feu et s’est détaché du flanc gauche de l’avion (qui s’était retourné) : un tube de Venturi, l’indispensable outil de tout bon trafiquant désireux de maîtriser au mieux sa vitesse et sa trajectoire !!!
D’autres avions… et d’autres pilotes
Un Clineu Bittencourt Dias qui, avant de disparaître, avait posté sur le net une autre photo, celle d’un Cessna U206E fraîchement repeint (pas très académiquement), immatriculé PT-DLD (U20601497) inscrit officiellement au registre brésilien sous les deux noms de Isaias Luiz Pereira et de Leandro Bittencourt Dias, un changement effectué en 2014… le premier cité est le nom d’un aérodrome privé, une simple piste de Nova Ubiratã dans le Mato Grosso (13° 1′ 35” S / 55° 14′ 23” W)! Mais pas que cela. Notre « fameux » Isaias Luiz Pereira a lui aussi fait parler de lui, c’était en 2008, à Mirassol d’Oeste (à 300 km à l’ouest de Cuiabá). Le 2 avril, il était en effet venu déclarer le vol de deux de ses avions, Cessna 210 PT-KSG et le Cessna Skylane 182 PT-DHA, disparus depuis la veille.
« Le député de la ville, Mário Aravechia, travaille d’abord avec l’hypothèse d’un vol international pour utiliser un gang de trafic de drogue, c’est-à-dire que l’avion aurait été emmené en Bolivie, un pays qui est seulement À 10 minutes de la ville par avion, selon le délégué, une assistance internationale peut être demandée pour l’affaire (…).
Mais les dires du propriétaire avaient plutôt intrigué : « dans le témoignage à la police, le gardien a dit qu’il n’a même pas entendu la voix des assaillants et ne sait même pas s’ils parlaient portugais » Mieux, ou pire encore quand l’article précisait « qu’l n’avait pas encore fourni les documents à la police »…. Autre photo laissée sur le net par notre homme, celle du Cessna PT-OH (21064036). Un avion retrouvé crashé, son pilote carbonisé. Pourquoi donc avait-il laissé cette photo derrière lui ? Le connaissait-il ? Les deux avions avaient-il réellement volés ou s’agissait-il d’une mise en scène ?
Une pluie d’avions emportant de la drogue
Toujours est-il que dans toute la région un trafic sévissait depuis longtemps, alliant avions ou trajets d’autoroute, alternativement… Les trafiquants ne respectent pas le repos dominical, à force de travailler à flux tendu pour répondre à la demande. Un dimanche donc, un Cessna fraîchement repeint, encore un, se pose sur une piste de terre clandestine. Deux Boliviens (Fabio Ademar Lima Lobo (35 ans) et Carlos Andrés Dorado (24 ans) sont surpris par l’arrivée de la Police lors du déchargement de stupéfiants.
Quelques heures auparavant, la police aidée par la police militaire de l’Etat du Mato Grosso et le Centre intégré pour des opérations aériennes (Ciopaer), avait saisi près de 480 kg de cocaïne dans une ferme dans la zone rurale de Tangará da Serra. L’avion en contient lui presque la même chose : au total, près de 800 kg de cocaïne sont donc appréhendées ce jour-là ! Journée faste pour l’antidrogue !
La presse qui évoque la prise parle d’un trafiquant, qui, » toujours selon la source, est basé dans la municipalité de Pontes et Lacerda », « située à 450 kilomètres de Cuiabá, près de la frontière avec la Bolivie ». L’étau semble se resserre de plus en plus sur le même personnage.
L’avion saisi était immatriculé CP-2783, il était plein à ras-bord de balles cubiques de toile cirée verte contenant de la drogue. L’avion était déclaré en Bolivie au nom de Victor Raul Aliaga Velasco et il avait un hangar à Trinidad, dans le Beni. C’est l’ancien Cessna 210N de 1979 de Luis Morales, un habitant du Texas. Il portait auparavant le n° N888BJ, et était venu de lui-même en Bolivie via le Brésil, lors d’un voyage du 12 décembre 2012; dans lequel il avait effectué Miami-Proviciendales, un trajet courant de 3 heures pour la « livraison » des appareils de trafiquants:
L’avion avait été aperçu portant encore sa décoration ancienne mais une immatriculation bolivienne, avant d’être visiblement repeint. Les plus curieux avaient remarqué que sous son immtriculation US il embarquait à l’arrière un support bien visible pour une caméra comme celle installée par la firme Paravion Technology, pour des Wescam MX-10, ou des Systèmes FLIR… (ici l’autre bout du tube de soutien vu de l’intérieur de l’avion). Ironie du sort, l’avion sur lequel ce genre de caméra a été installé était le Cessna N202BW de « Coastal Défense Inc », une start-up de mercenaires profitant de la peur des envahisseurs de tous poils, ou des pirates, qui annonce son site une belle brochette de clients à larges subsides potentiels. Un travail juteux, effectivement, puisque le 9 août 2016 la firme avait obtenu du U.S. Naval Special Warfare Command un contrat de 41 096 548 de dollars pour un « aviation support services in support of U.S. Special Operations Command ». Sur son site, on ne voit plus son Cessna B202BW car on n’aperçoit plus que son petit Cessna 310L (le N3280X) … Coastal Defense Inc avait alors obtenu 65 contrats d’une valeur de 24.9 millions de dollars depuis 2007 !!! Pour seulement 12 employés !!! Son patron est un ancien du Joint Special Operations Command, qui adore se faire cirer les pompes en publi-reportage. Parfois, il y en a qui arrivent à gagner presqu’autant qu’en revendant de la coke, il semble bien… le gag étant qu’avec cet avion précis, les trafiquants auraient acheté celui qui les aurait surveillés quelques mois auparavant sur les côtes US…
Le fils du trafiquant du Cartel de Cali !!!
On l’avait occulté au départ, mais l’homme appelé Fabio Adhémar Andrade Lima Lobo arrêté dans le CP-2783 n’était pas n’importe qui en fait : c’est le fils d’un ex membre du Cartel de Cali, le colombien Célimo Andrade Quintero, surnommé «Danilo», condamné à 20 ans de prison pour trafic de drogue. L’arrestation crée aussitôt un choc en Bolivie, car on s’aperçut aussi que la mère d’Andrade Lima Lobo, Carmen Iris, vient alors d’être nommée pour le gouverneur adjoint du Mouvement vers le socialisme au pouvoir (MAS) dans la région de Beni, adjacente au Brésil. On sent le pouvoir en difficulté… Le premier à monter en ligne est le Ministre de gouvernement, Carlos Romero, qui a réagi tout de suite lors d’une conférence de presse à l’accusation d’un prétendu lien entre l’administration bolivienne et le trafic de drogue, défendant bec et ongles Evo Morales, le président du pays.
Or a peine était-il intervenu qu’arrivaient d’autres nouvelles avec un autre avion retrouvé près de la ville de Tres Cruces, dans la zone de Las Piedras, à 120 kilomètres de Santa Cruz, en Bolivie cette fois.
Sur une piste clandestine s’est posé un Cessna de couleur blanche immatriculé CP-1459. A peine posé, un camion à double cabine s’était approché un homme avait été aperçu apportant à l’avion un gros sac et un bidon. La police, qui observait l’arrivée est alors intervenue, et l’avion qui avait tenté de redécoller avait abandonné l’idée de le faire après plusieurs coups de semonce de la police. Sur la place avaient été découvertes de nombreuses armes à feu : deux mitraillettes, un fusil, trois boîtes de chargeurs, en munitions de 6,52 mm.
Dans le bidon, il y avait quatre sacs avec de la cocaïne. Selon la presse, dans le secteur d’autres choses étaient en préparation : « les criminels ont conçu un éventuel «plan d’évacuation» comprenant l’installation d’un centre d’opérations dans la zone de Ciudad Satélite; la location d’équipements de communication; l’enlèvement des autorités; la mise en place d’une piste clandestine dans le secteur de Puchuni (zone sud du département de La Paz); la location de petits avions pour transférer les évadés (dont Celimo Andrade) à une hacienda à Beni et l’évasion en Colombie ». Bref, toute une organisation qui se mettait en place !
Deux avions découverts dans le même hangar
Les policiers avaient surtout remarqué, deux années plus tard que les avions continuaient donc à atterrir au même endroit, avec une certaine régularité. Car avant que Bittencourt Dias ne soit tué, un avion immatriculé PR-RRM avait souvent atterri sur le terrain de sa ferme, chargé de stupéfiants… Les policiers en avaient la preuve désormais. Une photo datant de 2010 prise en effet l’aéroport São João del-Rei le 29 août 2010 montre que L’avion est un modèle 210L, numéro de série 21060550, photographié ici le 6 juin 2012 au même endroit. C’est l’ex N243BC, vu ici en réparation moteur à Ribeirao Preto-Leite Lopes en janvier 2008, sous les mêmes couleurs. L’avion avait été mis en vente 99 500 dollars chez Steve Weaver en septembre 2007 (photo ici à droite), venu de la Virginie, appartenant à Allen Joel. Ostensiblement l’avion a été repeint, et porte un schéma plus récent de décoration , similaire au PR-WRV par exemple (N°21060068); l’ex PT-JHI.
L’engin a été exporté au Brésil le 11 août 2008. On le retrouve donc repeint à neuf dans le hangar de l’aéroport Marechal Rondon à Varzea Grande (cf la région métropolitaine de Cuiabá), accompagné d’un autre avion, un Cessna lui aussi ancien ayant gardé sa livrée d’époque et immatriculé PT-LYB, aperçu ici à gauche volant au dessus du Rolim Adolfo Amaro–Jundiaí State Airport le 22 novembre 2007 (photo Luiz Augusto B Fernandes). Le PT-LYB étant le Cessna 21064653 enregistré au Brésil le 24 juillet 2003 : c’est aussi l’ex N9972Y. L’avion en 2015, a changé de mains passant d’un dénommé Vilson Covolan… à un dénommé Vagner Martins le 3 février. Sur certains sites, on peut voir une photo d’un avion donné comme atterrissant dans l’hacienda de Clineu Bittencourt Dias, l’ami de Ricardo Santos Cosme Silva. Mais ce n’est pas l’un des deux avions cités (à croire qu’il y avait une noria d’avions dans sa ferme !) :
Le dénommé Vagner Martins, nouveau propriétaire du PT-LYB, on le retrouvera cité le 16 février 2016. C’est en fait Wagner Martins Pereira Rodrigues, attrapé avec un chargement colossal de marijuana dans un pick-up. Avec un jeune collègue, il se rendait régulièrement au Paraguay pour échanger des voitures volées contre de la drogue. Toujours le même procédé !!! Selon la police, les deux hommes étaient responsables du dépôt et de la distribution de marijuana dans tout le Grand Goiânia. La police avait saisi ce jour-là 600 kg de marijuana, des plaques d’immatriculation, 10 000 dollars en espèces, et un pistolet. La photo de la saisie étant très impressionnante.
La caverne d’Ali Baba du trafiquant international
Le 7 août 2015, la police intervient donc, après avoir accumulé un monceau de preuves pendant une année et demie au moins. Le point de départ ayant été en 2011 l’interception de Ricardo, et de son beau-père Roberto Naves, surpris avec 161 000 dollars sur eux (déjà !) et un pistolet Glock .40 franchissant la frontière entre le Mato Grosso et la Bolivie, « ce qui a renforcé les soupçons d’enrichissement illégal, et possiblement de trafic de drogue » avait alors affirmé la police. L’opération baptisée Hybris fonce donc en priorité dans la villa dans laquelle réside Ricardo Santos Cosme Silva, l’ancien disc-jockey qui est à la tête du réseau, les policiers l’ont désormais déterminé à coup sûr.
Outre les deux avions de l’aéroport Marechal Rondon à Varzea Grande, mis sous scellés (à gauche le PT-LYB), à droite le PR-RRM le Cessna NA 210L 21060550 ré-enregistré le 21 octobre 2008 au Brésil, qui est aussi l’ex N243BC. Un avion très intéressant, qui nous montre surtout son changement de livrée avec un cliché fait le 8 janvier 2008 dans un hangar de Ribeirao Preto-Leite Lopes, au Brésil, dans lequel on peut l’apercevoir toutes trappes ouvertes, moteur à découvert, portant effectivement ses anciennes couleurs, comme déjà écrit un peu plus haut:
Les policiers vont constater ce qu’a pu accumuler en quelques années notre trafiquant en établissant une liste à la Prévert de ce qu’ils ont découvert. Extérieurement, Cosme avait pris soin de vivre sans trop d’ostentation, pourtant, car la liste est longue… très longue ! idem pour son épouse, Pamella Francielle de Assis Cabassa, également arrêtée, qui possédait un magasin appelé « Josefina Rosa Cor », dans le centre commercial de Goiabeiras. Il y a là en effet tout un lot de montres de valeur, dont 2 Rolex (en voilà un qui avait réussi sa vie avant 50 ans aurait dit Seguéla) des bijoux, mais aussi une profusion de matériels destinés au trafic : des scanners de bandes de fréquence radio (un Icom IC-A20, à gauche ici sa publicité, plusieurs Air Band Aviation Transceiver Vertex Standard VXA-220 Pro VI, ici à droite),
des tablettes numériques, des ordinateurs portables (HP et Toshiba, des NoteBook (Quasmio de chez Toshiba) sans oublier un gros SUV Mitsubishi Outlander rangé devant la maison.
Mais ce qui étonné le plus les enquêteurs c’est la profusion de téléphones portables de toutes marques; iPhone, Samsung , Sony, mais aussi des Blackberry, qui semblent beaucoup les intéresser. Pour sa défense, un pistolet CZ 75 P-07 (ici à gauche), et deux chargeurs de munitions. Plus dans un coffre de l’argent, bien entendu. Les enquêteurs ont fait le calcul : avec ses avions plus ceux qui se posaient régulièrement chez son vieil ami le gang de Ricardo Santos Cosme Silva, transportait environ trois tonnes de stupéfiants par mois, soit environ 30 millions de reals (7, 5 millions d’euros par mois de revenus, un salaire de footballeur !!!)…. lui-même leur ayant déclaré qu’il « était éleveur de bétail et homme d’affaires » et « que son activité était la création, l’achat et la vente de bétail, avec un revenu mensuel de 30 000 reals ». Le tout était stocké dans plusieurs fermes installées dans la municipalité de Vila Bela da Santíssima Trindade (à 512 km à l’ouest de la capitale). Un coin discret ; aux alentours on ne trouve que les ruines d’églises (aujourd’hui protégées par un auvent)
et le reste de la construction d’une ville de plus de trois siècles, longtemps abandonnés; mais le secteur d’ouvre au tourisme désormais, car il y a de belles choses à voir dans le secteur. Les policiers ont tenu aussi à l’arrêter pour une autre raison : le rapport de perquisition soupçonne en effet également que « Ricardo Pancadão » soit derrière des homicides dans la région frontalière. Il est notamment nommé responsable de la mort du caporal de police militaire, Luiz Carlos Alves de Oliveira (tué de 10 coups de feu dans un bar de la municipalité de Pontes e Lacerda) et de Márcio Ferreira dos Santos, alias le « Bacana ». Selon les journaux de l’époque, « les derniers crimes étaient en liaison avec le vol après l’atterrissage de près d’un demi- tonne de pâte de base de cocaïne, deux ans auparavant, d’un avion dans une ferme voisine de Pontes Lacerda,
dans une propriété appartenant à un grand propriétaire régional de bétail » (on notera qu’on parle toujours du même personnage !) « Le rapport confirmait l’existence de ces tirs pour le contrôle de ces entreprises et le rôle de la ferme avec la cocaïne ». Le bilan à la mi-2015 est donc lourd ; « depuis le début de l’enquête, véritablement lancée en 2013, quatre tonnes de cocaïne et 2 millions de dollars ont été saisis », précise le procureur chargé de l’affaire. Un important lot d’armes; dont des Kalachnikovs avaient aussi été saisi (ici à gauche).
De drôles de maquettistes
Et puis pour appuyer le fait que Pontes et Lacerda est devenu véritablement un foyer de relais de la drogue bolivienne vers le Brésil il y a cette découverte étonnante, grâce à des amateurs d’aéromodélisme venus en faire la pub sur le net. Ç’est ici, et c’est plutôt effarant : au milieu de nul part, on a réussi à construire un piste asphaltée de 1500 mètres de long (et non 1200 comme indiqué par les fans des petits avions télécommandés). C’est désormais l’aéroport de la ville… à 355,39 km de la capitale. C’est de là qu’en 2014 qu’avait été volé l’avion de la candidate au gouvernement de l’Etat, Janet Riva. Le Beechcraft C90 PR-ATY (ex N590GT), à l’époque, on avait commencé à chercher vers la commune de San Ignacio car selon la presse « il n’y a pas de radar et dans cette région qui a des informations sur la présence d’un commerce clandestin sur des pistes d’atterrissage clandestines. L’une des étapes a eu lieu à la région Renecheru, l’une de ces pistes, située à 125 km de San Ignacio ».
Pour Riva, femme du député José Riva, ce n’avait pas été la fin de ses ennuis car elle fera l’objet d’une saisie judiciaire cette fois d’un autre appareil lui appartenant, un Piper Aircraft, modèle PA-31T2 Cheyenne de 1982 immatriculé PR-MSP. L’avion avait été photographié à la sauvette par des journalistes au Centro Integrado de Operações Aéreas (Ciopaer). Selon eux, il était alors utilisé par le député Mauro Savi. L’avion décrié était le 31T-8166052 enregistré au brésil le 29 janvier 2010, ex N423JB; lui-même ex D-IOKA. Un avion vendu par qui, je vous le demande …??? Par North Atlantic Services Inc bien entendu... sacré Joao Malago, va !!! Toujours au top… de la politique et des magouilles de vente, il semble bien !!! Rappelons que c’est à Pontes e Lacerda qu’est mort en 2o10 le pilote José Henrique de Paula à bord de son PT-OH.
Un drôle de pilote… kidnappeur d’enfants
Au passage, un seul nom de pilote apparaît dans la (longue) liste des personnes arrêtées ; il s’agit de Márcio Rabello Mesquita Teodoro alias « Frango » (« poulet »). L’homme avait déjà connu la prison de Barra do Garças, où il avait déjà été emprisonné pendant quatre ans pour trafic de drogue !! Dans ses conversartions sur Blackberry, il avait également naïvement reconnu avoir été l’auteur de l’enlèvement en 2013 d’une petit fille, Ida Veronica, emmenée ensuite par lui en Italie, via un vol classique parti de Bolivie. Une sombre histoire racontée ici : « Ida Verônica Feliz, alors âgée de 8 ans, a été enlevée le 26 avril 2013 dans la maison de la famille d’accueil dans la région de Porto, à Cuiabá.
À l’époque, la police soupçonnait que les parents biologiques de la jeune fille avaient participé au crime. En effet, Élida Feliz et Pablo Milano avaient été arrêtés au Brésil pour leur implication dans le trafic international de drogue. La fille, encore bébé, avait été adoptée par la famille Cuiabana, mais la mère biologique a obtenu le droit au tribunal de voir sa fille. Après avoir appris les habitudes de la famille adoptive de la jeune fille, les parents d’Ida Verônica ont décidé de la kidnapper ». Ida Veronica n’a été découverte que cette année (en 2015), dans la ville de Cazzola, en Italie (dans la région de Vicenza, c’est à côté de Parme)… » la mafia remonte l’Italie, en effet, il semble bien ! A droite, Pablo Milano Escarfulleri, et son épouse dominicaine Elida Isabel Feliz, parents biologiques kidnappeurs. Au final un tribunal italien décidera de les libérer malgré tout.
« Selon la Cour européenne, il n’y a pas suffisamment de preuves de la culpabilité du couple (Pablo Milano Escarfulleri et Elida Isabel Feliz) dans l’enlèvement de l’enfant » écrivent le Corriere del Veneto» et «Il Gionarle di Vicenza»... Dans les conversations téléphoniques interceptées, il y avait pourtant un élément primordial : Ricardo Silva dos Santos Cosme, avait effectivement tenté de négocier de vendre de la cocaïne à « deux étrangers », dont l’un, un italien, s’appelait justement… Pablo Milano Escarfulleri !!! Les trafiquants brésiliens, faute de grives, utilisent aussi des procédés de mafieux pour rentrer de l’argent ! Et discutent surtout avec des mafieux italiens !!! Les parents biologiques d’Ida Verônica avaient en effet été arrêtés au Brésil pour trafic de drogue en 2006. Élida, avait été arrêtée dans un appartement à Florianópolis, Santa Catarina, avec environ 3 000 comprimés d’ecstasy. Elle avait été condamnée à dix ans de prison mais elle s’était évadée en 2013 ! Elle était en fuite !!! Le père de la jeune fille, Pablo, avait lui été arrêté pour trafic international de drogue en 2009 !!! Dans la conversation toujours, Ricardo Silva dos Santos Cosme n’avait pas trop apprécié cette divulgation, en craignant l’intervention… d’Interpol !!! Ce à quoi le pilote avait répondu qu’il n’y avait rien à craindre car le portrait robot censé le montrer » n’était pas du tout ressemblant » !!!
Mais on en n’a pas fini encore. Un an après la razzia dans la villa, Le juge Rodrigo Bahia Accioly Lins, du 1er Tribunal fédéral de Cáceres, ordonnait de libérer Gilberto de Oliveira, celui qui avait accepté de témoigner contre les pratiques douteuses auxquelles il avait participé : un repenti, en quelques sorte, propriétaire d’une société de change dans la municipalité de Pontes et Lacerda… Avec lui, on changeait de dimension en effet… pour atteindre des sommes astronomiques !!! Ce que nous verrons au prochain épisode !!!
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.
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