On l’a vu lors de l’enquête sur les kidnappeurs de la gouverneure du Michigan, des gens sont prêts, aux USA, à prendre les armes et s’opposer à l’élection du candidat démocrate, dont tous les sondages montrent la position plus que favorable pour remporter l’élection du 3 novembre. Franchiront-ils le pas ce jour-là, si l’élection effective de Jo Biden peut être déclarée le soir-même (en cas notamment de très large victoire incontestable) ? A entendre leurs déclarations et après avoir vu en avril dernier ce dont ils sont capables contre les institutions démocratiques (1), et avoir également observé l’extension dans les esprits du poison de la théorie irréaliste et dangereuse de QAnon, soutenue ouvertement par le Président en personne en meeting par son langage plein d’allusions (« Deep State », « Drain the Swamp », et ces derniers temps « Big Guy » ou « Rino » (2) plus « Big Tech » , on peut le craindre, hélas. Ils sont en prime facilement manipulables, comme on va le découvrir aujourd’hui…
Le dossier de base du jour est celui concocté par l‘Armed Conflict Location & Event Data Project, dont je recommande bien sûr la lecture. L’organisme s’est penché sur ce que l’on désigne comme l’ennemi intérieur ou le terrorisme domestique, dans lequel l’extrême droite est sur-représentée, aux USA. Ses milices, surtout sont visées. Voici son introduction : « les milices et autres acteurs non étatiques armés constituent une menace sérieuse pour la sûreté et la sécurité des électeurs américains. Tout au long de l’été et avant les élections générales, ces groupes sont devenus plus affirmés, avec des activités allant de l’intervention dans les manifestations à l’organisation de complots d’enlèvement visant des élus (CNN, 13 octobre 2020). Le Department of Homeland Security et le Federal Bureau of Investigation ont spécifiquement identifié les mouvements d’extrême droite et racistes comme l’un des principaux facteurs de risque à l’approche de novembre, décrivant les élections comme un «point critique» potentiel pour la violence réactionnaire (The Nation, 30 septembre 2020 – et dès le 18- ; New York Times, 6 octobre 2020). » Sur l’un des milices, celle du Michigan, on peut lire cette saga récente (en 7 épisodes)
Les protégés de Donald
Des milices livrées à elles-mêmes depuis plusieurs mois. Donald Trump, en avril 2019, a en effet discrètement démantelé le service du Homeland Security chargé de surveiller la terreur suprémaciste, ce que tout le monde a déjà oublié, hélas. C’était bel et bien voulu de sa part : « c’est particulièrement problématique étant donné la croissance de l’extrémisme de droite et du terrorisme intérieur que nous constatons aux États-Unis et à l’étranger», a déclaré un ancien responsable du renseignement au Daily Beast. Le groupe en question était une branche d’analystes du Bureau du renseignement et de l’analyse (I&A) du DHS. Ils s’étaient concentrés sur la menace des extrémistes violents locaux et des terroristes nationaux. Les analystes partageaient des informations avec les autorités nationales et locales pour les aider à protéger leurs communautés contre ces menaces. «Vous entendez cette administration dire à quel point le terrorisme intérieur est une priorité claire. Mais vous ne pouvez pas dire cela, si vous vous débarrassez d’un seul coup de l’unité qui est là pour détecter les menaces. Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux » a dit l’ancien officiel du DHS Nate Snyder. Ensuite, le nouveau chef I&A de l’administration Trump, David Glawe (ici à gauche), a commencé à réorganiser le bureau, qui est la composante du DHS qui a sa place dans la communauté du renseignement. Au cours de la réorganisation, la branche d’I & A axée sur le terrorisme domestique a été licenciée et supprimée (« Eighty-sixed ») et ses analystes ont été réaffectés à de nouveaux postes.
Le changement s’est produit l’année dernière et n’a pas été signalé auparavant. » «Nous avons remarqué qu’I&A a considérablement réduit sa production sur l’extrémisme violent et le terrorisme domestique, alors que ceux-ci restent parmi les menaces terroristes les plus graves pour le pays», a déclaré un responsable du DHS »…
Donald, après Charlottesville (et l’ignoble manifestation « UniteThe Right« , ici à droite) avait déclaré qu’il y avait « des bons des deux côtés« , légitimant les tueurs nazis (une manifestante, Heather D. Heyer, avait été écrasée le 12 août 2017 par une voiture conduite par un néo-nazi, James Alex Fields Junior), et il ne s’est donc pas contenté d’une simple déclaration : il a aussi empêché depuis qu’on les surveille ou qu’on les pourchasse !!! En fusillant le service qui le faisait jusqu’ici ! Il a ainsi ouvertement favorisé l’extrême droite violente dans le pays en la tenant incontrôlée !! On comprend mieux aussi le sachant, sa tirade sur les ProudBoys lors du premier débat (3) : qu’ils « attendent » avait-il dit. Mais quoi ? Des ordres, pour lancer la sédition s’il n’est pas élu ? (ci-dessous les effrayants Proud Boys à Portland).
Un événement anodin parti en quenouille de Gettysburg
Les milices armées, d’extrême droite libertarienne, qui fomentent une guerre civile qu’ils souhaitent de tous leurs vœux, étant aujourd’hui le point crucial de l’enquête de ‘l’ACLED : « bien que de nombreuses milices américaines puissent être qualifiées de «latentes» en ce qu’elles menacent plus de violence qu’elles n’en commettent, plusieurs milices récemment organisées sont associées à une idéologie de droite de violence extrême à l’encontre de communautés opposées à leur rhétorique et à leurs demandes de domination et de contrôle. L’absence de sanctions ouvertes contre ces groupes de la part de personnalités publiques et de certaines forces de l’ordre locales leur a donné un espace pour opérer, tout en permettant aux personnalités politiques de revendiquer une responsabilité directe limitée pour les actions violentes dont ils espèrent bénéficier. » Parmi les actes incontrôlés de ces milices, l’un d’entre retient après coup notre attention.
Un étonnant point de départ
Ça a débuté en juin 2020 par une drôle le d’affaire, avec dans la foulée tout un ramdam sur le net orchestré par l’extrême droite (mais pas que, comme on va le voir !) avec pour origine incroyable
l’exclusion au départ du cimetière national de Gettysburg d’un homme, appelé Trent Somes, venu se recueillir sur la tombe d’un membre de sa famille… Il avait été expulsé du lieu simplement parce qu’il portait un t-shirt Black Lives Matter (la vidéo est ici, les images sont extraites de la vidéo qu’il a lui-même filmée) !!! L’homme qui avait été renvoyé de l’endroit était blanc. C’était un séminariste bien tranquille, un futur pasteur de la First United Methodist Church de Hanovre, en Pennsylvanie. Pour des mouvements qui prônent aussi l’idéologie « Christian Indentity », avouez que c’était plutôt.. idiot !
A gauche et à droite ici des photos extraites de l’altercation avec les gens d’extrême droite, filmée tranquillement par l’homme au t-shirt en personne resté impassible (ci-dessus, étonnant document). Une discussion animée en fait et pas de heurts véritables avec un policier, fort calme lui aussi, venu calmer le jeu… On note le t-shirt pro-Trump de l’un d’entre eux (« Trump, Get On Board Or Get Run Over« )… et le slogan Dont Tread On Me du drapeau jaune au serpent, le fameux Gadsden Flag celui des libertariens. Trent Somes sera raccompagné hors du lieu, protégé par un policier accouru (ici à droite).
Bref, une histoire sans trop de heurts, sans violence apparente, mais bien significative d’un fait : chez certains activistes pro-Trump, on ne tolère pas la présence de gens n’ayant pas les mêmes idée que les leurs et on s’approprie sans vergogne des territoires historiques, surtout celui-là à vrai dire. L’endroit a été en effet l’enjeu de violents combats entre sudistes et nordistes pendant juin et juillet 1863. Trois jours de combats incessants début juillet qui ont fait plus de 50 000 morts, un carnage, une boucherie, avec côté sudiste le général Lee, celui dont on demande le retrait des statues car esclavagiste.
Menaces, intimidations, et quoi après ?
Celui qui rend compte de cette expulsion sans nom dans le blog historique The Reconstruction Era commente : « Incroyable. Les nationalistes blancs lourdement armés peuvent jouer au soldat dans un parc national, mais un pasteur méthodiste vêtu d’un T-shirt Black Lived Matter est un danger pour lui-même et pour les autres. C’est ce à quoi ce pays est arrivé ? » Le bloggeur, écœuré, ajoutant : « des miliciens armés ont envahi les rues de petites villes de l’Idaho le mois dernier (ici à droite) après que de fausses allégations ont circulé en ligne au sujet des antifas, un groupe de militants qui s’opposent au fascisme et ont parfois provoqué des dommages matériels et des manifestations violentes ces dernières années.
Des canulars similaires ont frappé des villes du New Jersey, du Dakota du Sud et du Michigan ces dernières semaines ». En somme, il n’y pas que des milices en cause :
il y aussi l’agitation constante largement entretenue sur les réseaux, à laquelle un président prêt à tout, car se sachant désormais perdant, prête la main depuis des semaines, en écrivant des tweets rageurs demandant de « libérer » des Etats (ici à droite) !!! L’agitateur en chef a un nom ! Et il habite à la Maison Blanche !
L’effrayant récit d’une dérive manipulatoire d’extrémistes bernés
Le récit de l’affaire esquissée plus haut, qui se poursuit juste après est à la fois très effrayant et bien grotesque : celui qui le raconte a mené sa propre enquête, étonné par les faits de départ, et a découvert avec stupeur un engrenage fort dangereux de lynchage, voire de sédition en prévision, le fruit avant tout des talents de l’extrême droite sur les réseaux et sa faculté à s’emballer surtout. D’où son danger ! La même chose pourrait donc se reproduire facilement, bientôt, lors de l’élection, hélas. Un Tweet malheureux et tout peut en effet s’embraser ! Le même procédé pourrait en effet facilement être lancé le 3 novembre prochain surtout si les supporters de Biden sortent exprimer leur joie à l’extérieur malgré le Covid19…
Une fois l’homme expulsé, une intense activité se met en place sur les réseaux, chacun racontant l’histoire à sa manière. Une affiche bientôt paraît, accusant le paisible visiteur d’être un « antifa », ce qu’il n’était en rien, le mot qu’a alors à la bouche tous les jours Donald Trump, pour qui il n’y a qu’eux comme fomenteurs d’émeutes. Cette affiche appellent à un rassemblement de droite pour la fête nationale prochaine (le 4 juillet).
La manipulation de l’affiche du rassemblement annoncé, déjà (celle qui est plus bas ici à droite) avait été flagrante : l’homme au T-Shirt, décrit dessus comme un « antifa », avait déjà été exonéré par la police qui avait parlé de « canular », et avait dû éditer un avis l’affirmant. Mais une fois l’annonce faite, ça a continué comme une traînée de poudre : « Macky Marker, membre d’une milice du Delaware appelée First State Pathfinders, (ici à droite et à l’entraînement à gauche) a publié une vidéo sur YouTube appelant les miliciens à se rendre à Gettysburg.
«Si vous prévoyez de venir, je prévois d’arriver à bout de souffle… d’être prêt à 100% à vous défendre et à ceux avec qui vous venez», a déclaré Marker dans la vidéo ».
Chez les fameux « antifa », idem. » Un site est apparu, tenant des propos qui n’étaient pas apaisants. « (Le site) Left Behind USA est apparu sur Twitter en février, faisant avancer des idées d’extrême gauche dans un torrent de memes (des montages vidéos) et de graphiques grossiers qui dénonçaient le capitalisme, appelaient à la fin de la police et préconisaient un moratoire sur le loyer. Le récit a attaqué le candidat démocrate à la présidentielle Joe Biden en tant que «violeur» et l’a accusé de soutenir les lois de justice pénale raciste. La personne anonyme contrôlant le compte s’est décrite dans divers articles comme un graphiste licencié, un ancien pilote Uber et un disc-jockey. Il a écrit qu’il vivait de bons alimentaires et qu’il dormait sur le canapé d’un ami ». Bref, un des habituels frustrés qui a monté l’affaire en épingle avant qu’elle ne se mette à vivre toute seule, entretenue par d’autres délires… à droite extraits du site des First State Pathfinders, leur humour électoral… « déplorable », aurait dit Clinton. En tout cas, ça commençait déjà à déferler vers Gettysburg qui allait vite devenir une concentration de fêlés prêts à se tirer dessus … ce 4 juillet (Fête Nationale là-bas). Les photos sont extraites de la manifestation de milices fascisantes liées à l’extrême droite lors de cette opération « Mobilize to Occupy Gettysburg » tenue le 4 juillet 2020, décrite ici.
Le Washington Post avait aussi repéré l’annonce fort provocatrice présentée comme « antifa », lancée par le compte LeftBehind USA qui clamait haut et clair : « rassemblons-nous et brûlons des drapeaux pour protester contre les voyous et les animaux en bleu » (cf les policiers) a écrit la personne anonyme derrière une page Facebook intitulée Left Behind USA à la mi-juin. Il y aura de la peinture antifa pour le visage, a écrit la personne, et les organisateurs «donneraient gratuitement de petits drapeaux aux enfants pour qu’ils les jettent en toute sécurité au feu».
Alors que la nouvelle se propageait, des milices autoproclamées, des motards, des skinheads et des groupes d’extrême droite extérieurs à l’État ont lancé un appel à l’action, s’engageant dans des vidéos et des messages en ligne à venir à Gettysburg pour protéger les monuments de la guerre civile et le drapeau national de la profanation. Certains ont dit qu’ils apporteraient des armes à feu et utiliseraient la force si nécessaire« . L’homme derrière l’affaire et la provocation se présentait comme Alan Jeffs, « un démocrate devenu anarchiste de Pittsburgh qui vivait à Des Moines » … et sa provocation marchera, à un point inespéré, des centaines d’extrémistes de droite se dirigeant vers Gettysburg pour en découdre, motards en tête.
Ce ne s’est donc pas arrêté pour autant : tout une série de fausses informations a été distillée sur le net, pour entretenir le sujet et faire affluer des hommes en armes, avec en chef d’orchestre un homme que le Washington Post, vigilant avait pris en point de mire, déjà : « en mai, la personne a envoyé une demande urgente d’argent sur le compte Twitter de Left Behind USA. Il s’était retrouvé coincé, écrivait la personne, avec la voiture de son colocataire alors qu’il revenait d’un voyage en Ohio pour assister aux funérailles de son grand-père. Il a déclaré que son grand-père, membre de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité qui avait travaillé à Youngstown, était décédé le 28 mai à l’âge de 96 ans. Jim Burgham, le directeur commercial de la section locale 64 de la FIOE de Youngstown, a déclaré au Post que le syndicat, qui suit les décès des membres actuels et anciens, ne connaissait pas une telle personne. «Ce membre que vous avez décrit n’existe pas», a déclaré Burgham. Début avril, une personne utilisant le nom d’Alan Jeffs a créé une pétition sur le site Web Change.org. Il comprenait une vidéo publiée pour la première fois sur un compte Twitter contrôlé par le personnage d’Alan Jeffs qui dirige Left Behind USA.
La pétition appelait le gouverneur du Wisconsin à reporter la primaire démocrate en raison des risques pour la santé du nouveau coronavirus. Il comprenait une photo d’un homme souriant et barbu, prétendument Jeffs, et a déclaré qu’il habitait Beaver Falls, en Pennsylvanie. En utilisant une recherche d’image inversée, The Post a trouvé que la photo sur le site de photos de stock depositphotos.com. La photo d’Alan Jeffs de «l’organisateur Antifa» est en fait un faux. Il a été tiré d’un album photo d’un photographe en Allemagne » (ici à droite). Un coup classique que ce genre d’usage détourné !!! Bref, ça commençait à sentir l’arnaque et la manipulation cette affaire, pour le Washington Post qui avait flairé la provocation !!! Sauf pour les miliciens d’extrême droite, des idiots bernés, qui continuaient à débouler à Pettysburg, armés jusqu’aux dents !!!
Le mensonge, une fois élaboré, a continué et s’est enrichi encore, en présentant le héros de l’histoire comme étant un démocrate bien sûr (pour attiser la haine en face) : « la page Facebook Left Behind USA avait été créée le 2 juin. Lorsque The Post a demandé une interview pour la première fois à la mi-juin, la personne contrôlant la page Facebook a répondu dans un message: «Je ne préfère pas parler à des sources médiatiques conservatrices.» La personne s’est par la suite identifiée comme Jeffs, âgé de 39 ans, et a fourni plusieurs détails sur ses antécédents. «Je suis politiquement actif depuis que je suis assez vieux pour voter et j’ai voté démocrate à toutes les élections présidentielles et de mi-mandat que j’ai pu», a écrit la personne dans un message privé sur Facebook au Post. Les responsables électoraux du comté de Polk, dans l’Iowa, ont déclaré au Post que personne du nom d’Alan Jeffs n’avait jamais été inscrit pour voter dans l’État, selon une recherche dans la base de données. Des responsables en Pennsylvanie ont déclaré qu’il n’y avait personne de ce nom sur les listes électorales actives ou inactives de cet État ».
En fait d’admirateur de démocrate, notre agitateur détestait au moins l’un des candidats de ce camp : « deux publications médiatiques ont cité Alan Jeffs ce printemps, citant un autre de ses comptes Twitter soutenant l’ancien candidat à la présidentielle Bernie Sanders. Le Christian Science Monitor a découvert dans une analyse des données des médias sociaux que le compte Twitter de Jeff, @Bernieorelse, se distinguait par ses publications fréquentes et agressives contre l’ancien candidat démocrate à la présidentielle Mike Bloomberg. «Twitter est le monde réel maintenant, encore plus qu’il y a quatre ans», a déclaré Jeffs en mars dernier, cité par le Christian Science Monitor. » Et mieux encore : « en avril, un site Web d’informations géré par des étudiants de l’Annenberg School for Communication and Journalism de l’Université de Californie du Sud a cité Jeffs dans un article sur la nomination présidentielle démocrate. Jeffs a dit qu’il vivait juste à l’extérieur de Pittsburgh. « J’en ai assez que les démocrates nous imposent des candidats centristes », a-t-il déclaré. Le même mois, son compte sur les réseaux sociaux @Bernieorelse a été suspendu par Twitter. Un porte-parole a déclaré à The Post que le compte avait enfreint les règles de la plate-forme, mais a refusé de donner plus de détails ».
Et comme ça ne semblait pas encore suffire, on en a rajouté un peu en puisant auparavant et en disant exactement la même chose que ce qui s’était passé, il y a trois ans, au même endroit: « Le 11 juin, Left Behind USA a publié une image sur sa page Facebook qui semblait conçue pour s’agiter. Autour d’une illustration d’un drapeau américain enflammé (cf ici à gauche) , il annonçait: «Antifa présente: le drapeau du 4 juillet brûlé pour protester pacifiquement contre l’abolition de la police dans tout le pays.» »Pas de motards, de milices ou d’autres prétendus patriotes », disait-il. « Bienvenue aux enfants – Peinture de visage Antifa (disponible) » Une page Facebook appelée Central PA Antifa a rapidement dénoncé l’événement comme un faux, le comparant à un canular à Gettysburg d’il y a trois ans. En 2017, des rumeurs d’un événement antifa dans le parc national avaient incité un grand groupe de miliciens armés à se présenter. Ils n’avaient rencontré personne de l’antifa, mais l’un des membres armés de la milice s’est accidentellement tiré une balle dans la jambe avec un revolver. » Des idiots, je vous dis !
Récolte et hébergement des idioties dans un site connu
Bref, on avait affaire à une belle arnaque. Il ne manquait plus qu’un site web (déjà décrit ici comme ramasseur de poubelles du net) ne tombe sur le sujet. Et c’est l’un des pires chez qui c’est arrivé en effet : celui de Jim Hoft, « l’échalas gay » marié à un jeune philippin et anti-émigration (oui ça existe, hélas !) .Il a relaté le sujet avec sa prose habituelle, très approximative et avec des éléments inexistants ajoutés, truffée d’inventions de son cru : « le 22 juin, le site Web d’extrême droite Gateway Pundit a publié un article affirmant que «les terroristes nationaux d’Antifa prévoient de profaner le cimetière national de Gettysburg et d’incendier le drapeau américain le jour de l’indépendance». Les journaux locaux ont également repris l’histoire. Cette ville de moins de 8 000 habitants s’est alarmée. Les résidents ont inondé les autorités d’appels. Les responsables locaux se sont engagés à mobiliser tout le service de police de la ville, composé de 20 personnes, et à en faire venir d’autres des villes limitrophes pour protéger les maisons, les commerces et les statues. Bientôt, des groupes de miliciens ont juré de protéger également la ville ». Hoft, toujours aussi idiot, en rajoutant une bonne couche d’huile sur le feu : « plusieurs résidents locaux de Gettysburg PA nous ont contactés avec de VRAIES inquiétudes au sujet de l’organisation terroriste ANTIFA tenant un événement de brûlage de drapeau dans leur ville», un groupe qui se fait appeler la Milice de l’État de Pennsylvanie a publié sur sa page Facebook le 23 juin. Le groupe a déclaré qu’il le ferait mobiliser son «équipe d’intervention du comté» comme «moyen de dissuasion contre les forces ennemies». Apparemment, les miliciens étaient d’accord avec cette utilisation du drapeau. » Et à partir de là ça a été l’engrenage, preuve de l’influence du site de Hoft : « d’autres groupes Facebook appelés Patriots Against Treason, Defend Our Flag and Nation, Protect Our Flag and Battlefield from Being Destroyed se sont rapidement formés et ont annoncé qu’ils enverraient également des gens à Gettysburg. Bill Wolfe, un résident de Gettysburg et membre d’un groupe Facebook privé appelé III% United Patriots of Pennsylvania (à tiens, revoilà nos fameux III Percenters, à lire ici !), a déclaré dans une interview qu’incendier le
drapeau représentait une «attaque continue contre le patrimoine et la culture américains». Les activités d’Antifa, a-t-il dit, faisaient partie d’une campagne de plusieurs décennies menée par le Parti communiste pour prendre le contrôle du pays » (???). « La semaine dernière, la personne qui s’est identifiée comme Jeffs a déclaré au Post dans un message privé envoyé via Twitter qu’il s’attendait à ce que «500 à 600» personnes assistent à l’événement de brûlage de drapeau. «Nous avons mobilisé des groupes de partout dans la région», a-t-il écrit. «Nous croyons au portage ouvert et nous prévoyons de le faire lors de cet événement», a-t-il ajouté, faisant référence à la pratique de porter ouvertement des armes à feu en public. Twitter a suspendu le compte deux jours plus tard« . Un appel à venir en armes, relayé par des abrutis !
Bon, tout le monde sait que Jim Hoft est un crétin notoire. Sauf Donald Trump, qui le 31 août 2020 a partagé un de ces tweets minimisant le Covid19 , repris par une blogueuse (Mel Q), le Gateway Pundit qui avait écrit qu‘ « aujourd’hui, nous avons la preuve empirique que l’OMS, le Dr Fauci et le Dr Birx avaient complètement tort. Ce sont des charlatans. Ils ont menti», accuse le média, rappelant que les spécialistes avaient fait part d’une projection à 2,2 millions de décès potentiels dus au Covid-19, dans le pire des cas. Il s’agit d’un argument notamment prôné par les adeptes de Qanon, une mouvance complotiste qui a pris une telle importance que le FBI l’a classée parmi les risques de terrorisme intérieur.
Ils défendent le président américain, qu’ils estiment maltraité par les médias qui manoeuvreraient pour sa défaite en novembre prochain ». QAnon, nous y revoici, à la fin ! Une sorte de secte qui attend le GreatAwakening, Le Grand Éveil ou The Storm, la Tempête, chez qui beaucoup voient une guerre intérieure, un soulèvement de masse annoncé et attendu par les adeptes. Voilà qui promet (lire ici ce qu’est cette sorte de secte ridicule mais dangereuse) ! Un mouvement que Trump s’est refusé à dénoncer (4) !
Une rumeur, une fois installée, devient vite incontrôlable et il y a toujours des gens pour la faire grandir et s’étendre. Dans la même optique, du cimetière de Gettysburg, on est donc ensuite passé logiquement aux banlieues : « mais des rumeurs encore plus farfelues sur la manifestation circulaient. Une publication distincte sur Facebook qui a largement circulé a averti que les manifestants antifa prévoyaient d’assassiner les Blancs et de BRÛLER les banlieues après l’incendie du drapeau de Gettysburg. Il a été cité un «bulletin de police contrôlé et non classé». Dans les derniers jours de juin, la police locale a déclaré publiquement que le message était faux ». L’habituelle expansion d’une rumeur, contre laquelle les forces de l’ordre auront du mal à lutter.
« Ce qui n’est pas faux, c’est que la police locale a démissionné. Ce qui n’est pas faux non plus, c’est que de nombreux «amateurs de guerre civile» blancs ont publié des des photos des miliciens armés pour les remercier de «Protéger notre histoire»…. Triste » conclut notre blogueur. Voilà ce qui attend peut-être les USA ce 3 novembre; des rumeurs enflammées, des groupes armés qui ne rêvent que dans découdre avec des stocks d’armes monstrueux accumulés pendant le Covid19… Ça craint fort comme scénario !!!! C’est celui d’une guerre civile !
Un canular devenu incontrôlable, mais revendiqué
En fait tout cela était faux, c’était bien un canular, un fort mauvais canular en réalité, qui voulait démontrer au départ la bêtise de l’extrême droite (et en ce sens, il a plutôt réussi, il faut le reconnaître aussi !). Avec un auteur, soupçonné puis retrouvé par les journalistes. « Le (Washington) Post a examiné des dizaines de comptes et de sites Web, certains liés à lui par son nom et d’autres utilisés de manière anonyme pour promouvoir des canulars. Des similitudes dans le contenu, la conception et d’autres détails étaient apparentes. Les journalistes du Post ont localisé Rahuba la semaine dernière dans l’appartement d’un ami à Harmony Township, en Pennsylvanie, où il a reconnu dans une interview qu’il était derrière 13 pseudonymes et comptes de réseaux sociaux qui faisaient dès 2013 la promotion de canulars. Adam Rahuba, ancien promoteur de concerts, travaille à temps partiel comme livreur de nourriture et DJ. À 38 ans, il a passé la majeure partie de l’année écoulée sur le canapé d’un ami dans une petite ville au nord de Pittsburgh. Une enquête du Washington Post a révélé que Rahuba est également la figure anonyme derrière un certain nombre de canulars sur les réseaux sociaux –
le plus récent joué à Gettysburg le jour de l’indépendance – qui ont énervé les extrémistes d’extrême droite ces dernières années et dupé à plusieurs reprises les médias partisans. Rahuba a affirmé un jour que des militants prévoyaient de profaner un cimetière confédéré en Géorgie, a découvert The Post. Il a semé des rumeurs sur un effort organisé pour dénoncer les partisans de Trump pour des abus présumés sur des enfants (c’est la dénonciation de la théorie « pédophile » du « Pizzagate », incluse dans celle de QAnon). Et il a promu une prétendue campagne populaire pour confisquer les armes des Américains (celle dont menace tous les jours de campagne désormais Trump en clamant que « s’il est élu, Biden va venir confisquer vos armes » comme ici à droite le 15 octobre à Greenville….) « Ces fausses déclarations ont largement circulé sur les réseaux sociaux et sur les babillards électroniques. Elles ont souvent été amplifiées par des commentateurs de droite et couvertes comme de vraies nouvelles par des médias tels que Breitbart News et le Gateway Pundit. » Breitbart, le magazine de l’architecte de l’extrême droite, qui s’était donc lui aussi fait piéger !!
Le site Harrisburg 100 aussi était tombé dans le panneau ! Et Donald Trump lui aussi, qui avait fini par comparer en juillet 2019 ces fameux antifas au gang fu Mi-13, pour jeter encore plus d’huile sur le feu : ceux-là étaient des « terroristes » chez lui, mais pas bien sûr les Proud Boys qu’il continuait à ne pas vouloir ostensiblement condamner, en ayant donc aussi choisi ouvertement son camp !!! Dernier point à préciser de cette affaire plutôt significative d’emballement qui aurait pu devenir catastrophique, l’explication du choix du pseudo de l’agitateur : « Rahuba a déclaré plus tard au Post qu’il avait trouvé le nom en regardant un documentaire sur Warren Jeffs, le président de l’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours qui avait été reconnu coupable d’agression sexuelle sur des enfants ». (son fils, traumatisé, s’est suicidé à 27 ans le 20 mai 2019).
A noter que beaucoup de gens proches de Trump, ou des journalistes complaisants, sont montés dans le train douteux des milices. Je vous avais ainsi retrouvé Benny Johnson, ancien informateur de Fox News chez Tucker, et son Daily Caller d’extrême droite appréciant les suprémacistes, devenu Chief Creative Officer « chez Turning Point USA, le site de Charlie Kirk, fort apprécié par Donald, celui qui avait affirmé qu’en France les gilets jaunes criaient qu’ils souhaitaient avoir Donald Trump chez eux…(un fake complet). Johnson s’était fait prendre complaisamment en photo avec des Boogaloo Bois à Lansing dans le Michigan le jour où il étaient entré en armes dans le parlement de l’Etat (ici à droite).
Un nombre important de milices prêtes à agir, des Etat pointés
Le danger de voir un scénario similaire, un embrasement à partir d’un fait anodin est donc grand, très grand, tant il y a de milices armées de présentes sur le territoire US. « ACLED a suivi les activités de plus de 80 milices à travers les États-Unis ces derniers mois, dont la grande majorité sont des groupes armés de droite. Ce rapport cartographie un sous-ensemble des milices de droite les plus actives, y compris les « milices traditionnelles », qui sont celles qui travaillent pour s’aligner sur les forces de l’ordre américaines (les Trois Pourcent, les Oath Keepers, la Light Foot Militia, la Civilian Defence Force, et l’American Contingency ; les mouvements de rue très actifs dans les bagarres (les Proud Boys et Patriot Prayer); et des groupes libertaires hautement décentralisés, qui ont des antécédents de conflit et sont sceptiques à l’égard des forces de l’État (le Boogaloo Bois et les People’s Rights [du Bundy Ranch]). » Des mouvements déjà décrits ici, notamment dans cet article au tire inquiétant. Sur la carte, on remarque vite une chose inquiétante : la proximité de groupes importants de miliciens actifs aux alentours de la capitale, Washington.
« L’analyse d’une variété de facteurs et d’obstacles à l’activité des milices permet d’identifier les endroits à haut risque avant l’élection. Celles-ci incluent des endroits qui ont connu un engagement substantiel dans des manifestations de anti-confinement coronavirus ainsi que des endroits où les milices pourraient avoir des perceptions des activités de «coup d’État de gauche». Les espaces où les milices ont participé activement à la mise en place de campagnes de recrutement ou à la formation de leurs membres sont également exposés à un risque accru, tout comme les espaces où les membres des milices entretiennent des relations personnelles avec la police ou les forces de l’ordre ou où les forces de l’ordre peuvent avoir une attitude amicale envers la présence des milices ou leur activité. Dans le contexte des élections à venir, les États de transition sont également exposés à un risque accru, en ligne avec les études sur la violence et les troubles électoraux étant plus courantes dans les espaces concurrentiels » (les plus dangereux étant aussi les groupes s’affichant comme libertariens, opposés à toute emprise fédérale par définition).
« Enfin, les capitales d’État et les villes «périphériques» demeurent également des points d’inflexion potentiels importants pour la violence, en particulier dans les zones plus rurales et suburbaines qui ont été particulièrement propices à la création et aux activités régulières des milices. Les villes à population moyenne et les zones suburbaines avec des zones centralisées desservent également les sites d’attraction gravitationnelle majeure. Les obstacles à l’activité des milices, quant à eux, peuvent inclure des endroits avec une population écrasante de gauche et / ou de grandes populations qui ne soutiennent pas les milices. » L’article cite parmi les plus violents les Three Percenters, les Proud Boys, les Patriot Prayers, et les Boogaloo Bois. Les plus incontrôlables aussi !
Les cinq Etats à surveiller de près selon l’Acled étant: la Georgie, le Michigan (dans lequel notre groupe de kidnappeurs a été arrêté in extremis), la Pennsylvanie, le Wisconsin et l’Oregon. Ce sont ceux qui risquent le plus de prendre les armes en cas de victoire nationale de Joe Biden !
(1) en envahissant le capitole de Lansing, la capitale du Michigan, notamment, avant s’en prendre à sa gouverneure, Gretchen Whitmer.
(2) pour Republican In Name Only, à savoir « républicain de nom uniquement » terme péjoratif qui désigne au sein du Parti républicain américain les membres soupçonnés de « libéralisme », social ou économique, à l’opposé du conservatisme dominant. Trump les a appelés récemment en meeting « les pires personnes de l’espèce humaine », des « losers« , les taxant d’individus « nolife« . Pour Trump, les républicains du Lincoln Project, très actifs dans leurs clips vidéos anti-trump toujours fort bien ciblés en font partie. Ce sont eux qui on acheté les deux espaces publicitaires parmi les plus chers du marché en plein Times Square, pour moquer Jared Kushner et Ivanka Trump sur leurs déclarations à propos des new-yorkais , ce qui a mis en fureur Donald, pour qui ils sont intouchables.
L’un des exemples les plus notables de « rino » est Alan Specter, qui a commencé sa carrière comme démocrate, puis est rapidement devenu républicain, élu 5 fois de suite sous cette étiquette (député puis sénateur en 1980), et il est repassé ensuite démocrate toujours comme sénateur en 2009. Son parcours est très étonnant : il a été membre de la Commission Warren lors de l’assassinat de Kennedy, et y a soutenu la thèse invraisemblable de la « balle unique » baladeuse, et a aussi, on l’a vu, participé aux auditions du Congrès des milices après l’attentat d’Oklahoma. C’est lui qui avait notamment relevé l’antisémitisme du leader Norman «Norm» Olson (cf ici à gauche) . Ce dernier lui avait répondu par une provocation évidente, en citant le coup de la balle unique de Dallas !
Le maire d’El Paso, au Texas, Dee Margo, un des rares états à soutenir encore largement Trump a été lui aussi taxé de Rino par le blond incendiaire. La raison de la colère trumpienne contre un membre de son propre parti ?
Il avait tout simplement osé critiquer sa ridicule barrière : « La barrière s’est élevée, et la clôture a grimpé, mais elle ne mesure qu’environ 10 miles de long », a déclaré Margo. « Et la clôture totale dans le secteur d’El Paso est d’environ 78 miles. Et ce n’est pas continu. Maintenant, cela fait partie du processus de sécurité aux frontières, mais ce n’est pas la panacée totale. » On devient bien vite un rino avec Donald !
(3) Voici l’échange :
Trump: – Je dirais, je dirais que presque tout ce que je vois vient de l’aile gauche, pas de l’aile droite –
Wallace: Alors qu’est-ce que vous dites, qu’est-ce que vous dites
Trump: je suis prêt à tout, je veux voir la paix –
Wallace: Alors faites-le, monsieur –
Biden: Dis-le. Fais le. Dis-le.
Trump: Voulez-vous les appeler, comment voulez-vous les appeler? Donnez-moi un nom, donnez-moi un nom, allez-y –
Wallace: suprémacistes blancs et droite –
Trump: Qui voulez-vous que je condamne? Qui?
Biden: les Proud Boys
Wallace: les suprémacistes blancs et les milices de droite
Trump: Les Proud Boys? Qu’ils reculent et restent à l’écart, mais je vais vous dire quoi, je vais vous dire quoi, quelqu’un doit faire quelque chose pour l’Antifa et la gauche…
(4) « Un journaliste a exipliqué à Trump (le 10 aout 2020) que c’était une « croyance comme quoi vous sauvez secrètement le monde de ce culte satanique de pédophiles et de cannibales, cela ressemble-t-il à quelque chose dont vous seriez partie prenante ? » «Eh bien, je n’ai pas entendu ça, mais est-ce que c’est censé être une mauvaise ou une bonne chose, je veux dire, vous savez, si je peux aider à sauver le monde des problèmes, je suis prêt à le faire. Les commentaires de Trump arrivent le même jour où Facebook a supprimé près de 800 groupes, 100 pages et 1500 publicités liées à QAnon; Le mois dernier, Twitter a déclaré avoir supprimé plus de 7 000 comptes faisant la promotion de la théorie. Trump a également dit: « Je suis prêt à le faire. Et nous le sommes en fait. Nous sauvons le monde d’une philosophie de gauche radicale qui détruira ce pays et quand ce pays sera parti, le reste du monde suivra. »
docs à lire :
https://medium.com/militiawatch/revisiting-gsfiii-civil-disobedience-anti-abortion-activism-and-splinters-new-and-old-a87a8d5d7aa4
https://medium.com/militiawatch/the-uprising-the-boog-and-a-shooting-caea37ab11f3
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.