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Coke en stock (CCCXIII) : le premier jet et ses mécanos français

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Avant l’arrivée du Boeing plein de cocaïne à Tarkint, une autre arrivée par jet avait défrayé la chronique, déjà, avec un autre jet, certes plus petit mais il faut bien prendre conscience de son importance, car il relie à la fois les militaires narcos de Guinée-Bissau et ce même Boeing comme vous allez le voir et il implique également les mêmes acteurs français. L’un d’entre eux surtout, qui a toujours échappé à tout, pour le résumer, en passant par le Sénégal, le Mali, puis le Bénin et aujourd’hui… le Togo. Il fait désormais dans la quincaillerie, dit-il. La précédente consistait en bric à bracs en fond de hangars où l’on repeignait de vieux avions achetés une bouchée de pain… ou obtenus par d’autres méthodes comme nous allons le voir un peu plus loin ici. Qu’il n’ait jamais été inquiété davantage est de l’ordre de l’incompréhensible. Ce gars-là est béni des Dieux… aériens, ce n’est pas possible autrement !

L’affaire qui a tout révélé

Puis il y eut le « scoop »du « jet ». Souvenez-vous donc, c’était le 12 juillet 2008. Un Gulfstream II G1159B, datant certainement de la fin des années 60 (avec de vieux réacteurs Spey), s’était posé en Guinée Bissau, vite entouré de militaires du pays qui l’avaient délesté rapidement de son contenu, prétextant des « colis médicaux » à bord. L’avion était parti de Tocumen au Mexique avec un passage au Panama avant de traverser l’Atlantique (des informations relevées par les enquêteurs dans les téléphones satellitaires laissés à bord de l’appareil). Ses membres d’équipage s’appelaient Carmelo Vásquez Guerra (1) , Carlos Luis Justiniano Núñez et Daniel Aguedelo Acevedo (photographiés ici). A bord le chargement faisait 600 kilos et c’était bien de la cocaïne pure, découvrira-t-on plus tard. C’est le premier jet VIP à se faire pincer ainsi (depuis il s’en pose toutes les semaines des avions similaires, bourrés de coke, en Amérique Centrale, vous le savez (2).  Un avion … récidiviste du fait : dans le Palm de Carmelo Vasquez Guerra) on trouvera aussi le versement en sa faveur de 900 000 dollars et il en était à sa cinquième livraison du genre depuis le mois de mars !!! Ce n’était donc pas sa première visite !!! Des doutes avaient été rapidement émis sur le vieil avion, qui a été repeint à neuf, visiblement, et qui était resté bloqué sur place car il avait eu des problèmes techniques et a réussi à redécoller dans un premier temps mais à dû revenir se poser. Envoyé dans un hangar pour y être réparé, on avait découvert que c’est un avion qui a été effectivement maquillé et cloné, car c’est en réalité le N221SJ et non le N351SE existant : un troublant cliché retrouvé depuis en fait foi : c’est la photo prise le 12 février 2008 d’un Gulfstream arborant bien le numéro N351SE mais aux couleurs… du N211SJ (voir plus bas ici) !  Sidérante découverte et confirmation de l’intuition que j’avais eue : tout concordait, y compris le fait que les lettres couleur bordeaux paraissaient bien plus larges que les originales qu’elles recouvraient tout simplement !!!  C’était donc bien le fameux N211SJ !!! Cet avion a un cursus passionnant : exporté au Mexique le 12 juin 2007, devenu XB-KHU, vendu alors par Mobarak Aircraft en Floride, il avait déjà été saisi par les autorités vénézuéliennes et incorporé dans la flotte officielle de l’armée bolivarienne, pour trafic de drogue !

Très vite j’avais en fait eu l’intuition de cette origine, en comparant simplement des photos fournies par les vénézuéliens, que l’on commençait alors seulement à soupçonner de trafic massif de cocaïne. Mais à ce moment-là, personne n’osait encore incriminer le régime de Chavez, auréolé d’une gloire qui perdure encore chez les Mélenchonistes notamment, telle Clémentine Autain, qui refuse toujours de condamner le régime de Maduro !). Et pourtant… l’appareil, soupçonné d’avoir servi au trafic de drogue au Vénézuela, avait été carrément saisi et versé ensuite à l’armée vénézuelienne, qui l’avait rebaptisé 0010, pour s’en servir comme avion de VIPs pour ses généraux. Il avait été photographié à Caracas à La Carlota (General Francisco Miranda) en juin 2008 encore aux côtés d’autres avions officiels  :

Les visiteurs du soir

Ce jet, c’était bien le prototype de ce qui déferle aujourd’hui en Amérique Centrale !!! On avait bien tenté de le réparer, donc, mais grâce à une intervention extérieure saugrenue, appelée par celui qui surveillait son arrivée, installé sur place depuis des mois et rémunéré par les trafiquants : un dénommé « Camacho » qui avait créé sur place auparavant une fausse entreprise appelée Comec, bâtie en façade, rien que pour cela !!! L’homme étant… un colombien ! Des mécanos descendus le soir venu  deux jours après  l’arrivée du Gulfstream d’un vieux Fokker F-27 qui ressemblait plus à une épave volante qu’à autre chose, mais qui lui aussi est capable de traverser l’Atlantique car on l’aurait aussi aperçu à Recife au Brésil, venu prêter main forte à un Boeing 727 tout blanc cette fois. Le vieux Fokker ne tenait plus que par la peinture semblait-il. Ce bimoteur cacochyme modèle 27-200 de 1960 (bientôt 50 ans en 2009 !) était venu spécialement en express de Dakar, du Sénégal voisin, il appartenait à la société Africa Air Assistance (3) d’un certain Ibrahima Gueye, dont l’adjoint direct et associé s’appelait… Eric Vernet, un français. Le propriétaire du Cessna aperçu en Guinée-Bissau, installé à la fois à Dakar mais aussi à Bamako, avec son atelier où il repeignait ses divers appareils (ici à droite) !

Les tribulations d’Eric Vernet

La société Air Assistance Africa d’Ibrahim Geye et d’Eric Vernet évoluant entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire et après à Cotonou au Bénin où elle a effectué plus tard son repli et repris des activités pour le moins étonnantes (transporter des ministres…), dans un pays qui pour beaucoup vire lentement vers la dictature.« C’est seulement en décembre 2010 que le nom d’Ibrahima Gueye avait été publiquement cité dans l’affaire d’Air cocaïne (celle du Boeing, pas celle d’Afflelou, lire ici et noter le nom de l’avocat d’Eric Walter, toujours pas arrêté à ce jour : il est aujourd’hui ministre de la justice chez Macron !)) . « Enquêtant alors sur le mystérieux avions, les diplomates américains en poste à Bamako avaient écrit dans leur câble (Wikileaks) Air cocaïne, qu’un Boeing 727-200 « avait été affrété par Africa Air Assistance, la filiale dakaroise d’un avionneur basé à Malaga, (Espagne) », une société « qui a pour patron un Sénégalais du nom de Ibrahima Gueye. »

Du Sénégal au Mali, il n’y avait qu’un pas : « A Bamako, on pouvait donc admirer plusieurs avions en même temps devant le hangar de ce qui s’appelait alors Aero Services Mali : le fameux J5-GAS cargo (datant de 2002, ex Lanxer Cargo Lanzarote Aerocargo EC-IKM et Lanzarote Aerocargo D-FMCG, avec ici à gauche Vernet en visite en Irak avec l’engin (5) !) , le Navajo « d’origine », devenu TZ-ASM, un petit Cessna en réparation semblant immatriculé au Mali en « TZ  » (aperçu ici à gauche sur l’affiche du club de Cotonou avec une immatriculation béninoise en TY-CPV) et un Beechcraft connu lui aussi : le TZ-MAC (BB-1160) d’Aero Malian Company (devenue IBI Group SA), d’Ibrahima Diawara, sa dix-neuvième immatriculation (un appareil datant de 1983, ex N161GC). Ci-dessous une image composite à partir de 2 clichés montrant le nouveau tarmac du propriétaire (au Bénin) : on retrouve les mêmes qu’à Bamako (6) !!!

Pégase volait sous narcotiques

« Autre particularité du hangar, qui avait donc intéressé obligatoirement les services secrets américains, (et on suppose aussi après avoir été déménagé du Mali), le fait d’être toujours partagé entre IbiGroup et l’équipe de Vernet, la présence d’un Piper Cherokee venu en 2007 de Maubeuge, via Ouagadougou, et celui d’un Piper Pa-32 immatriculé au départ TU-TYM (de Côte d’Ivoire, donc, visible ici en vol en 2008) et ré-inscrit comme TZ-TYM, appartenant à Malian Aero. L’avion (parfois appelé TZ-MAB), longtemps resté sur place, a finalement été mis en vente et a trouvé un preneur inattendu en octobre 2017 seulement, avec le chanteur Salif Keita (4) qui l’a aussitôt baptisé « Pégase ». Un avion qui avait été refait à neuf dans le hangar d’Eric Vernet à Bamako, repeint à l’air libre…

« L’avion semble avoir ravi le chanteur roi de la musique mandingue, qui semble aussi avoir oublié qu’il a été accidenté le 30 août 1983 à Blairsville, en Georgie, aux USA, alors qu’il était sous l’immatriculation N8987N… L’avion, volé par un pilote de 30 ans, était tombé à l’atterrissage dans un fossé à Tonopah dans le Nevada : il emmenait à bord 500 kilos de marijuana ! L’appareil, peu abîmé, avait été racheté par l’aéroclub de Ouagadougou d’Arno Lescure (au Burkina voisin) !  Le Cherokee, il faut le savoir, a été vendu à partir de… 1965.  Le « Pégase » tant rêvé du chanteur est un vieux canasson cinquantenaire ! » On aura noté ici l’immatriculation de l’avion…en Côte d’Ivoire, justement. On regrette que nos deux journalistes n’aient pas songé à se pencher davantage sur le cas de « Pégase » sachant qu’ils mettent en cause, plus loin dans leur enquête, l’industrie musicale dans leur dossier.

A gauche c’est le J5-GAS abandonné longtemps à Bamako (ici le 4 octobre 2015) entouré des containers de l’intervention française Serval, qui a précédé Barkhane… Reparti aux USA chez Dodson le 17 octobre suivant, il a été racheté le 14 mars 2016 par IAL Corp qui l’a revendu à Catalina Air Transport LLC, à Long Beach le 25 avril 2017 qui en a fait le N9187.  Lire ici le chapitre « Retour sur le Boeing du désert : l’odyssée d’un gros Cessna » dans l’épisode « Coke en Stock (CCXLVII) : le chaînon manquant du trafic ou un autre Viktor Bout (h) ». 

Un yacht comme une voiture blindée

En Guinée Bissau, presque voisine de la Côte d’Ivoire, le trafic a duré et perdure toujours, hélas. « En septembre 2019, 1,8 tonne de cocaïne a été découverte dans des sacs de farine sur un bateau au large de la côte atlantique de la Guinée-Bissau, en Afrique de l’Ouest. Une autre énorme saisie avait eu lieu dans le pays plus tôt cette année, lorsque 789 kilos de cocaïne ont été trouvés dans le faux fond d’un camion » écrit Slate. Le camion aussi j’avais évoqué ici son importance, comme j’avais évoqué ici le rôle des dirigeants du trafic du pays dont celui enfin arrêté le 15 septembre 2014, sur son yacht de 35 mètres  l’al-Saheli (aux vitres teintées comme les Mercedes de mafieux !) : Jose Americo Bubo Na Tchuto (ici à gauche) ancien responsable de la Marine du pays (contre-amiral). A lui seul, il aurait amassé entre 200 et 250 millions de dollars dans ses coffres. Emprisonné seulement 3 ans, au Etats-Unis (ce qui pose question !) il est sorti de prison en octobre 2016. Le yacht semblait bien avoir été le Texas Star II (ici à droite) du narco-trafiquant sud africain Paul Leroux, arrêté en 2012 au Liberia, saisi par les narcotiques US, rebaptisé uniquement pour l’occasion et déguisé en bateau panaméen !!! C’était un piège total monté par la DEA !

Un peu de champagne ?

Voici comment il avait été attrapé « Le mardi 2 avril (2013), deux « narcotrafiquants » débarquent tranquillement à l’aéroport international de Bissau. Ils sont accueillis par le contre-amiral en retraite José Américo Bubo Na Tchuto. Depuis plusieurs mois, il négocie avec eux l’envoi de cocaïne sud-américaine vers la Guinée-Bissau. Ses interlocuteurs lui ont promis qu’il toucherait personnellement 1 million de dollars pour chaque tonne de cocaïne passant par la Guinée Bissau. Le lendemain, un bateau rapide vient chercher l’amiral et deux de ses collaborateurs  dans le port de Cacheu, situé à 120 kilomètres au nord de Bissau. Il est prévu de finaliser les négociations à bord d’un yacht battant pavillon panaméen, croisant au large dans les eaux internationales. Une fois à bord, l’amiral et ses adjoints sont arrêtés. Les « narcotrafiquants » sont en fait des agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) agissant sous couverture. L’opération qui a débuté en août 2012 avait pour objectif la neutralisation de l’amiral qui est considéré comme l’un des principaux trafiquants de drogue de l’Afrique de l’Ouest. L’amiral et ses hommes sont transférés sous escorte au Cap-Vert d’où ils sont exfiltrés vers New York. Vendredi 5, les protagonistes sont présentés à un juge qui ordonne leur incarcération sans possibilité de libération sous caution. Les Américains viennent de réussir une splendide opération d’infiltration comme ils en ont le secret. » A l’autre bout de la chaîne d’envoi, les colombiens avaient arrêté deux membres des FARC fournisseurs de la coke : Rafael Antonio Garavito-Garcia (el viejo) et Gustavo Perez-Garcia (gato) qui étaient sur liste rouge d’Interpol, eux aussi. Le juge new-yorkais chargé de l’affaire étant le redouté Preet Bharara. Na Tchuto ne s’était rendu compte de rien : quand les personnes sont montées à bord de son yacht, il leur a offert le champagne. Il s’est aperçu après qu’ils étaient de la DEA ! Dans le deal convenu il y avait des armes, dont des SAM pour détruire en vol les hélicoptères à défoliant anti-coca. D’où la diligence des USA à vouloir le serrer (comme pour Viktor Bout) ! Coke armes et terrorisme : le cocktail était parfait !

Drogue et criminalité intimement liées

L’ONDUC enfonce ici le clou dans son rapport de février 2013 : « il fut un temps où les trafiquants sud-américains préféraient apparemment expédier leurs grosses cargaisons de drogues par voie aérienne plutôt que par mer. L’affaire la plus connue est sans doute celle de l’ « Air Cocaïne » en 2009, impliquant un Boeing 727 retrouvé calciné dans le désert malien et soupçonné d’avoir transporté des tonnes de cocaïne. Des enquêtes menées ultérieurement suggèrent qu’il ne s’agissait pas d’un événement isolé. En 2010, un commissaire de police malien a été condamné du fait de son implication dans la construction d’une piste d’atterrissage dans le désert pour de futures livraisons aériennes. D’après l’Agence de lutte contre la grande criminalité organisée du Royaume- Uni (SOCA), un avion Beechcraft BE 300 en provenance de la République bolivarienne du Venezuela a atterri au Mali, près de la frontière mauritanienne, en janvier 2010. La cargaison a été déchargée puis transportée par un véhicule 4×4 en direction de Tombouctou avant que les autorités ne perdent la trace du convoi ». Ce second atterrissage resté bien mystérieux avait fabriqué diverses spéculations, moi-même ayant suggéré celui d’un Antonov 26 à la place. Comptons donc sur l’ineffable vice-président vénézuélien Tarek El Aissami  pour fournir l’engin, qui adore tant en montrer à la presse…

Autre affaire rocambolesque

« En Août 2012, un bombardier BD-700 a été saisi après avoir voyagé depuis Valencia (République bolivarienne du Venezuela) jusqu’au Bénin transportant 1,6 tonne de cocaïne. S’étant vu refuser l’entrée au Bénin, l’avion a finalement atterri aux Îles Canaries et l’équipage international a été arrêté par les autorités espagnoles. Dans toute la région à l’exception de la Guinée-Bissau, l’essentiel du trafic semble être contrôlé par des trafiquants nigérians. La plupart ont un statut de résident dans les pays où ils opèrent et utilisent des partenaires locaux, bien que les méthodes utilisées de manière générale soient typiquement nigérianes. Malgré tous ces incidents et les saisies effectuées récemment dans les Îles Canaries, les autorités vénézuéliennes et brésiliennes soutiennent qu’il y a aujourd’hui très peu de trafic de cocaïne par avion privé depuis leurs pays vers l’Afrique de l’Ouest »… L’avion décrit était le 9H-FED, d’Hyperion Aviation  bas au Malta International Airport.  Il était rempli de sacs de la Croix-Rouge renfermant les pains de coke (ici à droite). J’ai raconté ici son extraordinaire histoire, celle de son pilote pris en otage… avec une drôle de passagère unique à bord (Ryma Taouk). La filière remontait vers… la Belgique, avec le gang violent d’Ali Koleilat Dalbi.

Les rois du jackpot

Et le dossier de UNDOC de préciser les trois principaux trafiquants du moment : « plusieurs réseaux spécialisés dans le trafic de drogue par Cocaïne des Andes vers l’Europe, via l’Afrique de l’Ouest par avion ont déjà fait l’objet d’enquêtes, à l’exemple de ceux dirigés par les trafiquants suivants :

Jorge Solano Cortés, (ou Cortez, alias « Eugenio Arocho ») ancien membre du Cartel de Cali, l’un des tout premiers trafiquants sud-américains à faire transiter la drogue par l’Afrique de l’Ouest. Il a été incarcéré au Togo en octobre 2008, puis extradé vers les États-Unis, après avoir été arrêté avec six autres Colombiens, un Sud-Africain, un Ghanéen et deux Togolais, avec lesquels il préparait l’envoi de 500 kilos de cocaïne par avion depuis l’Amérique du Sud vers une piste d’atterrissage située dans le nord du Togo (Niamtougou). La drogue devait ensuite être acheminée par voie aérienne jusqu’à Lomé, avant d’être réexportée vers l’Europe dans des conteneurs maritimes ».  Cortès  est considéré comme l’un des véritables «pionniers» de la route africaine de la coca colombienne. Dans les années 1990, lui et le trafiquant américain Harold Ackerman dirigeaient une entreprise d’importation de légumes. La cocaïne était cachée dans ces expéditions. « Avec Solano, sept autres Colombiens sont tombés, un sud-africain, un ghanéen et deux togolais. Selon Ouro Agoro Seïdou, un responsable du groupe anti-crime organisé togolais, le réseau avait préparé l’installation de plusieurs sociétés écrans. « Si nous n’étions pas intervenus, ils seraient comme des rois », a déclaré le responsable à EL TIEMPO il y a une semaine. Il a été capturé alors que son organisation avait l’intention de transporter une demi-tonne de cocaïne par avion de Niamtougou à Lomé, la capitale du Togo« .

L’aérodrome minimaliste de Niamtougou (cf les clichés ici) était un endroit rêvé pour trafiquer avec sa piste unique et quasi aucune infrastructure aéroportuaire autour  (ni surveillance !) !!! Mais c’est Ackeman qui avait le plus endommagé le réseau une fois attrapé : « l’arrestation d’Ackerman à son domicile de 470 000 dollars à North Miami Beach il y a cinq ans a frappé le monde du trafic de drogue comme un tremblement de terre. Même dans le cartel très compartimenté, Ackerman connaissait presque tout le monde et tout. Les répliques ont finalement fermé les routes du cartel en Floride et ont poussé le Mexique au premier rang de la contrebande de cocaïne. Après qu’Ackerman ait été condamné à six peines de prison à perpétuité en 1993 pour son rôle de principal dirigeant nord-américain du cartel, il a décidé de parler. Et il ne s’est pas arrêté. Pendant quatre ans, il a aidé des agents fédéraux à décoder ses vastes livres financiers et disques informatiques, a expliqué les stratégies de contrebande du cartel et identifié ses collègues. Un coup particulièrement dommageable est venu lorsqu’il a déclaré aux procureurs que le cartel avait utilisé les États-Unis. des avocats pour préparer de fausses dépositions, payer le silence, relayer les menaces des chefs de cartel et suivre les affaires judiciaires des membres du cartel. Selon les procureurs, l’activité juridique avait un objectif principal: protéger les chefs de cartel en Colombie, les frères Miguel et Gilberto Rodriguez-Orejuela, des enquêtes menées alors en cours aux États-Unis » . « Arocho » Solano a pris 16 ans en 2010.  Ackerman, qui avait importé à lui seul 22 tonnes de coke a été condamné à la prison à vie…Deux de leurs avocats, Michael Abbell, 56 ans, du barreau de Washington, et William Moran, 58 ans, de celui de Miami, avaient aussi été condamnés à l’occasion. Une décision inédite !

Jesus Eduardo Valencia-Arbelaez (ici lors de son extradition), « impliqué dans l’affaire ayant abouti à la saisie de 600 kg de drogue dans un avion qui avait atterri en Sierra Leone en 2008, (notre fameux N3451SE) et arrêté en Roumanie en 2009 alors qu’il tentait d’acheter de nouveaux avions pour sa flotte dans l’intention d’expédier des chargements de plusieurs tonnes vers l’Afrique de l’Ouest. Lors de conversations enregistrées avec des agents infiltrés, il a déclaré utiliser un aéroport militaire de Guinée, d’où il aurait expédié des cargaisons de drogue vers la Guinée-Bissau et le Libéria ».

Walid Makled-Garcia (dit « le Turc », lire ici et aussi là) « qui serait, selon les autorités vénézuéliennes, à l’origine de l’essentiel du trafic aérien de cocaïne entre la République boli- varienne du Venezuela et l’Afrique du Sud de 2007 à 2009. Il était alors copropriétaire d’une grosse compagnie aérienne (Aeropostal) et d’une société de transport (Transgar), et possédait par ailleurs plusieurs entrepôts à Puerto Cabello. Il a été arrêté en Colombie en 2011 et extradé vers la République bolivarienne du Venezuela où il a fait l’objet de poursuites pour trafic de drogue, blanchiment d’argent et meurtre. Il a affirmé que la corruption de haut niveau avait facilité son commerce ». La corruption de l’entourage de Maduro, dont il a été proche !!!

(1) ce pilote particulier a un lourd CV en sa défaveur : ce vénézuélien sera impliqué plus tard en République Dominicaine en 2016 dans un autre vol de cocaïne (359 kilos dans… un Cessna 402, ci-dessus, saisi à la Romana) et l’avait déjà été également dans un autre vol « fondateur » du réseau international avec l’énorme saisie de 5,5 tonnes d’un coup dans le DC-9 à Ciudad del Carmen au Mexique en 2009.

 

(2) l’un des derniers en date nous a joué un tour pendable, sans avoir à être incendié ou s’écraser : le 24 septembre dernier, deux trafiquants venant de se poser à Chetumal au Mexique à bord de leur Hawker 800 immatriculé (faussement) N796CH, fraîchement repeint, venu de Toluca en passant par Ciudad del Carmen, dans le Campeche, voyant les inspecteurs s’amener pour leur demander ses papiers, et n’en ayant pas à leur proposer, l‘ont carrément abandonné tel quel sur place, devant un hangar. Intact, pour une fois !!! Ils sont partis en jetant les clés ?

(3) « Alors qu’il était bloqué à Bissau en raison de problèmes de moteur, un autre avion est arrivé de Dakar pour réparer le Gulfstream et l’emmener au Sénégal. Cette équipe de réparation et cet avion de sauvetage étaient employés par Africa Air Assistance, une entreprise basée au Sénégal qui avait également été désigné comme propriétaire du tristement célèbre avion 727 qui sera plus tard retrouvé abandonné dans le nord du Mali après avoir livré plusieurs tonnes de cocaïne à des trafiquants dans le désert sahélien. Des avions appartenant à Africa Air Assistance ou à ses propriétaires ont été photographiés en Afrique de l’Ouest, au Portugal, en Espagne et en France. Selon les rapports du blog bissau-guinéen, un avion a été aperçu en train de faire un atterrissage mystérieux dans un aéroport militaire de Bissau en octobre 2012″.

(4) qui a tenu depuis des propos sidérants : « adoptant une théorie complotiste, Salif Keïta s’en prend au président malien Ibrahim Boubacar Keïta le , et affirme que les djihadistes au Mali sont armés et financés par la France »…Depuis, IBK successeur du narco-tariquant ATT a été obligé de démissionner, et on attend ce que sera l’attitude des militaires maliens face à la lutte contre le trafic de drogue… qui est le moteur financier du jihadisme. Ce que l’intervention française a en fait grandement contrarié : « …l‘intervention française au Mali est venu compromettre tout le circuit. L’usage du mot « narcoterroriste » a remplacé « les djihadistes ». Dernièrement, Laurent Fabius a ainsi évoqué le risque, enrayé par l’intervention française, de voir la naissance d’un « Etat narcoterroriste » au Mali. Avant lui, François Hollande soulignait devant le Parlement européen que le terrorisme se nourrissait « du trafic narcotique partout dans le monde et notamment en Afrique de l’Ouest », dans une allusion sans ambiguïté aux adversaires militaires qui se sont réfugiés pour la plupart dans la région du massif des Ifoghas après la libération des villes dans le nord du Mali. » « La fin des années 90 et le début des années 2000 vont consacrer le Sahel comme la nouvelle plaque du trafic international, du fait d’une reconfiguration des routes de la drogue qui a fait que la « Highway 10″ (la route passant par l’Afrique et le 10ème parallèle) est beaucoup plus sûre que les liens maritimes liant l’Amérique du Sud à l’Europe », explique Samuel Benshimon, rédacteur en chef du site « Sahel Intelligence ». « 

(5)  L’avion lui avait été fourni par Anders I.B. Nielsen, un danois, qui était à la tête de Globe Air Service Ltd. et chez Newton Air, Ltd., mais aussi d’International Aviation College Ilorin Nigeria: il était alors domicilié à Dakar.. sur l’île de Ngor, au large de la presqu’île du Cap-Vert !!! L’école a été suspendue en août 2018 et Nielsen a tenté depuis de la refaire en Tanzanie. Interrogé par un confrère à propos de l’avion, dont les certificats de l’ADAC de Guinée Bissau avait été joints, Nielsen lui avait répondu : « Vernet n’a jamais possédé ou vendu cet avion. D’où avez-vous obtenu les certificats ??? »Alors que ces derniers étaient disponibles sur le net, signés au nom de Mariama Diuouf, la secrétaire de Africa Air Assistance qui habitait à Yoof !!! (cf  à droite ici les bureaux de AAA). C’est à Ngor qu’en 2009 sera arrêté le français Olivier Georges Nunez Hernandez directeur d’exploitation d’une carrière de granit avec 5 kilos de coke sur lui, sur le parking des taxis de Blessing, avec Tompson Anyiam et Félix Anyawu;les trois occupaient l’hôtel ‘’Le Virage ». A Ngor, une île célèbre, connue aussi pour la présence discrète…de France Gall, qui s’y était installée, pour la petite histoire. Le vieux routier du milieu aéronautique Anders I.B. Nielsen est une autre énigme non décryptée de cette affaire tortueuse. Pourquoi donc Nielsen proposait-il un poste de pilote sur Cessna 208B sur le trajet sensible Bamako-Fortaleza, pour un vol ferry seulement ???  Est-ce par là qu’est remonté le J5-GAS ?

(6) l’insaisissable Eric Vernet a encore changé de pays… et de CV. Il s’affiche désormais ainsi: « actuellement je suis manager d’une quincaillerie au Togo appartement au groupe Batimat plus spécialisé dans la gestion l’achat et l’optimisation des stocks. » Exit les voyages ministériels au Bénin en gros Cessna 208B (ou les tribulations de pseudo vedettes locales)  ! Quels étaient donc ses liens exacts avec le pouvoir de Patrice Talon et pourquoi a-t-il quitté le Bénin ?  On notera sur son CV successivement Aero services Mali, Swift air (le Boeing 727 incendié en provenait), Air taxi Bénin et ses publicités ridicules de St -Valentin (ici à gauche) ou sa toute nouvelle fonction, dans laquelle l’on retrouve la vente de… sacs de ciment, un produit qu’il semble très bien connaître !!! Il en transportait en avion en Guinée-Bissau.

Il s’est déjà glissé comme un poisson dans le pays : en avril 2018, déjà, il organisait un compétition de moto-cross, réunissant des jeunes du Bénin, du Burkina Faso et du Togo. Au Mali, avant de se faire expédier en prison avec l’assassin Miguel Angel Devesa, il avait fait de même avec le football, rappelez-vous  : « dernier samedi de février 2010. C’est l’effervescence dans les locaux de Germain Export, un consortium espagnol d’investissements installé dans l’immeuble UATT ((Union africaine de transit et des transports),  -la délégation de l’Union européenne y dispose également de bureaux-, dans le quartier d’affaires de Bamako. La presse a été conviée. Pour la première fois au Mali, une société étrangère s’intéresse… au football local ! À la clé, un chèque de quatre millions de francs CFA (en fait, l’équivalent de 6 000 euros) au profit de la ligue régionale de Mopti, dont le principal dirigeant est un intime du président de la République malienne, Amadou Toumani Touré, dit ATT… Le généreux donateur, l’Espagnol Miguel Angel Devesa, qui se définit comme un « acteur du développement » au Mali, dit alors vouloir construire des logements sociaux alimentés par l’énergie solaire. Il s’est installé dans le pays deux ans plus tôt. Quant au discours, c’est un Français qui ce jour-là s’y colle. Éric Vernay (en fait Vernet, au nom alors mal diffusé par les documents maliens… et Wikileaks !) , qui s’est présenté comme « l’administrateur du consortium », selon le témoignage d’un journaliste présent, est une figure de la communauté française au Mali et un acteur du monde aéronautique local ». Devesa, collègue de Vernet, étant celui qui a tué et découpé en morceaux à la tronçonneuse un autre collègue de gang colombien Juan Carlos García, alias « Johnny » qui souhaitait une part plus grande de gâteau et qu’ATT a fait libérer… avant qu’il ne révèle l’implication de l’Etat malien dans le trafic de coke. C’est lui aussi qui a tenté de ravitailler via un camion-essence le Boeing resté à sec pour tenter de le faire redécoller.

Document : un long texte expliquant la bascule vers le Sahel du trafic : il est signé Christophe CHAMPIN et il résume à la perfection le problème :

« Pour comprendre comment s’est opéré ce basculement vers le Sahel, il faut revenir dix ans en arrière. En 2003 précisément. Avant cette date, les saisies de cocaïne dans la zone sont marginales : en moyenne 600 kg par an pour l’ensemble de l’Afrique depuis 1998. Mais, cette année-là, la marine espagnole réalise une prise spectaculaire de 7,5 tonnes sur un cargo, le South Sea. L’ONUDC pense que la drogue a été transbordée à partir d’un autre navire dans les eaux de l’archipel du Cap-Vert. C’est le début d’une longue série de prises records. La liste est non exhaustive. En janvier 2006, la marine française intercepte le Master Endeavour, un cargo chargé de 1,8 tonne de cocaïne, dans les eaux internationales au large des côtes ouest-africaines. En avril de la même année, un navire transportant 2,3 tonnes de poudre blanche – dont la majorité a, soit dit en passant, disparu avec la complicité de membres des forces de l’ordre locales – accoste au port de Tema, au Ghana. En octobre 2007, la marine espagnole découvre 3,7 tonnes de coke sur l’Opnor, un bateau faisant route vers le Sénégal. En janvier 2008, une unité de la marine française prend en chasse le Blue Atlantic au large du Liberia : on y découvre près de 2,5 tonnes de cocaïne. Le même scénario se répète le 7 février suivant, près des côtes de la Guinée-Conakry, avec le navire le Junior et ses 3 tonnes de cocaïne.
À cette époque, les cartels colombiens privilégient la voie maritime pour acheminer leur marchandise vers l’Afrique, en vue de la stocker puis de la renvoyer en plus petite quantité vers l’Europe. Les années 2000 correspondent, en effet, à un boom de la consommation de cocaïne, dont le prix a été divisé par deux dans certaines villes du Vieux Continent.
Jusque-là, les États-Unis étaient le marché numéro 1. Mais, avec la chute de la consommation au pays de l’Oncle Sam, les organisations colombiennes et mexicaines décident d’explorer de nouveaux débouchés, notamment l’Europe, qui talonne désormais l’Amérique du Nord. Pour arriver à destination, la drogue traverse l’Atlantique par cargos, bateaux de plaisance ou porte-conteneurs afin d’accéder aux grands ports d’Europe du Nord (Rotterdam, Anvers) et d’Europe du Sud (Barcelone, Marseille, Gênes). Mais, face au renforcement du dispositif européen de lutte contre les stupéfiants, l’Afrique ne manque pas d’atouts. Ce continent fragmenté, proche du marché européen, rongé dans la plupart des États par une corruption endémique, apparaît comme une véritable aubaine pour les grands groupes criminels latino-américains. Ils commencent par lancer des navires à l’assaut de l’Atlantique qui font la traversée, souvent à partir du Venezuela, pour décharger leur cargaison en mer au large de l’Afrique sur d’autres cargos ou sur des embarcations plus légères qui déposent la drogue sur le rivage.
 
Toutefois, la multiplication des saisies par les marines européennes va conduire les trafiquants à se rabattre sur la voie aérienne. Dès 2005, des petits avions privés avaient commencé à faire la navette entre les deux rives de l’Atlantique, mais leur utilisation devient beaucoup plus systématique. En mai 2007, un Cessna 441 est ainsi intercepté à l’aéroport de Nouadhibou, en Mauritanie, avec plus de 630 kg dans ses soutes. En juillet 2008, c’est encore un Cessna 441, maquillé en avion humanitaire, qui est découvert sur l’aéroport de Freetown en Sierra Leone, transportant plus de 660 kg. En septembre de la même année, un autre appareil bourré de coke se pose à Boké en Guinée-Conakry, grâce à la complicité de membres de la famille de l’ancien président Lansana Conté. La cargaison n’a jamais été retrouvée. Plusieurs autres atterrissages ont eu lieu sur l’aéroport international de la capitale ou sur des pistes de fortune. En août 2012, un Bombardier BD-700 a été saisi aux îles Canaries, avec 1,6 tonne de cocaïne, après s’être vu refuser d’atterrir au Bénin.
Initialement, les experts estimaient que, une fois stockée, la cocaïne repartait via des passeurs au départ d’aéroports ouest-africains ou par la route, à travers la Mauritanie, puis le Maroc. Ce qui était effectivement le cas. Mais, à partir de 2009, les soupçons quant à l’utilisation alternative de la route sahélienne ont été peu à peu confirmés. »
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.

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