Parmi les visiteurs de Normandie, certains avions, on l’a vu, ont connu après guerre d’étonnantes carrières. L’un d’entre va nous intéresser particulièrement aujourd’hui, car c’est aussi devenu un visiteur régulier de la Manche. Leader d’une formation et emportant pour ça avec lui un dispositif particulier de positionnement par radar, il s’est retrouvé plus tard au civil dans une compagnie intérieure locale, desservant l’Ouest américain essentiellement. Une compagnie tombée sous la coupe de la CIA, ce qu’un particulier va découvrir fortuitement au Viet-Nam, en grattant un peu la peinture de l’avion qu’il venait d’emprunter…. Puis nous nous intéresserons à un autre visiteur venu du Nord, dont un collègue a disparu en 1952, alors qu’il effectuait une mission d’espionnage… de la CIA !
Une compagnie détournée (et pas la seule !)
Le C-47A-DL 43-30652 (13803), sorti en 1943, a été directement envoyé sur le front méditerranéen à la 12th Air Force (en Egypte, Libye, Tunisie, et Sicile). Puis il devient l’un des leaders des tous premiers avions du débarquement, arborant le stick W7 , « Whisky Seven » (N°37), qui a décollé à 21h 54 et qui largue à 01 h57 les parachutistes de la 82nd Airborne Division au-dessus de Ste-Mère Eglise lors de la deuxième vague d’avions.
Il est piloté ce jour-là non pas par le Lt.-
On remarque sur le premier cliché sa « baignoire », le surnom de son radar (fixe) bien visible. Un modèle SCR-717, d’un système Gee expliqué dans ce numéro de juin du Fana de l’Aviation,
en plus du Rebecca déjà décrit ici (l’appareil décrit est le 42-93098 de Joel Crouch). Le dispositif « Gee » permet de réaliser parfaitement la dernière boucle sur la gauche, au large de Guernesey pour la 101 ième ici en bas à gauche), avant de franchir la côte Ouest du Cotentin et de se diriger vers les lieux prévus. A gauche c’est l’écran de visualisation… à tubes, le transistor n’existant pas encore (il faudra attendre 1947 pour son invention par un spécialiste… des radars) !
A gauche ici, ses trois derniers virages balisés par les points « Reno » et « Mule Shoe » avant d’arriver au-dessus de la zones DZ-A. Il emporte des Pathfinders, ces parachutistes-éclaireurs envoyés pour permettre de baliser les lieux d’atterrissages pour les collègues : « Pendant une descente nocturne, 7 Pathfinders sautent avec deux lampes mobiles (également appelées lampes Aldis): les lampes sont placées au sol par ces 7 hommes en forme de T.
Le bas du T indique la direction du saut , la large ligne horizontale indique à partir de quel moment le saut doit être effectué (celle-ci à droite et celle à gauche permettent de faire du morse, à droite on peut voir les filtres). Les lampes sont allumées dès que le rugissement des premiers moteurs d’avion se fait entendre.
Ils se trouvent sur des chandelles télescopiques: ils sont ainsi facilement visibles depuis un avion et restent pratiquement invisibles depuis le sol. La dernière lampe est actionnée par un opérateur qui donne un signal morse à la lettre de la DZ pour donner à l’aéronef volant devant l’opportunité de reconnaître les différentes zones de largage. Les lampes ont des couleurs différentes selon les zones et les unités (vert) , ambre rouge) ».
A la fin du conflit il est transféré au 316th Troop Carrier Group, 9th Air Force, en Angleterre. C’est là qu’on prendra en photo tout le groupe juché sur l’appareil, une photo devenue célèbre et refaite en hommage, le 22 septembre 2014 à Ramstein (re) faite par l’U.S. Air Force 37th Airlift Squadron.
Dès 1945, le voilà doté d’une immatriculation en N65135, vendu à un « unknown owner ». En fait d’inconnu, c’est d’abord PCA (Pennsylvania Central Airlines) qui l’immatricule N65135, puis Summit Airways Inc. qui l’achète le 8 février 1947. Puis il devient, le 1er juin 1950 Frontier Airlines, société d’aviation qui en possédera 37, de C-47, achetés à l’armée entre 20 000 et 25 000 dollars chacun, et tous appelés « « Sunliner quelque chose » : le N-65135 était appelé Sunliner Montana par exemple. La société de vols intérieurs vers de petites destinations résultait de la fusion d’Arizona Airways, Challenger Airlines, et Monarch Airlines et elle a assuré 170 destinations durant ses 36 années d’existence. Aujourd’hui disparue (depuis le 2 août 1986), ses anciens employés, depuis longtemps, entretiennent un magazine (Frontier News) où ils échangeaient sans crainte de leur direction (ils s’appellent entre eux ceux de l’« Old Frontier Airlines » car une autre société (low-cost) s’est créée en 1996 avec le même nom ! (à droite le N64424, ancien 41-18386 de l’USAF). On y trouve cette perle : « j’ai reçu un email intéressant d’un fan anonyme. « Je regardais votre liste de numéros de queue Frontier et quelque chose m’est revenu. Personne ne s’y est probablement intéressé – mais un jour de 1966, je préparais des transports civils à la base aérienne de Cam Ranh Bay au Vietnam quand j’ai remarqué un DC-3 blanc (C-47 ou autre) sans nom peint dessus. J’ai laissé tomber la porte du passager et j’ai remarqué le mot Frontier sur les marches. J’ai toujours eu un intérêt pour Frontier, j’ai donc regardé de plus près et sous le mince couche blanche de peinture, l’ancienne de Frontier était visible. J’ai fait signe au copilote, qui était oriental, de faire le plein pour que je sache probablement qui exploitait l’appareil à ce moment-là, mais si tel est le cas, je ne m’en souviens pas maintenant – Jake Lamkins ».
Plus loin, un autre ajoute : « la simulation C-47 sur la page opposée (cf i ci à date) a été trouvée en ligne sans aucune information sur les raisons de l’utilisation du numéro 994. Frontier possédait un DC-3 / C-47 portant le numéro N-4994E, nommé Sunliner Missouri. Il a eu un accident dans GUP et l’agent de la station DEN, Ted Gregg, relate ce qui s’est passé à la page 58 de son livre «Frontier Days». L’auteur concluant qu’il n’a jamais su exactement ce qui s’était passé. Troublant !
Dans son live « Explosive Secrets of Covert CIA Companies », Rodney Stich explique l’emprise de la CIA sur les compagnies aériennes, grâce à une méthode bien rodée selon Gunther Russbacher et il cite en exemple Frontier Airlines : « Russbachcr a décrit la manière dont le système utilise des gardes-avocats à travers les Etats-Unis pour identifier les sociétés qui ont des actions importantes mais ont des problèmes de trésorerie
(à droite c’est le N64910, ex le « Sunliner Wilisston Basin » visible ici aussi). Les propriétaires de la CIA achètent les créances et la dette de la société et obligent les sociétés comparables à signer des papiers pour se mettre en situation de rachat si cela se détériore. La propriété exclusive de la CIA agit alors pour que cela se produise, après quoi les propriétaires perdent le contrôle » x (à gauche c’est John Myers, un des premiers employés de la compagnie, au hublot du « Sunliner Grand Canyon »,
le N75430 devebu Club Aire, qui se posera en catastrophe le 21 mai 1970 au départ de Pingo Airstrip, en Alaska, un atterrissage plutôt brutal (ici à droite) : on avait laissé tourner ses moteurs à vide trop longtemps, et ils ont manqué d’huile). « La CIA peut piller l’entreprise et la placer devant les tribunaux de faillite des chapitres 7 ou 11, où plusieurs options sont disponibles pour compenser les avoirs ou pour que la dette soit libérée. Russbacher a également évoqué la pratique connue sous le nom de «drop-offs» qui oblige les entreprises à entrer dans le chapitre 11, sociétés qui possèdent des actifs précieux qui manquent de liquidités.
Russbacher a décrit certaines des prises de contrôle de la société dans lesquelles il était directement impliqué, nommant Midway Airlines. Southern Air Transport et Frontier Airlines. Dans certains cas, la société ciblée serait liquidée et, comme dans le cas de Frontier Airlines, l’avion irait chez un propriétaire appartenant à la CIA.
Dans l’exemple de Frontier, la plupart des avions allaient vers le propriétaire de la CIA, Southwest Airlines ». Notre avion de la CIA déguisé en avion de compagnie aérienne locale est aussi devenu N414, autre suspicion, avant de passer canadien en CF-RTB puis en C-FRTB.
Et enfin chez Skycraft avec la même dernière immatriculation. On note l’équipement d’un radôme à l’avant, signe de la pose d’un radar météo (ici un AN/APS 113).
Après Skycraft, notre 43-30652 rejoint naturellement « son » musée : celui des « Sunliners » bien sûr au « Sunliner Air Museum Inc », de Glenn Dale, dans le Maryland affublé de l’immatriculation N345AB. On lui a fait une belle déco VIP vintage pour la circonstance avec lampe de bureau et petits rideaux « cosy » !!! Il restera parqué à Plattsburgh, dans l’Etat de New York. Il finit par être acheté par le « 1941 Historical Aircraft Group Museum » du National Warplane Museum de Geneseo (créé en 1994), état de New-York le 11 avril 2005. Là, il aura droit à une réfection méticuleuse pour en faire un avion en état de vol. Le musée détient le « Movie Memphis Belle » (le N°3470), l’autre, celui qui a aussi servi dans le film, l’ancien Sally B était devenu cartographe de l’IGN en France (N°8693), que j’avais vu enfant passer au-dessus de ma maison.
(Re)devenu Whiskey 7, W7-R), il est déjà venu chez nous en 2014 pour la commémoration des 70 ans. Le voici ci-dessus à Cherbourg-Maulpertuis, le 7 juin 2014 (photo Julien Villière). On notera le gouvernail peint différemment, ce qui semble proche de la décoration de l’époque. Le W7-S accroché à Duxford (43-15509 n’a pas du tout les mêmes coloris (ni les mêmes lettrages !).
Il y en a un qui a failli ne pas venir et un qui n’a pas pu venir…
Le 6 juin, il était arrivé à bon port à Duxford, comme le montre la photo ici à droite, le scandinave SE-CFP. Il y a un an, à Stockholm, il avait pourtant fait une belle frayeur à toute le monde après s’être rendu à Groningue aux Pays-Bas. Il venait d’y changer son moteur gauche, selon une procédure pas assez orthodoxe et ce dernier avait pris feu.
L’équipage avait aussitôt mis le moteur en drapeau et a activé le système d’extinction d’incendie, mais cela n’avait pas trop bien marché. L’équipage avait alors informé le contrôle de la circulation aérienne de l’incendie, et avait effectué une approche à vue, qui a été interrompue par une remise des gaz, puis avait glissé jusqu’à la piste opposée. Les freins n’avaient eu aucun effet pendant l’atterrissage. Le moteur encore en marche étant éteint, l’avion avait quitté la piste et s’était enfin arrêté. Pas de blessés, mais de lourds dégâts comme on peu le voir ici à gauche.
L’appareil scandinave, arborant la proue d’un drakkar et surnommé « Daisy », a une biographie bien classique: démarré militaire lui aussi et ayant fait le Jour-J comme les autres : Il a été fabriqué à l’usine de la Douglas Aircraft Company à Long Beach, au sud de Los Angeles, en Californie (ici à droite), en 1943, sous le numéro de série 13883, le 43-30732, c’est un C-47 A-60-DL Skytrain, la version militaire du DC-3 avec grande porte cargo, plancher renforcé et réservoirs de carburant plus grands. Livré le 5 octobre 1943 à l’armée US sous le numéro 43-30732, il est aussitôt basé à Oran en Algérie. Revenu en Angleterre pour le débarquement du 6 juin 1944, il largue la fameuse «Easy Company», qui deviendra le modèle de la série télévisée «Band of Brothers». Le 23 septembre 1945, il est renvoyé aux États-Unis et transféré à la Reconstruction Finance Corporation (RFC), chargé de revendre les surplus militaires.
Il devint alors civil, on lui change sa porte cargo et il retrouve des sièges plus confortables, chez Canadair, (au Canada donc) pour être acheté par a la Norwegian Aviation AS après cette conversion. Il devient d’abord norvégien, en LN-IAF et s’appelle maintenant« Nordfugl ». A la création de la ligne SAS, en 1948, par le Danemark, la Norvège et la Suède il devient alors « Fridtjof Viking », surnom qu’il porte toujours (cf ici à gauche). Il est vendu à ABA en 1957 pour être utilisé par la compagnie aérienne suédoise, Linjeflyg, avec l’immatriculation suédoise SE-CFP.
En 1960, « Daisy » est revendu(e) à l’armée de l’air suédoise, qui l’utilise de 1960 à 1982 sous la désignation Tp 79 (79006) à Bulltofta, puis Såtenäs, et Malmslätt. Il effectuera des missions humanitaires en Éthiopie pour la Croix-Rouge. En 1983, il est acheté par son propriétaire actuel, la Flying Veterans Foundation (Stiftelsen Flygande Veteranerin). Daisy est exploité par la Flying Veterans Association qui le retape et le 26 juin 1984 il retrouve le même état civil que lors de son passage chez Linjeflyg, SE-CFP. Et un drakkar, c’est normal, ça attire toujours les normands: la preuve (ici c’est à Duxford) :
Drôle de civil
Mais c’est un autre scandinave qui va davantage nous intéresser aujourd’hui : celui-là, on ne risquait pas de le voir en Normandie, et vous allez comprendre pourquoi. C’est un exemplaire construit en 1943, numéro de série 42-5694 cette fois. Il est arrivé au 15e escadron de troupes de l’USAAF (le Y9) stationné sur la base de la RAF de Barkston Heath, qui recevait les avions de Sicile destinés à préparer le débarquement. Après sa participation – discrète- au conflit, le 5 février 1946, il s’envole de la base aérienne française d’Orly pour Bromma en Suède, à l’ouest de la ville de Stockholm, en passant par Hanau (proche de Francfort).
Le 18 mai 1946, il est y immatriculé en tant que SE-APZ, un avion civil appartenant au transporteur scandinave Aero AB, ou SILA (cf ici à droite, appelé alors « Pollux »). Un contrat de vente a été signé le 9 décembre 1948 par la SILA et par la KFF (administration royale suédoise de l’aviation) le 16 décembre 19484. Le prix total pour les 79001 et 79002 était de 285 000 couronnes suédoises. Notre avion civil ne va pas toujours le rester comme on va le voir. Les couronnes investies sont destinées à une opération secrète, chapeautée par la CIA.
Les avions de l’armée suédoise ne portent plus, on l’a vu, de camouflage ni de décoration. Chez ABA, ce n’est pas beaucoup plus expansif comme le montre une publicité et comme on peut le voir sur l’avion lui-même (ici à gauche). La Suède, qui sera plus tard embarrassée par la présence constante de sous-marins soviétiques dans ses fjords (1), travaille déjà la main dans la main avec la CIA. Sa neutralité si vantée partout a en fait déjà volé en éclats.
L’annonce, en juin 1952, d’exercices militaires avec la présence du croiseur “Sverdlov” de 210 m de long et bardé de radars plus celle de la construction d’une station radar sur la côte de Liepaja en Mer Baltique, inquiète et il est décidé d’envoyer un avion-espion discret.
Des vols de reconnaissance photographiques ont déjà eu lieu auparavant : en 1948, un Mustang (S 26 suédois) piloté par Fredrik Lambert-Meuller avait survolé le territoire russe (pilote expérimenté, on lui avait confié le test et le convoyage, le 24 avril 1945, duMesserschmitt Bf 109G-10 d’un déserteur allemand !),
et l’année suivante c’est un Spitfire (modèle S 31, un Mk. XIX) piloté par Ingemar Wängström (sur la photo à droite le Spitfire espion côtoie un DC3 « neutre »!!!).
L’avion choisi cette fois c’est le SE-APZ en fait le TP 79, 79001 appelé «Hugin» débarrassé semble-t-il de ses signes distinctifs (pas tous comme on va le voir). Mais il n’était pas le seul sur les rangs, comme on l’a vu, il y en avait un second: le 79002, surnommé «Munin». Car cette fois, il ne s’agît pas d’aller photographier mais d’aller écouter… les fréquences russes !
A bord de ces deux avions, on trouve donc logiquement des antennes un peu partout : l’avion est devenu un vrai hérisson ! Certaines montées dans des excroissances protectrices en forme de dôme, deux sur la face supérieure du fuselage et deux sur la face inférieure de l’aile médiane.
Elles alimentent en données et captations des appareils disposés partout sur des étagères à l’intérieur de l’avion, comme on peut le voir sur le 72002 avec un radio à leur côté. Chaque « bloc » d’étagères dont s’occupe un des quatre spécialistes est rempli d’appareils divers d’écoutes, comme on peut s’en apercevoir ici également à droite. L’avion est bourré d’électronique… à tubes encore à ce moment là. Il a dû gagner en poids (sur les étagères, c’est tout un lot de radios américaines APR4 d’Hallicrafters, comme celle-ci)) !
Dans un radôme modifié à l’avant est située une antenne dont on peut modifier l’angle de captation. Sur la photo de dessous, ici à gauche, on distingue le radôme ventral et les deux plus petits sur le dessus. A bord, il y a huit membres d’équipage, trois de l’armée de l’air suédoise et cinq de la Defense Radio Department. Dans le cockpit, il y a Alvar Älmeberg, pilote et commandant de l’avion, et Herbert Mattson, un ingénieur technicien, comme navigateur et il avait radio Gösta Blad. Les cinq officiers des services de renseignements étaient l’officier Einar Jonsson, dirigeant la mission (les quatre à l’avant de l’avion) et les officiers d’écoute Ivar Svensson, Börge Nilsson, Erik Carlsson et Bengt Book (les quatre ci-dessous, installés dans l’arrière du fuselage, une maquette de musée montre comment ils étaient disposés)
Ils ne reviendront pas vivants : le 13 juin au matin, lors de leur mission, ils croisent en vol un MiG 15 qui a décollé d’une base aérienne près de Riga, avec comme pilote Grigorij Ozhinsky, un pilote qui a obéi immédiatement aux ordres donnés par le général Fiódor Shinkarenko, dirigeant des forces de la Baltique, ceux d’abattre sans sommations l’avion espion, avec une salve de 160 projectiles de 23 et de 27 millimètres (à gauche le rapport sur la catastrophe montre ses impacts). L’aile gauche a été atteinte, elle est en feu et elle est au bord des séparer de l’appareil. Celui-ci plonge dans l’eau à 11 h 28, cinq minutes après avoir été touché. A l’impact les deux moteurs se séparent, l’aile gauche se replie le long du fuselage, qui est broyé sur toute sa longueur. A bord, ils n’ont eu aune chance.
En Suède on ne sait encore rien (pas un son n’a été émis, du moins c’est ce qui est dit à ce moment-là), et ne voyant pas l’avion revenir, des secours sont envoyés, deux hydravions Catalinas notamment : l’un d’entre eux essuie des coups de feu de navires russes et tombe à l’eau, ses occupants sont sauvés par un cargo allemand (le «Münsterland»).
Ce qui crée un incident diplomatique (mais pas le premier incident, qui reste secret pour l’instant, personne n’ayant intérêt à en parler !). Il faut attendre quatre ans pour que Nikita Khrouchtchev en personne avoue en secret au premier ministre suédois Tage Erlander que c’est bien un MiG qui a abattu l’avion. Il faut attendre encore 1983 et la parution d’un livre, « Flygaren som försvann » (« Le pilote disparu »)
pour que le grand public apprenne que la Suède espionnait pour l’Otan, avec du matériel britannique d’écoute à bord de ce avion (celui sur les étagères est américain, les anglais ont du Ferranti notamment !). L’auteur n’est autre que Roger Almeberg, le fils d’Alvar, le malheureux pilote : il avait trois ans à peine lors du décès de son père ! Ce n’est qu’en 1991 que le pays saura enfin la vérité sur son sort !!!
L’appareil reste oublié au fond des eaux jusqu’en 2000, où un pilote passionné, Anders Jallai (ancien pilote du fabuleux JA 37 Viggen), en collaboration avec l’historien Carl Douglas et Ola Oskarsson de Marin Mättaknik (depuis « MMT Group » ») commencent à sonder les fonds avec leur navire «MS Triad», et tombent d’abord sur un sous-marin russe… de la Première Guerre mondiale (le S7).
Mais, obstinés, ils finissent par le trouver, le 10 juin 2003, après 47 jours de recherches à 126 mètres de profondeur, au nord-est de Gotska Sandön. Ils balisent l’endroit et le gouvernement décide (enfin) de le remonter en 2003, en envoyant navire spécialisé, l‘HMS Belos qui le remonte en trois morceaux le 19 mars 2004 (ci-dessus à droite). Ci-dessous Alvar Älmeberg, Gösta Blad, Einar Jonsson and Herbert Mattsson :
La chute a été d’une extrême violence, très certainement à la verticale. Les moteurs sont loin, l’un, le droit, est à 200 mètres du fuselage, le gauche et son hélice sont à 70 mètres dans l’autre sens. Les morceaux sont d’abord ramenés sur la base navale de Muskö naval base puis disposés au Swedish Air Force Museum, de Linköping le 13 mai 2009.
Quatre corps, ou le peu qu’il en restait, sont identifiés lors de la remontée : les restes du pilote, Alvar Älmeberg, de l’officier d’écoute, Gösta Blad, du chef de groupe Einar Jonsson et du technicien Herbert Mattsson, tous à l’avant. Pour ceux restés à l’arrière, Bengt Book, Börge Nilsson, Erik Carlsson et Ivar Svensson, ils sont toujours comptés comme disparus. Le pilote russe Grigorij Ozhinsky, ayant déclaré avoir vu des parachutes en l’air, on suppose qu’il aient pu sauter…. et qu’ils aient pu aussi finir donc un goulag, car les premiers bateaux arrivés sur place étaient soviétiques… autre découverte embarrassante à bord, faite par Anders Jallain celle d’un neuvième parachute à bord. Pour lui, celle d’un passager… américain, de la CIA, un homme jamais décrit par ailleurs.
(1) ils ignoraient que parmi eux il y avait aussi un visiteur américain...
documents :
- la découverte de l’épave du DC-3 :
2) la reconstitution de l’attaque du MiG :
3) le rapport complet de la découverte (avec plein de photos des débris retrouvés, dont des parachutes intacts et un dinghy non gonflé (passionnant document !).
https://www.jallai.se/wp-content/uploads/2010/03/haverirapport_100dpi.pdf
4) Staline ne rigolait pas en effet : le même jour que l’attaque du DC-3 suédois a eu lieu, le 13 juin 1952, une superforteresse RB-29 de l’armée de l’air américaine (immatriculée 44-61810 dans l’armée), celle du 91e escadron de Reconnaissance Stratégique, basée à Yokota (Japon), a été aussi abattue par des chasseurs soviétiques dans la mer du Japon, à 30 km des côtes soviétiques, près de Hokkaido. Les deux pilotes soviétiques Fedotov et Proskourine, à bord de MiG-15, raconteront qu’ils l’ont intercepté dans la baie de Valentin, à neuf milles des côtes soviétiques et que le B-29 (il était non armé, dépourvu de tourelles de tir du B-29) leur avait tiré dessus. D’après les archives américaines, l’avion participait effectivement à une mission de surveillance classifiée des activités de transport maritime au-dessus de la mer du Japon.
Pendant le vol, il avait été suivi par un radar jusqu’à 13 h 20, heure à laquelle le contact radar avait été perdu. Des radeaux de sauvetage vides ont été repérés par un avion de recherche US le lendemain. Le 16 juin, Radio Moscou faisait dans la fake news en déclarant qu’un officier US survivant avait été repêché par un navire russe, mais cela ne conduira à rien de tangible. L’équipage était composé de Sam Busch, Robert J. McDonnell, Roscoe G. Becker, Eddie R. Berg, Leon F. Bonura, William R. Homer, Samuel D. Service, James A. Sculley, William A. Blizzard, Miguel W. Monserrat Danny Pillsbury et David L. Moore. Répertoriés depuis comme disparus (MIA, Missing In Action) et depuis lors tous « présumés décédés« .
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.
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Parmi les visiteurs de Normandie, beaucoup d’anciens avions… de la CIA ! (3)