Je ne vous apprends rien en vous disant que j’adore l’aviation. J’ai donc été ravi tout le week-end, en observant à distance le ballet aérien qui s’est déroulé sur nos côtes normandes pour célébrer comme il se fait le 75 ième anniversaire du débarquement. Cette année, l’avion principal du débarquement, le célèbre DC-3 Dakota était venu en force, avec pas moins de 15 appareils pour les seuls américains (1), leur venue étant appelée obligatoirement « Daks over Normandy » (2) qui compte même un français comme organisateur, l’angevin Frédéric Malleret (3). Le DC-3, je vous en ai parlé souvent ici, mais pour un autre usage : celui d’être l’un des avions à avoir été le plus utilisé par la CIA. Alors l’idée m’est naturellement venue d’aller vérifier si, parmi nos visiteurs, il aurait pu y en avoir quelques uns. Et comme vous allez voir, c’est assez surprenant…. en effet !
Commençons d’emblée par le plus évident d’entre eux. Le premier du lot visitant notre bon pays est un avion portant… une livrée civile (ici à gauche en 2017) : c’est le C-53-DO Skytrooper (« Spirit of Benovia ») N8336C. Lui n’a pas fait du tout la Normandie en 1944 : il a été envoyé très tôt en Orient vers Karachi, en août 1942, parti de Santa Monica puis WestPalm Beach, au nom de la Royal Air Force (N°FJ712), puis a été transféré au 1st Troop Carrier Squadron, 10th Air Force, de l’USAAF en décembre, direction la Chine, où il devint un temps l’avion personnel du général Claire Chennault
(des célèbres Flying Tigers, ici à droite, sa femme Anna, était surnommée « Le papillon d’acier « qui est visible ici). Et celui aussi de Whiting Willauer (l’homme de la CIA, fondateur du CAT en 1946 avec justement Chennault !), un organisme pour transporter surtout des armes et Chiang Kai-Chek sous l’étiquette du Civil Air Transport à Beijing, Taipei, ou a Formose. Willauer deviendra ambassadeur au Honduras de 1954 à 1958 et au Costa Rica de 1958 à 1961 : c’est lui qui a orchestré l’éviction d’Arbenz au Guatemala !!!). L’appareil du jour, encore blanc en 2017, a été repeint en 2018 aux couleurs du CAT :
A l’évidence, au CBI,(China Burma India Theater), avec de pareils CVs, l’avion a obligatoirement servi à des opérations clandestines de la CIA en Chine, pendant une bonne dizaine d’années, échappant aux radars des listings officiels (on en a retrouvé certains tel celui-ci-dessous à gauche).
Lire pour s’en convaincre le rapport des activités clandestines sur ces opérations (extrait ici à droite). Les avions transitaient par le Cambodge à Bangkok ou le Laos et Viet-Nam.
Ce rapport ajoute un troisième responsable important : Tommy Corcoran, alias « Tommy the Cork », fort proche des thèses de l’extrême droite (et mêmes aux sympathies fascistes) et pourtant conseiller de Roosevelt, et en même temps ami de l’industriel Kaiser, fabriquant de Liberty Ships, et de Lyndon B. Johnson.
Parmi les hommes de Corcoran on trouvait Paul Helliwell, E. Howard Hunt, Mitch Werbell, Lucien Conein, John Singlaub et Ray Cline, tous de la CIA ! Ils avaient fait venir de Manille 5 C-47 et pas moins de 18 C-46 !!! Plus tard, les appareils deviendront Air Asia (une subdivision en fait d’Air America !), qui se retrouvera mise en vente en 1975 et achetée par E-Systems Inc de Dallas, pour 1,9 million de dollars alors qu’elle faisait 12 milliards de dollars de business la même année… un vrai cadeau !!! En 1995, Raytheon en offrira 2,3 milliards !!!! L’espionnage rapportait aussi (à certains seulement, c’est évident) ! On remarque en tout cas l’extrême indigence de la décoration extérieure des appareils, qui cherchent en effet à se faire les plus discrets possible:
La même année, tiens, notre « Dak » devient avion pour VIP, avec un superbe intérieur (cf les deux clichés ici). Converti par Executive Aircraft Services,
il devient le N8336C, puis passe brièvement en mai chez Vulcan Materials Corporation, en juin chez Southern Airways, et en 1962 chez Mead Corporation, où il devient N147M :
En 1969 il entre chez Ohio Aviation Corporation, à Vandalia, puis en mai chez Tecumseh Products Corporation, à Tecumseh, (dans le Michigan) et prend l’immatriculation N943DJ, avant de finir un temps au musée de l’aviation de Kalamazoo. En 1993, il en ressort pour jouer dans un film (« Richie Rich », avec l’insupportable Macaulay Culkin, où il est le « Billion Dollar One » ici à droite) remis à neuf à l’occasion par Basler Flight Services, à Oshkosh,
et il est racheté par Donald Jones, de Fond du Lac, dans le Wisconsin (où l’on fabrique les moteurs de bateau Mercury), et pour lequel il reprend l’immatriculation N943DJ,
et s’appelle désormais »Spirit of Enterprise », puis repasse chez MA Inc à Oshkosh pour être vendu en 2009 à Joe Anderson, de Santa Rosa en Californie qui le revend la même année à JM Air LLC, à Phoenix. On le verra devant le hangar de Kaiser Air en 2010. On le reconnait à ses trappes de train inhabituelles sur un « Dak », et à ses capots moteurs plus enveloppants : en fait un kit, apparu plus tard, appelé Maximizer, signé Air Research.
Le nom de la société d’enregistrement (JM Air) est celui de la propriété vinicole de ses derniers acheteurs Joe Anderson et Mary Dewane, les fondateurs de Benovia Winery, qui font pousser du Pinot noir. Ils l’ont inscrit sous le nom de JM Air LLC comme on l’a vu et l’ont donc repeint récemment dans une livrée célébrant … la CIA en Chine ! Une cuvée spéciale de vin (ici à droite) a bien sur été éditée pour le 75 ième anniversaire du D-Day ! Sur le côté de l’avion, on aura remarqué le tigre dessiné, celui de Chennault (à l’avant aussi figure un superbe dragon chinois) !
CIA Doll ?
Le C-53-DO Skytrooper 42-68830, présent aussi à Cherbourg, surnommé « D-Day Doll » (N45366), est lui aussi un avion qui connut une période floue dans sa carrière. Vétéran de Normandie, des opérations suivantes Covert Garden, Repulse, et Varsity, il avait été affecté au 434th Troop Carrier Group, 72nd Troop Carrier Squadron Aldermaston, pour la RAF. Dès le mois d’août 1945, le voici récupéré par un « acheteur inconnu » pour devenir NC45366, loué à Penn Central Airlines, où il s’appellera « City of Toledo », il passe chez Capital Airlines…
Il y reste de 1948 à 1959, or c’est une société qui figure sur la liste des entreprises travaillant pour la CIA (elle est citée notamment par Rodney Stich dans « Those Ugly Americans: 20th & 21st Centuries » et dans la liste tenue par Wayne Madsen, l’auteur d’une biographie sulfureuse d’Obama, révélant ses liens directs et gênants avec la CIA, via ses grands parents).
Après ce n’est guère mieux, ça reste flou, il devient Crucible Steel of America (firme très liée à l’US Air Force), et en 1965 Palm Beach Yacht Sales, par Penio Air Inc, Memphis, en 1966, Texas Acft Lsg Co Inc, à Dallas, en août 1969 et Penio Inc, Memphis, Tennessee en 1969, pour atterrir dans les années 70 chez Jim Hankin Services à Jackson, Missouri. L’un de ces DC-3 (le N842MB) a vu en 2001 son moteur droit prendre feu en vol et carrément tomber au sol : l’avion avait réussi à se poser.
Lui-même est lié à Sobelair, qui a racheté le OO-TBA belge (le 42-92378, devenu FZ617 de la RAF, le 30 janvier 1944 et qui deviendra par la suite KLM et deviendra N94530, puis N3BA en 1999. L’une des dernières photos -en 2012- montre l’avion abandonné au 32°20’22.2″N 90°13’43.3″W en bordure de piste au Jackson Hawkin Field, aérodrome lui aussi abandonné depuis.
Notre numéro N45366 passe lui chez Bay Airways, de Cambridge (Maryland) et Florida World à Fort Lauderdale et Shawnee Airlines, à Orlando, entreprise à la réputation désastreuse.
Un DC-3 de Shawnee s’est en effet écrasé près de West Palm Beach, en Floride le 27 décembre 1973 : le N19428 (ex42-68721 dans l’armée, numéroté 11648 qui était loué à Aviation Sales & Service Inc lors d’un vol Orlando -Nassau, dans les Bahamas, les réflexes du pilote sauvant l’avion, et ses passagers. Les survivants s’étaient photographiés candidement (ici à gauche) devant l’appareil resté au sol, enfoncé dans des taillis : ils venaient d’inventer en quelque sorte le selfie, avant même d’avoir des portables !.…
L’avion en était alors à son troisième crash après celui de 1964 où il avait embouti un avion au sol et celui de 1965 où des passagers qui n’avaient pas attaché leur ceinture avaient subi des turbulences.
Le N45366, lui, n’en a pas encore fini des changements de propriétaire puisqu’il prend ensuite les couleurs de Transexecutive Aviation, en Pennsylvanie et en 1982 chez H. Hefley, Kansas City, qui le loue à Harvest Fields Missionary. Les religieux utilisent aujourd’hui un autre, le N500MF le N°43-49786. Lui a changé 12 fois d’immatriculation, dont Air Kenya sous le sigle 5Y-BNK/ZS-OBU. Dans un site spécialisé renommé, PPrune, un pilote intervient pour affirmer qu’on lui a dit que leur avion avait aussi volé pour la CIA… Encore un ! Notre « Dak » lui est acquis en 2001 par le 101st Airborne Club de l’American Airpower Heritage Flying Museum et c’est le Commemorative Air Force-Inland Empire Wing, à Riverside Municipal, en Californie qui le fait voler depuis, en choyant régulièrement la mécanique. Il a un peu changé de livrée, son M2 peint sur le fuselage a été remplacé par un CU mais a gardé son emblème de nose art. C’est une entreprise de bénévoles qui a besoin d’argent pour l’entretenir régulièrement : en 2015, pour changer un moteur, elle avait dû faire appel à des dons : cela coûte en effet 50 000 dollars !
Pas vu pendant 50 ans
Honneur cette fois au premier de la bande celui qui guidait les autres lors de l’événement du week-end dernier. C’est un C-47A-40-DL Skytrain, le n°42-24064 nommé Placid Lassie. Il était déjà venu en France en 2014 pour le 70eme anniversaire du D-Day. Il se fait remarquer par ses moteurs qui ont chacun un nom : à gauche c’est « Idling Ada », à droite c’est »Eager Eileen » !!! Un des 832 Daks ayant volé le 6 juin, celui du 74th Squadron, 434th Troop Carrier Group du IX Troop Carrier Command basé en Angleterre à Aldermaston. Par une longue route particulière celle du sud, pour venir en Europe, il avait fait Miami, Puerto Rico, puis le Brésil, et la traversée vers le Sénégal, puis le Maroc et l’Espagne pour rejoindre l’Angleterre !
L’occasion de tester un dispositif particulier : celui d’ajouter des réservoirs d’ailes…. en tôle, donc, dans le fuselage, sur un côté à la place des sièges (ici un au fond de l’eau), pour pouvoir traverser l’Atlantique. Amovibles, ils étaient enlevés dès l’arrivée. Il participera aux trois autres grands parachutages, Market Garden, Operation Repulse – sur Bastogne et Arnheim – et Varsity.
Légérement accidenté à Gelnhausen, en Allemagne le 3 avril 1945, vite réparé, il a été mis au rebut le 14 juillet 1945. Il sera vendu en 1947 à West Coast Air Lines (ici à gauche, plus tard Air West) pour devenir civil en NC74589. Pendant près de 50 ans, pas moins (de 1942 à 1992), il y a un trou noir comme propriétaires: largement de quoi occuper l’espace des opérations louches !!! Cinquante ans !
Un de ses pilotes se rappelle heureusement l’avoir fait voler pour Express Air Cargo (devenu Belly Up) à partir de l’aérodrome du Donaldson Center à Greenville, en Caroline du Sud : « nous avons volé partout dans ce bel avion. (Amérique du Nord et Amérique Centrale) » écrit-il, sans préciser pour quoi faire exactement.
On se doute un petit peu de où il a bien pu aller. Au Honduras, on en a vu plein se poser durant les Contras, devenus « tout métal » (comme ici à gauche). En Amérique latine s’ajoute le problème de la drogue dans les années 80, et le C-47 fait bien sûr partie des transporteurs. « Au milieu de 1982, l’armée colombienne découvrit qu’un C-47 s‘était écrasé au fond de la jungle » raconte ici wwiiafterwwii dans « 1980s drug war: WWII gear used ».
« Deux corps en décomposition se trouvaient dans le cockpit et la cabine était pleine de drogue. On pense que le C-47 était celui dont l’enregistrement civil aux États-Unis auprès de la FAA avait expiré en 1980. Le 1er juillet 1982, un C-47 s’est écrasé sur l’île Berry aux Bahamas. L’avion n’était pas immatriculé et volait sans plan de vol. Les deux corps à bord avaient des permis de conduire de la République dominicaine. Il y avait aussi à bord 312 livres de marijuana ». A droite un C-47 abandonné par les trafiquants au Queen Beatric Airport, à Aruba, après une enquête sur ses livraisons de drogue. « Le 4 octobre 1983, un avion C-47 a été abattu par l’armée nicaraguayenne près de Rio Blanca. L’avion tournait au moment où il était engagé par un missile sol-air SA-7 «Graal» tiré par l’épaule. Toutes les inscriptions et tous les numéros de série avaient été nettoyés du Skytrain. On ignore si l’avion transportait des armes pour les rebelles de la Contra, de la drogue ou les deux; comme l’ont souvent fait les avions de ravitaillement Contra. La guerre des Contras et la menace de la drogue des années 1980 se sont toujours mêlées ».
La CIA en utilisait, et on en a donc logiquement vus aux mains des Contras :« Un avion «caméléon» C-47 portant diverses inscriptions était connu pour faire des boucles presque deux fois par mois entre les États-Unis et l’Amérique centrale en 1984. Il a ensuite été localisé comme appartenant à Eden Pastora, un général communiste nicaraguayen qui a changé de camp en 1983 et a rejoint les contras. Pastora a financé l’avion via les comptes bancaires de George Morales, un prétendu chef de file de la cocaïne colombienne (à gauche Adolfo « Popo » Chamorro Caesar, trafiquant notoire, posant sous l’aile d’un DC-3 à l’Hotel Hacienda San Pedro San Marcos, peut-être bien celui de Pastora). « Le sénateur John Kerry, alors sénateur, a laissé entendre que l’avion de la Seconde Guerre mondiale transportait des marchandises de la CIA vers les Contras, puis que des narcotiques se dirigeaient vers le nord. Cet avion a disparu dans les années 1980 et est supposé s’être écrasé quelque part sur son parcours.
Le 10 mars 1987, un chasseur Mystère a abattu un C-47 appartenant à la compagnie aérienne guatémaltèque Aero Express. Le C-47 utilisait un registre civil colombien ( HK-303) qui appartenait à un autre aéronef et était déjà soupçonné de passer en fraude. Le C-47 avait quitté la ville de Guatemala à 9 h 39 locales avec un plan de vol pour El Estor, au Guatemala. Peu de temps après le décollage, le pilote a communiqué par radio avec El Estor pour lui annoncer son retour à Guatemala, mais s’est tourné vers le Honduras.
Le C-47 a ignoré les appels radio de l’armée de l’air hondurienne et n’a pas répondu aux signaux de la main du Mystère à l’intérieur de l’espace aérien hondurien. Le jet l’a alors abattu ». Le DC-3 abattu était le 42-24315 pour l’armée, devenu brésilien en 1947 et Aero Express N49454 en 1984. On avait réussi à photographier deux DC-3 sur la piste Papalonal en février 1981, ils « servaient pour transporter des caisses d’armes de Papalonal aux zones d’infiltration de la guérilla dans le sud-est du Salvador. Plusieurs pilotes ont été identifiés au Nicaragua et effectuaient régulièrement cette liaison en El Salvador. La détection radar a également indiqué des vols entre Papalonal et le sud-est du Salvador. »
Notre avion, lui, « disparu » un bon bout de temps des registres officiels, on sait au moins qu’il a été ensuite vendu à Aero-Dyne, de Renton, puis à Salair (à Spokane, qui avait une sub-division appelée « Classic Air » (et qui présentait également un « Dak » baptisé « Miss Spokane« ) et à Saber (à Charlotte), puis acheté par Dodson et ensuite stocké à Covington. Lorsqu’on le retrouve (ici en 2006), c’est une véritable épave abandonnée entourée par les herbes. Il aurait en fait été « abandonné » par défaut de paiement » d’une compagnie (pas citée bien entendu) , puis « récupéré » par Dixie Jet Services à Newmnan en Georgie (c’est Dodson en fait qui se cache derrière ce nom) qui aurait alors tenté de le vendre à un musée belge.
Tous les noms cités (Dodson, Safair, Saber, notamment) et le peu d’infos pendant 50 ans laissent fortement penser qu’il a effectivement volé pour la CIA. Racheté finalement en 2010 par Wells Fargo Bank Northwest Na Trustee, Salt Lake City, il sera restauré en 2019 par Clive Edwards pour Tunison Foundation. L’avion a en effet une particularité raconte ici Jonh Helminiak : son opérateur radio s’appelait Ed Tunison (il est ici à droite sur la photo de gauche, les autres étant Apodaca (crewchief), Vaughn (navigateur), Eckert (co-pilote), et H.Lum (pilote).
« En 2014, nous avons découvert qu’Ed était le seul membre survivant de son équipage en temps de guerre. Ed n’avait pas vu Placid Lassie depuis que l’équipage l’avait ramené d’Europe en Floride en 1945. Lorsque Placid Lassie était au Royaume-Uni pour la célébration du 70e anniversaire du jour J, nous avons amené Ed et son fils à l’événement
. Ed a pris l’avion avec nous lors de nos missions commémoratives et nous lui avons même fait faire un vol. Ed est décédé en 2016. Lorsque nous avons voulu donner un nom à notre fondation à but non lucratif, nous avons pensé à Ed. La fondation Tunsion a été créée en 2017 ». C’est elle aussi qui est à l’origine des traversées vers l’Europe pour ces commémorations. régulières depuis.
Cette année, l’avion a été signé par Franklin Payne, de Winchester, en Virginie, 97 ans surnommé « Tater », le chef de saut de l’avion, le jour J… 75 ans après qu’il soit monté à bord, il n’avait jamais revu l’avion depuis : un moment fort émouvant. !!! L’appareil avait ensuite survolé l’ Arlington National Cemetery où reposent pas mal de ses amis.
Rappel ci-dessous de leur trajet :
Chasseur de mouches devenu dragon
Au côtés du N74589, à Covington, il y avait le N2805J (ici à gauche). Un engin acheté par Dodson, vendeur de pièce détachées et accumulateur de vieilles cellules dans son cimetière personnel. Lui c’est un C-47B-1-DL qui a fait un tour sous l’étiquette du 436th Troop Carrier Group avant de revenir dès juillet 1945 au 302nd AAF BU à Hunter AAF, à Savannah en Georgie. Redevenu C-47D, il est passé au Strategic Air Command au Wendover Army Air Field, dans l’Utah, il fera ensuite un grand trou noir d’activité dans des bases différentes jusqu’en 1961 où il est parqué au célèbre MASDC Davis-Monthan AFB, placé sous cocon.
On le ressort en 1967 pour le ministère de l’agriculture (USDA), portant un étrange logo sur l’empennage. C’est en effet devenu un épandeur de… papillons stérilisés, un procédé que j’ai décrit ici avec des Cessna vendus plus tard à des trafiquants de coke ! L’avion, à droite ici, porte ce logo sur l’empennage : on découvre vite que c’est celui en effet de la campagne d’éradication du fameux papillon ravageur là-bas, qui est le Screwworm,
(La Lucilie bouchère ou Cochliomyia hominivorax ou Milliasse du Nouveau Monde pour sa larve, qui infecte les plaies) . On a lutté contre lui avec une stérilisation par radiations atomiques, rendant les mâles stériles, technique inventée dans les années 50 par Edward Knipling et Raymond Bushland;
« Au début et au milieu du XXe siècle, le ver à vis constituait un problème sérieux, infestant le bétail dans tout le sud des États-Unis et en Amérique centrale. La mouche femelle pondait ses œufs dans la plaie ouverte d’un animal blessé, infectant tout, des vaches, des chèvres et des moutons aux chiens, aux chats et même aux humains. Lorsque les vers larvaires éclosaient, ils se nourrissaient des tissus de l’hôte, agrandissaient la plaie et attiraient davantage de mouches. C’était cette deuxième vague d’attaques qui tuait souvent l’animal. Les décès de bétail coûtent à l’industrie des centaines de millions de dollars par an. » La campagne commencée en 1967 a connu la fin en… 1982 avec l’éradication complète du fléau, aux USA.
Je vous en ai retrouvé un autre encore, arborant fort visiblement le même logo : c’est le N226GB, un C-47A-20-DK, construit tardivement en 1944 enregistré 42-93127 dans l’armée. Il n’a pas participé à la guerre et s’est retrouvé au Navy Air Transport Squadron 9 (VR-9), à NAS Agana, à Guam puis au Squadron 1 (VR-1), de NAS Norfolk, en Virginie. En 48, il est à Charleston, Patuxent River, pour le Navy Electronics Project puis versé à la Civil Aviation Authority comme C-47H.
En 1966 il travaille pour la FAA et il est victime d’un incident (il est tombé dans un fossé) au Los Angeles International Airport et devient N55 puis N67 pour enfin atterrir US Department of Agriculture et lutter lui aussi contre les chenilles dévoreuses, à savoir en Ohio, celles du Gypsy Moth (qui est aussi un nom d’un biplan célèbre en Angleterre et celui figurant dans Out Of Africa).
Il a fini ses jours au musée : celui de Wright-Patterson AFB, dans l’Ohio, puis celui du National Museum of the United States Air Force Loan Program, Wright Field, Dayton, et placé en exposition du South Dakota Air and Space Museum, Ellsworth AFB, Rapid City, en 1983. Il y est photographié ici a gauche le 31 juillet 2016.
En 1980, voici notre exemplaire précédent au World Aircraft Museum, de Mercer Field, à Calhoun où il obtient, à force de bons traitements, un nouveau certificat de vol en N2805J. Il passe ensuite en 1995 chez Georgia Agency Surplus Property, puis chez Dodson International Air, Douglasville, Georgie et en 2000 rejoint le musée de l’American Flight Museum Inc, à Topeka, dans le Kansas.
On le repeint alors aux couleurs de l’AC-47 du loadmaster 1st Class John L. Levitow qui a reçu pour sa 181e mission aérienne à Long Binh , le 24 février 1969
la Medal of Honor. Son appareil avait été touché par un obus de DCA de 82 mm, provoquant plus de 3 500 trous dans la cellule, le transformant en gruyère tôle (cf ici à gauche).
A bord, des « flares » MK-24 à éclats de magnésium risquaient de prendre feu à tout moment et l’une d’entre elles, dégoupillée par Levitow avant l’attaque, risquait d’exploser.
Quoique blessé, il parvint à la jeter dehors évitant le désastre et sauvant ses 4 camarades blessés à bord comme lui. Levitow fera encore 20 missions avant d’être démobilisé. L’engin dont on parle était le premier « gunship » surnommé « Spooky »ou « Puff », (« the Magic Dragon »), un des 26 fabriqués, était équipé de trois mini guns à cannes rotatifs, embarquant 24 000 munitions, montés sur des nacelles (SUU-11/A) pour pouvoir tirer de façon télécommandée via le pilote lui-même, installés côté bâbord. Cet exemplaire, trop lié à la Guerre du Vietnam, n’est logiquement pas venu en Normandie.
Il nous en reste encore plein à voir (et à vérifier), nous les verrons demain, si vous le voulez bien…
(1) en voici la liste : Le C-47A-40-DL Skytrain 42-24064 – Placid Lassie – N74589, le C-53-DO Skytrooper 42-47371 – Spirit of Benovia – N8336C, Cle -53-DO Skytrooper 42-68830 – D-Day Doll – N45366, le C-47-DL Skytrain 42-32833 – Legend Airways ‘Liberty’ – N25641, le C-47A-60-DL 43-30647 – Virginia Ann – N62CC, le C-47B-5-DK 43-48608 – Betsy’s Biscuit Bomber – N47SJ, le C-47A-30-DL 42-23669/FD879 – Flabob Express – N103NA, C-47B-1-DL 43-16340 – Pan Am – N877MG, le C-47A-60-DL 43-30665 – Miss Virginia – N47E, le C-41A 40-0070 Hap-Penstance – N341A, le C-47A-90-DL 43-15731 – Miss Montana – N24320, le C-47B-50-DK 45-1108 – Clipper Tabitha May – N33611, le C-47A-15-DK 42-92847 – That’s All, Brother – N47TB, le DC-3-201 N18121, et le C-47-DL 41-18401 – 101st Airborne Tribute – N150D. Au total 34 avions avaient été confirmés.
la liste complète comprend :
Les DC-3 N41CQ « Congo Queen », Douglas DC-3C N25641 “Liberty”, DC-3 N877MG ,DC-3A N18121, C-53D N45366 “D-Day Doll”, C-47 “That’s all Brother”, C-53 N534BE “The Duchess of Dakota”, C-47 N473DC “Drag ‘em Oot”, C-47 N47SJ « Betsy’s Biscuit Bomber », C-47A N47E “Miss Virginia”, C-53DO N8336C “The Spirit of Benovia” ,C-47B N836M “Luck of the Irish” , DC3A N472AF “KG668”, DC-3 N24320 “Miss Montana”, C-47A RA-2944G, Super DC-3S N29TN, DC-3 SE-CFP “Daisy”, C-47A RA-05738, DC-3A OH-LCH, C-47 ZA947 « Kwicherbichen », DC-3 N33611 « Clipper Tabitha May », C-47 N150D, DC-3 N431HM, C-41A N341A, DC-3 N28AA, DC-3(C-53D) LN-WND, DC-3 “Gamle Dame” OY-BPB, C-47 “Flabob Express” N103NA, DC-3 “Prinses Amalia” PH-PBA, C-47 “Virginia Ann” N62CC, C-47 “Placid Lassie” N74589, Lisunov Li-2 “Kármán Tódor” HA-LIX, DC-3 F-AZOX, C-47 N147DC.
2) j’en avais été averti par mon magazine favori,
(3) à la tête d’Aerowest development, il se présente comme « natural charismatic character » et il est plutôt virulent sur Facebook. Il est membre de RESF49.
– le document de référence sur les Daks de la CIA en Chine est ici :
https://www.utdallas.edu/library/specialcollections/hac/cataam/Leeker/aircraft/c47.pdf
Le document sur Air America et les autres compagnies :
https://www.utdallas.edu/library/specialcollections/hac/cataam/Leeker/history/Cooperation.pdf
La Bible du « Dak » :
http://www.douglasdc3.com
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.