Le 15 mars 2008, voici plus de dix ans déjà, les habitants de la ville de Gerdec, en Albanie, à peine à 14 km de la capitale Tirana, après quelques unes la précédant, entendent une énorme explosion. Certains, sortis sur leur terrasse pour filmer un énorme champignon de fumée qui vient de se former, sont projetés par le souffle à l’intérieur de chez eux. Le nuage, noir, prend la forme d’un champignon de forme…. atomique : ce sont près de 400 tonnes de poudre noire et de carburants divers de missiles qui viennent d’exploser. L’événement a été d’une telle ampleur qu’il a été entendu jusque Skopje, qui est située à 170 km de là pourtant. Il y a aura 26 morts et plus de 300 blessés. Un bilan plutôt étonnant, à voir l’ampleur faramineuse de l’explosion (1) !!! Le site (et toute la région) est complètement ravagé, mais c’est ce qu’on va découvrir après qui va être encore plus surprenant. C’est-à-dire que derrière cette explosion se dissimulait un trafic d’armes d’une ampleur sans précédent. Une noria de gros Illusyhin appartenant à Viktor Bout y était venue en effet régulièrement s’y approvisionner !
Ça commence tout d’abord par un cadeau royal de l’Otan à l’Albanie (qui n’en fait pas alors partie !) en 2003, de 10 millions de dollars, dont 500 000 offerts par les Etats-Unis pour nettoyer les dépôts d’armement et de munitions énormes laissés un peu partout par un régime pro-maoïste complètement paranoïaque. Cela survient la même année où un accord est passé avec la Géorgie pour nettoyer les anciennes bases soviétiques de Ponichala et Chaladidi et celle de Vaziani.
On sait ce qu’il en adviendra également. Une fois regroupés, notamment à Gerdec, on y recense la bagatelle de 104 millions de cartouches de 7,62, le calibre des fameuses Kalachnikovs. Soit assez peu, remarquez, au regard des 839 millions de cartouches volées au même endroit par les Albanais, révoltés en 1997 par l’effondrement du rachat de leur patrimoine espéré ! Le pays d’Enver Hoxha le paranoïaque regorgeait littéralement d’armements en tout genre, à la manière de la Corée du Nord de Kim Jong II.
De toute provenance et toute nature, ou presque, mais principalement de Tchécoslovaquie (de l’époque) et de Chine.
Toutes doivent être aujourd’hui impérativement détruites, car dangereuses, beaucoup étant trop vieilles et ayant plus de 40 ans, voire 50 pour certaines. « Elles avaient été montrées pour la dernière fois en public lors de la parade militaire qu’Enver Hoxha avait organisée pour le 35e anniversaire de la libération de l’Albanie, en novembre 1979« . Dans leurs boîtes de bois (ici à droite), les cartouches sont passées du rouge cuivre au vert de gris, preuve d’une oxydation manifeste et d’un danger potentiel d’éclatement avec la poudre encore contenue dedans. A gauche, les cartons de balles comme ils avaient été déballés à leur arrivée : en vrac, n’importe comment ! Diveroli s’était moqué du monde !
Un ex-président mis en cause
L’Etat albanais, en la personne de son Premier ministre (et ancien président !), Sali Berisha, s’engage donc officiellement, en 2004, devant la communauté internationale et l’Otan, à détruire ces montagnes de munitions, grâce à l’aide financière et logistique de l’Otan, et les cartouches visées sont donc stockées sous les ordres de Ylli Pinari, le directeur de la Meico (Military Export Import Company), la société publique chargée des exportations et des importations d’armes dans le pays. Si l’on comptait au départ sur le slogan électoral anti-corruption de Berisha, « avec des mains propres », on aurait pu s’attendre à une opération sans accrocs. Il n’en sera rien. Le travail sur place était exécuté par Alba Demil, une société dirigée par Mihal Delijorgji (ici à droite).
Dans des conditions parfois ahurissantes, les employés payés à la pièce n’hésitant pas à mettre chez eux toute la famille au travail pour dessertir les balles de leur enveloppe pour ne récupérer que le cuivre, devenu denrée négociable avec la hausse des prix mondiaux des matières premières. Les cuisines personnelles des maisons avoisinantes deviennent des mini-usines d’armement déguisées. Alba Demil est la société albanaise sous-traitante de Southern Ammunitions Company (SAC), société américaine, qui vend partout au plus offrant y compris sur internet… des cartouches de 7,62 ou par exemple seulement les balles… récupérées une à une par des tâcherons albanais, leur enveloppe étant trop avariée. Au tarif actuel de 76 dollars le millier.
On peut être intrigué de voir ces balles vendues ainsi… Il n’y a pas lieu : elles proviennent toutes des dépôts albanais… car l’aide de l’Otan spécifiait de neutraliser les munitions… mais pas pour autant de détruire les balles ! En fait, tout le dépôt principal de Gerdec ayant sauté en mars 2008, comme on a pu vous le conter avec ces visions d’apocalypse, des balles complètes il y en a beaucoup moins depuis quelque temps chez SAC. Tout cela, vous allez me dire, n’explique pas comment elles sont arrivées là, aux Etats-Unis, que ce soit sous formes de balles ou de cartouches complètes. A droite, l’ambassadeur US John L. Withers II mis en place l’année avant l’explosion par Georges W.Bush, et mêlé jusqu’au cou au trafic (2). Le 18 mars 2009, il avait été blanchi par son administration après avoir été pointé du doigt par un attaché, le Maj. Larry D. Harrison II est formellement accusé par le NYT. Les caisses d’armes douteuses avaient en effet été déménagées sous le nez du journaliste, sur ordre de l’ambassadeur !!! Le 30 août 2011, un câble de Wikileaks révélait que le même ambassadeur ne se faisait aucune illusion sur le degré de corruption du pays, touchant les hommes politiques de tous bords et surtout les proches de la présidence. En somme il savait, et il y a activement participé !!!
Les avions de Viktor pour déménager Gerdec
Retour sur le cas des deux jeunes auto-promus vendeurs d’armes, David Pakouz et Ephraïm Diverolis, devenus, on l’a vu, héros de film hollywoodien (voir les épisodes précédents). Ce sont bien les avions de Bout qui vont être réquisitionnés par le jeune entrepreneur sponsorisé par son père et son oncle. Les deux vendeurs d’armes, certainement « grillés » dans des contrats précédents qui s’étaient mal passés (l’oncle ayant une fort mauvaise réputation dans la vente) se sont servis du fils et du neveu comme prête-nom. La première livraison du contrat de 300 millions de dollars signé avec le Pentagone a eu lieue le 16 mars 2007, effectuée par un avion cargo de Victor Bout parti de Bourgas, en Bulgarie. Avec à bord 110 000 grenades. « L’après-midi du 16 mai 2007, un avion cargo Ilyouchine Il-76 grondait sur le tarmac de l’aéroport de Burgas (ou Bourgas) en Bulgarie orientale, sa soute pleine de 110 000 grenades emballées à destination de Kaboul, en Afghanistan. L’ avion a décollé, a grimpé au-dessus des vallons de l’ouest et la mer Noire à l’est, et s’est dirigé vers la guerre « … A 10H30, le jeune Diverol avertit par fax le Pentagone du départ de l’avion. L’avion était parti directement direction Kaboul : « ce ne fut que vers minuit que l’Iliouchine a débarqué et un membre important de l’armée américaine à Kaboul a signé le certificat de conformité du chargement ». Avec ça, allez tenter de faire croire comme au début de cet article que les USA ignoraient avec qui ils travaillaient…. est de l’ordre du mensonge éhonté. A droite, l’Ilyushin IL-76TD EW-76734 de Trans Avia Export (Viktor Bout) au-dessus de Francfort. Un des familiers de l’aéroport de Tirana (Albanie) ou de Bourgas (en Bulgarie).
L’aérodrome de Bourgas et Bout sont deux vieilles connaissances, comme on a déjà pu le voir : à la fin des années 90, c’était son point de départ favori vers l’Afrique : « des enquêteurs de l’ONU ont découvert une petite tranche de ses activités en Angola. De juillet 1997 à octobre 1998, les avions de Bout ont effectué 37 vols à partir de Burgas, en Bulgarie jusque, à Lomé, au Togo, avec des armes destinées aux rebelles de l’UNITA en Angola. Le fret comprenait notamment 20 000 obus de mortier de 82 mm , 6300 roquettes antichars , 790 AK-47, 1 000 lance-roquettes, et 15 millions de balles comme munitions. La valeur totale des envois était estimé à 14 millions de dollars. » Avec une telle somme, il est évident que le tarif requis par Bout pour le transport a dû être également astronomique. Vendre des armes c’est comme vendre de la drogue : ça rend riche. « Un seul contrat avec l’Unità en Angola valait plus de 15 millions de dollars : pour ce prix l’Unità reçut de l’artillerie anti-aérienne, de l’artillerie de terre, des missiles anti-chars, des systèmes de missiles, des projectiles de mortiers, et 20 000 mines. On connaît au moins 38 transactions où Bout a violé des sanctions de l’ONU « nous dit Marco D’Eramo dans l’éditorial du mardi 9 septembre 2003, d’Il Manifesto.
Les américains ne pouvaient ignorer les avions de Viktor Bout
Tout a donc été supervisé par l’armée américaine, signataire du contrat de Diveroli, dans ce transfert : impossible d’ignorer le rôle de Victor Bout, et notre responsable « découvrant » en 2010 seulement les vols de Viktor Bout est soit un farceur, soit un fieffé menteur… Lee Scott Wolosky, l’ancien membre du contre-terrorisme sous Clinton a la mémoire bien trop courte (il est ici à droite en discussion avec le ministre des affaires étrangères saoudiens Adel al Jubier , lui-même ici en photo en bonne compagnie…) ! Moins d’une semaine plus tard après sa première livraison réussie, en effet, l’équipe de Diveroli va à nouveau sabrer le champagne : « 5 jours plus tard AEY (la société aux initiales des trois fils Diveroli), a décollé de Rinas, en Albanie (l’aéroport de Tirana), pour son nouvel envoi de cartouches de 7,62 mm pour AK-47 et de nouveau le champagne coulait à flots « . A Gerdec, en effet, il y en avait du stock : on y recensait la bagatelle de 104 millions de cartouches de 7,62 mm un des calibres parmi les plus employés, car aussi celui de la Kalachnikov d’origine.
A Gerdec, il y avait aussi des responsables. Il n’étaient pas qu’Albanais : le dépôt avait été cédé à une firme locale liée à sa société mère… américaine. « Le 28 décembre 2006, Mihal Delijorgji – un jeune, homme d’affaires talentueux et efficace, enregistre son entreprise, « Albdemil », dont l’objectif principal est le « Démantèlement et l’exportation de toutes sortes de munitions ». Le siège de la société est déclaré à Gerdec. Patrick Henry Cornelius III, un représentant de la société américaine SAC (Southern Company Ammunition Inc, « Société des Munitions du Sud« ), est un co-partenaire de la société Albdemil. Jusqu’à cette époque, « il n’y avait pas de législation en Albanie qui aurait permis à une entreprise privée de faire une entreprise de commerce ou des munitions » note un document sur la corruption du pays. Le dépôt de Gerdec est géré par une firme américaine privée ! Et ce sont les avions de Viktor Bout qui vont le déménager ! Un document de Wikileaks signé par la procureur Ina Rama en date du 19 mars 2008 affirmera le rôle de Southern Ammunition Company et de Patrick Henry Cornelius III ainsi que de Taylor Rodney Spencer, et de leurs contacts directs avec Meicon, l’entreprise nationale albanaise d’armements.
Les Illiouchine de Viktor
Les appareils de Viktor Bout, je les avais déjà retrouvés en juin 2009 : « le premier avion était l’EW-76734 de Transavia Export, (ici en photo, devenu entièrement blanc, parqué à Minsk en avril 2018, mais il semble toujours en état de vol) encore un prête-nom pour Victor Bout, un avion Biélorusse qui sera retiré du service le 31 mai 2009, vu à Burgas et à GellenKirchen en Allemagne, à Kaboul bien entendu, au Congo, à Kindu, à Larnaka, à Chypre, mais aussi à Vatry (à Châlons) à proximité d’un Boeing de Kalitta Air… dont les appareils sont aussi impliqués dans le même trafic (et ont tendance aussi à se crasher facilement comme on va aussi le voir bientôt).
Ici en photo à gauche il était de passage à Châteauroux le 25 août 2007; 3A Kaboul, l’auteur de la photo de l’llyushin 76 de Bout note en 2006 un avion « Apportant de la nourriture et autres fournitures dans le camp de la FIAS à Kaboul sur une base hebdomadaire »… un vol hebdomadaire ???… Bout fournissait bien régulièrement l’armée US à Kaboul même ! En deux ans à peine, Efraïm est devenu riche avec près de 150 contrats signés : « D’ici la fin de l’année 2006, AEY avait gagné 149 contrats d’une valeur estimée à 10,5 millions de dollars. Diveroli louait un Audi A6 noire et avait trouvé un bel appartement, mais autrement, il vivait plutôt chichement. Il préférait un bar local à la scène somptueuse du South Beach club ». Il n’y a pas, l’éducation orthodoxe ça laisse quelques traces… » Issu d’une famille juive pratiquante, le jeune Efraïm Diveroli avait gardé ce mode de vie, malgré des frasques liées à l’alcool qui l’avaient déjà amené au poste de police à 17 ans « . A noter qu’à Vatry, les 25 et 26 juin 2013, il y avait du beau monde ce jour-là (photo Ludovic Bechter) . A gauche le EW-78843 de Transavia, puis vers la droite trois Antonov 12 dont le UR-CAH d’Ukraine Air Alliance, et le UR-CKL un AN-12BK de Cavok Air, le plus coloré , qui fume toujours autant, et à sa droite l’UR-CJN, lui aussi de Charter Ukraine, pas encore Cavok Air, ex Aerovis et pas encore repeint non plus et toujours très actif en 2018, et à l’extrême droite le RA-78835 – ou le 78835, voire le 78831, tous les trois étant présents sur l’aérodrome). A la même époque à Châlons-Vatry on croisera l’Ill-76 EZ-F427 venu du Turkmenistanou le Malabo-Express Ceiba Cargo RA-76384; ex Sayakhat. Il est inscrit en effet en… guinée Equatoriale ! On y verra aussi le RA-76446 de Gazpromavia (ici à Budapest), habitué de Tel Aviv et des bases américaines afghanes. Lui aussi deviendra Ceiba Cargo.
A noter qu’un Antonov 12 de chez Cavok Air, le modèle immatriculé UR-KDM (vu ici Vatry) a connu des déboires à…Gao, au Mali, train avant brisé semble-t-il en mars 2018. L’avion, vert pomme et blanc, fort visible, avait été réquisitionné par l’Economat des Armées et bloquait sur la piste toute l’opération Barkhane alors en cours, avec ses 13 tonnes de chargement toujours à bord. Soulevé par deux véhicules de levage Valmet, posé sur une remorque de porte-char, il avait été déplacé en dehors la piste. Trois mois après, il était toujours où on l’avait placé tant bien que mal. Kavok ne semble pas pressé de le récupérer… l’équipage aurait été nourri sur place par les français (gag).
Ignorer le rôle de Bout, alors que ses avions ont été vus sur toutes les bases de l’Otan en train de croiser leurs avions, comme ce Boeing 707 de 1969 de transport de VIPs ou de soldats, devient en effet impossible. Ignorer ce Boeing, un avion cargo lui aussi ancien de la Sabena et de Jet Charter Services, relève du mensonge. Ou, comme on l’a vu, croisant des avions de Kalitta Airways, paravent connu de la CIA ou à Sharjah, derrière des réacteurs de 707 démontés. Personne n’ignore, à ce moment comme maintenant, que Transavia appartient bien à Viktor Bout. Et tout le monde y fait allusion : « Son influence en Afrique était telle que par le biais de l’une de ces compagnies, la TransAvia Export Cargo Cie, il a permis l’acheminement sur le terrain d’humanitaires et d’agents de l’ONU en Somalie en 1993 ou encore de soldats français au Rwanda en 1994. Selon le journaliste Jean-Michel Vernochet, Viktor Bout a encore acheminé les négociateurs aux Philippines pour la libération des otages du groupe Abou Sayyaf en 2000 et participé aux transports de l’aide humanitaire au Sri Lanka après le Tsunami » note le 5 octobre dernier Yannick Vely dans Paris-Match.
Ignorer Bout via Transavia est donc impossible, car Diveroli appuyait ses commandes à partir du site de Gerdec, via un contrat signé par le Pentagone. Ici une photo extraite du site même de Transavia le 17 juin 2013, affichant un représentant « d‘Airborne Global Solutions” (de Wilmington, USA) en la personne de son « Senior Director, Business Development » Roy Linkner; en compagnie du Directeur de Transavia, Melnik Vadim Grigorievich, parlant au nom de JSC “Transaviaexport Airlines”. L’homme est l’ancien responsable de l’aviation du département des transports de Biélorussie, à Minsk. Linkner est de Southern Air Holdings, et de Southern Air tout court, à savoir deux paravents connus de la CIA. Une fameuse histoire en fait, que ce contrat : ce dépôt avait touché 10 millions de dollars de la communauté internationale, dont 500 000 offerts par les Etats-Unis pour être nettoyé de ses munitions : la poudre devait y être récupérée séparément du cuivre des douilles.
Au lieu de le faire, les albanais vont revendre les cartouches telles quelles…. à savoir des munitions parfois âgées de plus de 50 ans, aux douilles verdâtres, en mauvais état parfois, provenant surtout de Chine, revendues aux américains, dans un montage ahurissant ou tout le monde va se servir au passage. L’ancien premier ministre Sali Berisha, en premier, mais aussi Ylli Pinari, le directeur de la Meico (pour Military Export Import Company), la société chargée de superviser le démantèlement, effectué sur place par Alba Demil, une société dirigée par Mihal Delijorgji.
Difficile à l’administration américaine d’ignorer ce qui se passait à Gerdec pour une deuxième raison : Alba Demil n’est autre que la société albanaise sous-traitante de Southern Ammunitions Company (SAC), une société… américaine véritable maîtresse d’œuvre de l’opération ! A noter que Transavia a bénéficié d’un coup de pouce en « récupérant » en 2015 des Ill-76 restés à l’abandon sur l’aéroport de Minsk; marqués EW-7671, EW-76712, EW-76734, EW-76735, EW-78769, EW-78792 (ici en photo à gauche en 2006 et en 2015).
Corruption à tous les niveaux
La corruption, dans le dossier d’attribution de la gestion du dépôt de Gerdec est évidente : le contrat est un de ces « no bid contract », c’est à dire sans concurrence. « La société américaine SAC, a été choisie (on ne sait pas s’il y avait d’autres sociétés) dans la salle d’attente du Secrétaire Général du Ministère de la Défense, sur la base d’une présentation fournie avec un ordinateur portable présenté par le Colonel Ndreu ». Mais qu’est ce que le SAC ? Southern Ammunition Compagny a été créé en 1975 et son activité principale est de vendre des bicyclettes et des équipements pour les armes sportives, et accessoirement, des munitions. La société est connue pour avoir eu beaucoup de problèmes avec les impôts aux États-Unis et a été 9 fois poursuivie par les autorités fiscales pour ne pas se conformer aux règles. Les journaux albanais prétendent qu’Ammunition Compagny et Patrick Henry III C, est juste une société fantôme qui a vendu son nom américain afin de bénéficier d’armes et du trafic de munitions en Albanie. Baze Mero, un commentateur bien connu de la politique de droite et des partis, fait valoir qu’il existe de bonnes raisons de croire qu’il s’agit d’une pure histoire de corruption venue de haut. » Une société qui vendait des vélos et des pistolets à air comprimé (et de vrais également) est choisie pour démanteler l’un des plus gros dépôts de munition existants au monde : on croit rêver ! En fait de démantèlement, ce sera du trafic et de la revente, via la famille Diveroli-Botach. Et ses « spécialités ». Et ses fournisseurs attitrés comme « Grace-Ammo ».
Un non démantèlement payé par l’Europe…
J’ai expliqué ici la méthode : c’est pourtant simple : la plupart de celles annoncées comme neutralisées ou détruites ne l’ont jamais été… L’Etat albanais, corrompu au dernier degré, sinon au plus haut, a empoché l’aide de l’Otan, et s’est empressé de revendre les cartouches sur les marchés parallèles. Via sa mafia locale, une des plus violentes et des plus sordides de l’Europe. L’Etat albanais a lâché les cartouches de Kalachnikov pour 22 dollars les 1 000, tarif que se sont empressés de multiplier les intermédiaires, en n’oubliant pas d’arroser en retour ceux qui leur avaient offert un si juteux marché. Et donc en priorité Ylli Pinari, étroitement lié à un tout jeune surveillant de transaction : le propre fils du Premier ministre albanais, Shkelzen Berisha (3). Un garçon parfois comparé à d’autres peu recommandables. Les deux sous la responsabilité de Fatmir Mediu, le ministre de la Défense lui-même. Un Mediu qui déclare pourtant (4), le 12 décembre 2007, vouloir « donner » ces munitions à la coalition pour donner le change à la communauté internationale : « Le gouvernement albanais serait prêt à donner l’excès de munitions pour qu’il puisse être utilisé efficacement dans des pays comme l’ Irak et l’Afghanistan pour essayer de construire leurs forces armées pour la paix et la stabilité ».
Donner ce qui a déjà été payé, la belle idée généreuse ! On n’entendra plus jamais cette proposition, faite pour appuyer la demande pressante d’intégration à l’Otan… Bref, une vente sordide, qui n’a pu avoir lieu qu’avec toute une série d’échelons corrompus. A droite ci-dessus les boîtes de fer contenant les cartouches chinoises ouvertes par Diveroli, pour voir leur contenu balancé dans des cartons. A gauche leur contenu et à droite l’ouverture des boîtes de fer dans les caisses de bois, avec les balles périmées. En marge de Diveroli, ci-dessous cette incroyable offre du portail Gun For Sale, pour des enchères portant sur un lot de caisses d’armes… albanaises, offre faite le 16 juin 2005. Selon la publicité « cette enchère concerne des caisses en bois de surplus militaire albanais 7.62x54R. Chaque caisse contient deux boîtes de 440 cartouches scellées pour un total de 880 cartouches de munitions. Ces munitions sont de fabrication récente. Les poinçons sont marqués 1987 et la carte à l’intérieur de chaque boîte scellée a la date à laquelle elle a été emballée en 1988. Chaque caisse est également livrée avec un ouvre-boîte robuste. La balle de balle Full Metal 149 grains Light Ball est sertie dans une douille en laiton, une douille en amorce berdan. La vitesse initiale est d’environ 2800 FPS. À seulement 10 cents par exemplaire, comment pouvez-vous vous tromper ? »… ils ont vendu des balles de Kalachnikov 10 cents pièce !!!
Recours à des intermédiaires intrigants
Pour arriver à vendre ses cartouches albanaises (ex chinoises !), le jeune marchand d’armes de Floride qui manque visiblement d’expérience va en effet contacter Henri Thomet, un trafiquant suisse réputé qui dirige une société chypriote de vente d’armes (ici à droite), Evdin Limited, puis un deuxième individu qui lui sert d’intermédiaire sur place. Thomet possède deux sociétés de vente d’armes : Brugger & Thomet AG et BT International Ltd. Chypre, on le sait, par son statut spécial de pays n’existant pas aux yeux des autres nations, héberge un bon nombre de personnes douteuses. Le chapelet de contacts du jeune vendeur est en fait le même que celui de Viktor Bout. Et cela, le département d’Etat US le sait pertinemment : en 2005, quand les américains décideront de tout bloquer avec lui, ils éditent une très longue liste d’adresses le concernant : on y trouve Air Zori ou Air Zori LTD, qui possède deux adresses de sièges : l’une en Bulgarie, 54 G.M. Dimitrov Blvd, Sofia BG-1125, l’autre à Chypre : 6 Zenas Kanther Str, Nicosia 1065, Cyprus… Heinrich Thomet (ici à droite) travaille lui avec Shmuel Avivi, de Talon (« an arms-brokering company “based in Tel Aviv, Israel”), qui livre régulièrement « l’US Socom business”. Via Taos, une société installée à Madison, Alabama, mais qui est aussi présente à Belgrade, pour fournir le Socom (à droite un extrait du livre « L’Affaire Petraeus », de Wayne Madsen, qui précise ce qu’est Taos (et affirme que Petraeus a bien trahi Obama).. Autrement dit le célèbre U.S. Army Special Operations Command, les petits malins de Fort Bragg ! Créé en 1989, et dont le but est d’effectuer la logistique des Special Operations Forces. Bref, l’opération Diveroli de fournitures de vieilles munitions avariées est une « black op« , à savoir une opération liée au secret des opérations à part, cachées au Congrès.
Le Pentagone achète ses propres munitions à des trafiquants reconnus, quand il s’agît de ne pas laisser de traces officielles ! Achète, mais ne gère pas précisément le stock : c’est ainsi qu’en 2007 on va constater la disparition d’une centaine de tonnes d’armes, deux ans après les faits. « De grandes quantités de petites armes légères de la Bosnie-Herzégovine, des stocks de guerre et des dizaines de millions de munitions ont été exportées et soi-disant envoyés en Irak par une chaîne de courtiers privés, et leurs entrepreneurs de transport, sous l’égide des États-Unis et le Department of Defense (DoD) entre le 31 juillet 2004 et le 31 juin 2005, selon des sources au sein de l’UE dirigée par les forces de paix (EUFOR) l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et le Bureau du Haut Représentant (OHR). Cependant, de savoir si une série d’expéditions de fusils d’assaut AK47 documentés comme pesant 99 tonnes au total on atteint ou non l’Irak est impossible à déterniner » dit un excellent rapport implacable d’Amnesty International. Cent tonnes d’armement, dont on a perdu toute trace… Viktor Bout aurait-il joué avec le feu en 2005 en détournant ces 100 tonnes, soit au bas mot le contenu de deux Il-76 ? Force est de constater que les poursuites contre lui coïncident pile avec cette étrange disparition… Mais comment donc peut-on égarer 100 tonnes d’armes ? Cent tonnes !! Cela défie l’entendement ! 110 000 Kalachnikov et 80 000 pistolets disséminées dans la nature (plus , 80 000 gilets pare-balles et 25 000 casques !!! Selon David Isenberg d’Asia Times, le cas des armes perdues, c’est celui d’Alice au Pays des Merveilles !
« Le renard qui garde le poulailler »
Selon Isenberg en effet, les USA ne pouvaient avoir ignoré le rôle de Viktor Bout dans l’affaire : « et, dans un geste qui ne peut être assimilé qu’au renard gardant le poulailler (5), il s’est avéré, comme le rapportait le Los Angeles Times du 13 août, qu’il y avait peut-être eu un autre facteur à l’œuvre, à savoir l’utilisation de Viktor Bout par le gouvernement américain. Bout, un transporteur aérien russe qui se trouve être également le marchand d’armes le plus notoire au monde. Lorsque le gouvernement américain a dû faire voler quatre avions saisis d’armes de Bosnie aux forces de sécurité irakiennes à Bagdad en août 2004, il a utilisé Aerocom » (ici à droite le ER-IBE de la firme, c’est l’ex cubain CU-C1258 dont Bout n’a enlevé que la couleur bleue comme on peut le constater : tout est fait à l’économie, même la peinture !)..
« Mais Aerocom est liée à l’empire de l’aviation de Bout. Le problème est que les avions ne sont apparemment jamais arrivés. Les responsables américains ont reconnu qu’ils n’avaient aucune trace de vols d’atterrissage à Bagdad. Pourquoi le gouvernement américain aurait-il eu recours à Aerocom, une entreprise contrôlée par Bout – qui avait déjà été liée à la fourniture d’armes au Libéria quand il était dirigé par Charles Taylor et des trafiquants de drogue au Belize – est un mystère en soi, étant donné qu’en 2004, Bout était très bien connu du gouvernement des États-Unis en tant que livreur d’armes à feu qu’ils voulaient mettre hors service. Les derniers développements ont eu lieu cette semaine lorsqu’il a été rapporté que les enquêteurs italiens anti-mafia avaient découvert un envoi présumé de 105 000 fusils que le commandement militaire américain en Irak ignorait.
L’équipe italienne, dans le cadre d’une enquête intitulée Operation Parabellum, a mis fin à la vente de 40 millions de dollars et procédé à quatre arrestations. L’envoi semble avoir été commandé par le ministère irakien de l’Intérieur. Le haut commandement américain à Bagdad a avoué ne pas avoir connaissance d’un tel ordre, bien que le ministère soit censé en informer les États-Unis avant d’acheter des armes. Un responsable du ministère irakien de l’Intérieur a affirmé que les armes étaient principalement destinées à la police irakienne dans la province d’al-Anbar. Toutefois, étant donné les relations étroites entre le gouvernement dirigé par les chiites et les milices chiites et le caractère irrégulier de l’ordre armé, la divulgation a incité à penser que les milices ou les unités de police proches de ces miliciens auraient pu être leur destination. Mais aussi, pourquoi la police d’Anbar aurait besoin de plus d’armes soulève plus de questions. Le Pentagone a envoyé 169 280 AK-47, 167 789 pistolets et 16 398 mitrailleuses aux 161 000 policiers irakiens et 28 000 aux policiers des frontières. » Et il y a une responsabilité à cette gabegie comme l’évoquait The Gardian :
« Les États-Unis ont dépensé 19,2 milliards de dollars (9,4 milliards de livres sterling) pour essayer de développer les forces de sécurité irakiennes depuis 2003, dont au moins 2,8 milliards de dollars pour l’achat et la livraison d’équipements, selon le GAO. Cependant, selon le scrutateur, la distribution des armes a été précipitée et n’a pas suivi les procédures établies, en particulier en 2004 et 2005. Pendant cette période, la formation à la sécurité était dirigée par le général David Petraeus, aujourd’hui le plus haut commandant américain en Irak ». On aurait voulu le faire exprès qu’on ne s’y serait pas pris autrement. Ou alors, Petraeus a été d’une incompétence rare. Il ne semblait pas pourtant à l’époque occupé à contre fleurette à sa biographe… Paula Broadwell (ici à droite)…
Deux renards pris dans la nasse, en Suisse
A noter que l’affaire Avivi, en 2012, avait été d’avoir détourné à son seul profit ceux destinés au pays qu’il représentait… une condamnation présentée ici par Israel Défense : « le Col Avivi, avocat de la FDI en Suisse de 2002 à 2005, a été accusé d’avoir tiré parti de son poste d’attaché en promouvant ses affaires personnelles – un grave conflit d’intérêts et une violation de la confiance. L’affaire est l’une des pires dans lesquelles un officier supérieur des FDI a été accusé. Conformément à la négociation de plaidoyer, Avivi, représentée par son avocat Talia Gridish du cabinet d’avocats Shashi Gaz, effectuera trois mois de travaux collectifs au pensionnat de Kfar Yarok et s’acquittera d’une amende de 70 000 NIS. Heinrich Thomet, le marchand d’armes suisse, a déclaré qu’il avait été accusé de violation de confiance, au lieu de la première accusation plus grave de corruption, qui consistait à entretenir des liens. L’objectif initial d’Avivi était de promouvoir les industries de défense israéliennes par le biais de Thomet. Cependant, Avivi a rapidement commencé à placer les marchands d’armes suisses devant la défense israélienne. De plus, tout en restant attaché militaire, Avivi a aidé Thomet et un autre partenaire suisse dans la création de Talon Security Consulting and Trade Ltd. en Israël. Le but de ces sociétés était de faire le commerce d’armes en dehors d’Israël. Selon l’acte d’accusation, Avivi a pris une part active à la gestion des sociétés, détenant un téléphone portable en leur nom, et a même recruté Gad Peterson et le commandant de la police à la retraite, Alik Ron, pour promouvoir les affaires de la société. Au cours de la même période, il dirigeait Thomet et les sociétés établies en Israël depuis les bureaux de l’attaché suisse et la maison que lui louaient les FDI à l’étranger. Il a également promu les contrats et pris en charge les contrats de vente, les propositions de prix, les factures commerciales et les formulaires de transfert de devises. Il avait même participé à des négociations au nom des sociétés avant de terminer son travail en tant qu’agent des FDI. L’accusation a affirmé qu’en échange de ses activités de promotion et de développement des entreprises de Thomet, le colonel Avivi a perçu des avantages pour lui-même et son épouse, dont le Land Cruiser à 326 191 NIS et un salaire de 101,000 NIS offert à sa femme – une employée de Talon. » Le profit personnel avant tout : on est loin d’une quelconque implication politique ou idéologique, très loin même ! Le Temps avait parfaitement résumé l’affaire ici, avec ce rappel important : « Amnesty International s’est intéressée à ses activités dans un rapport daté de 2006 et dans un autre daté de 2009, qui présentait l’homme d’affaires helvétique comme un vendeur d’armes transférant du matériel de l’ex-Yougoslavie en Irak ». On retrouvera pourtant Thomet comme actionnaire principal de Tara Aerospace, situé au Montenegro et impliqué dans la fourniture de munitions au gouvernement américain en 2017 par l’intermédiaire de l’un de ses principaux sous-traitants, le géant britannique de la défense Chemring. En 2009, Talon avait répondu à une demande de fourniture de Gilbert Teodoro, le secrétaire de la Défense des Philippines pour des obus de mortier, pour 500 millions de pesos philippins (un peu plus de 800 000 dollars), mais il avait falsifié ses papiers… Teodoro venait de découvrir que ce qu’il avait commandé comme neuf était en fait de vieux obus de mortiers de l’ère soviétique !!! Toujours la même source, on ne change pas de procédé !
L’entrée en lice d’Aerocom
Les armes délivrées par Taos ont été transportées, elles, par Aerocom (ici à droite le ER-IBV en photo à Chisinau, son fief moldave, et à gauche à Budapest et plus bas à droite à Bratislava , en Slovaquie), l’une des deux sociétés Moldaves de… Victor Bout, et ont bien été commanditées par le Department of Defense américain nous dit également Amnesty, qui dénonce la gabegie et le manque de sérieux des opérations :
« Le DoD américain et son sous-traitant principal des États-Unis, Taos, ne semblent pas avoir un système efficace pour veiller à ce que leurs sous-traitants et sous-traitants n’utilisent pas les entreprises qui violent les embargos des Nations Unies, ni également de ne pas utiliser les entreprises de fret aérien pour les livraisons d’armes qui n’ont pas de certificat valable d’opérer, malgré les clauses relatives à la conduite illégale, par les entrepreneurs et sous-traitant dans les accords d’approvisionnement du DoD, dans la fourniture à l’Irak.
« Je trouve choquant qu’elle (une entreprise de courtage bulgares) ait utilisé une entreprise (une compagnie sans licence moldave de fret aérien, Aerocom, qui avait violé un embargo sur les armes) impliquée dans la contrebande » note un militaire US, rapporté par Amnesty. En résumé, les avions utilisés étaient illégaux et le département d’Etat US avait fermé les yeux !
En 2007 encore, les avions de Viktor Bout achemineront à l’armée US d’autres ventes d’Efraïm Diveroli, dont des gilets pare-balles, des lampes à forte intensité et des viseurs à amplification de lumière (à gauche le ER-IBV à…Ostende, le 13 mai 2001!). « En février 2007, le département d’Etat a signé un ordre d’achat de 70 330 $ pour la fourniture par AEY de gilets pare-balle. Également en février 2007, le Département d’Etat a signé un ordre d’achat de 166 357 $ pour AEY pour 340 systèmes d’armes Halographic et 400 RICO Alpha 9 Systèmes. En juin 2007, le Département d’Etat a signé un ordre d’achat 34 878 $ pour davantage de gilets pare-balles. »
( à gauche le TL-ACU de Ilyushin Il-76· Centrafrican Airlines (CET) appartenant à Viktor Bout), à droite le même à Ras Al Khaimah International aux Emirats Arabes Unis en 2001). Des ventes toutes droit sorties du catalogue de son oncle Botach !! Catalogue dans lequel elles sont présentées comme des « BlackWater I-O Hard Armor Plate Carrier Vests » ou des « BlackHawk », vendues de 25 à 120 dollars pièce. Le contrat de l’armée est clairement défini. Le 19 mars 2007, l’armée US le publie officiellement : « AEY Inc, Miami Beach, en Floride, a reçu le 13 mars 2007, un montant de 48 717 553 dollars, dans le cadre d’un contrat total de 298 004 398 dollars pour des munitions diverses destinées aux Forces de sécurité en Afghanistan.
Le travail sera effectué à Miami, en Floride, et devrait être achevé d’ici le 30 décembre 2008. Les versements des fonds du contrat n’expireront pas à la fin de l’année fiscale. Un nombre important d’appels d’offres avaient été lancés par l’intermédiaire du World Wide Web le 28 Juillet 2007, et dix offres avaient été reçues. L’US Army Sustainment Command, Rock Island, Illinois, est chargé de la réalisation du contrat (N° W52P1J-07-D-0004). « Or cette année là, c’est le plus gros contrat de l’armée américaine, et de loin. Le second est remis à General Dynamics, et il est de 114 millions « seulement » pour développer un « Expeditionary Fighting Vehicle » amphibie... une énième « danseuse » au Pentagone. L’engin était en effet toujours en développement en 2011… sur le contrat de Diveroli, nulle indication du transporteur recommandé ou à utiliser… Ce sera Viktor Bout.
Toujours retenu malgré un CV déplorable
Et ce n’est pas fini encore, comme je l’avais déjà précisé : « Efraïm vend toujours en 2007 et 2008, alors que dès 2006 déjà, des gens, au sein de l’armée s’étaient posés de sérieuses questions à son encontre, révèle l’enquête du Congrès. « AEY et son président, Efraim Diveroli, étaient sur la liste d’alerte dès avril 2006 sous la surveillance de l’ US Immigration and Customs Enforcement (ICE) qui avait ouvert une enquête de la société en 2005 pour « de nombreuses violations de la Loi sur les exportations d’armes et des contrats frauduleux », selon le Comité de Surveillance de la Chambre « . Néanmoins, l’état fédéral lui passe encore commande pour plus de 100 000 dollars d’armes : « pourtant, selon un site Web du gouvernement qui suit les activités relatives aux marchés du gouvernement fédéral, le Département d’Etat au 1 décembre 2006, a signé un ordre d’achat de 113 967 dollars avec AEY pour fournir un lot de mitrailleuses légères K3″. Le 12 décembre 2006, pourtant, une enquête du Département d’Etat avait conclu à de nombreuses inquiétudes (« suspicions ») à l’encontre d’AEY : « Il semble y avoir plusieurs caractéristiques suspectes chez cette société, y compris le fait que Diveroli est seulement âgé de 21 ans et a négocié ou a concouru pour plusieurs millions de dollars impliquant des fusils d’assaut semi-automatiques. Les futures demandes de licence impliquant Diveroli et / ou son entreprise doivent être soigneusement examinées. « .. . note le vérificateur. Et pourtant rien de tout cela ne va se faire. Ce qui ne peut s’expliquer que par des protections en haut lieu… en échange sans doute de part de gâteau (des responsables militaires américains ?). Ceci jusqu’en mars 2008, où sa licence de vente lui sera enfin retirée. Durant toute la période, vendeur comme transporteur ont agi en toute impunité, pour des montants de contrats assez faramineux. A droite, Mitchell Howell de la Defense Contract Management Agency; le Brigadier Général William N. Phillips; et Jeffrey P. Parsons de l’Army Contracting Command lors de leur audition, venus pur dire qu’ils ignoraient tout du passé de petite frappe de Diveroli : un must, dans le genre langue de bois… on peut regarder ici les débats. L’homme qui parle est le républicain Stephen F.Lynch, bien énervé à rappeler l’âge du « contractor »… « une honte », dit-il, martèle-t-il plutôt ! Aujourd’hui il vient de s’apercevoir que Poutine a fait élire Trump. Comme quoi tout arrive !
Un dépôt qui saute au bon moment
La licence de vente est jetée au panier alors que le mois précédent Gerdec a sauté, emmenant tous ses secrets dans une explosion qui sera ressentie par les sismographes européens (ou même l’émission de TV Big Brother locale. A-t-on décidé de s’en séparer ? Le dossier de Diveroli n’était-il pas une patate chaude que personne ne voulait plus assumer ? Etrange, fort étrange coïncidence comme enchaînement. Gerdec saute le 15 mars 2008, les contrats de Diveroli sont rompus à la même date… Quelqu’un a-t-il cherché à volatiliser la manne de Diveroli ? Le gouvernement albanais a-t-il cherché à supprimer ce qui pouvait être un scandale énorme ? Un concurrent évincé de la SAC s’est-il vengé ? Toutes les options sont possibles ! Huit jours auparavant, le 6 mars 2008, vingt jours avant la parution de l’article du NYT sur les découvertes des munitions de Gerdec chez les… talibans, Victor Bout, dont les avions remplis de munitions faisaient encore des rotations à Rinas…, était arrêté et emprisonné en Thaïlande. Les américains venaient de retrouver une partie des 99 tonnes de munitions disparues ? Ou plutôt : le New-York Times avait trouvé ce qu’il n’aurait jamais dû trouver… ???
15 fois les besoins de l’armée anglaise !
Les américains avaient acheté en effet en une seule année près de 80 millions de cartouches et 100 000 roquettes pour bazookas RPG-7, soit, comme le dit le journal anglais Daily Telegraph : 15 fois les besoins de l’armée anglaise !!! L’armée afghane avait-elle besoin de 100 000 roquettes ? Les talibans ne disposent en face d’aucun char ! A qui d’autre pouvait être destiné cette incroyable commande ? Là est bien la question : Bout aurait-il servi à l’impensable ? Questionné, le gouvernement de G.W.Bush avait eu cette incroyable répartie : « l’administration Bush a dit vouloir la traiter en raison des inquiétudes que le prochain président pourrait être un démocrate, éventuellement Hillary Clinton, qui pourrait abandonner l’Afghanistan « . C’était grotesque comme réponse, et renforçait surtout l’idée d’un armement… d’en face, pour faire durer la guerre plutôt que de chercher à l’arrêter faute de munitions ! « Abandonner l’Afghanistan », ou y faire perdurer une guerre rémunératrice pour certains ? Viktor Bout n’aurait été qu’un maillon, certes, mais qui savait à qui était destiné véritablement ces millions de balles transportées : il savait d’où elle venaient (de Gerdec) et à qui elles étaient destinées… (en définitive… aux Talibans !) !
Un intermédiaire gênant « out » …
Que ce soit avec Aerocom ou Transavia Export, le Pentagone a donc bien signé des contrats de transport avec des sociétés dont les américains ne pouvaient ignorer le propriétaire : en 2005 quand on commence enfin à s’attaquer à Viktor Bout, dans la liste des société désormais interdites, les deux figurent en bonne place. Or le contrat de 300 millions de dollars du jeune broker en armement a commencé à être effectif le 16 mars 2007 alors qu’un mandat belge vise Viktor Bout depuis 2002 !
Pire encore : placé en difficulté par un sous-traitant local, Kosta Trebicka, et sa société Xhoi Ltd, Efraïm Diveroli fera appel à l’aide de… l’ambassadeur américain en Albanie, John L. Withers II, qui allait l’aider à se dépêtrer à la fois des paperasseries et des pressions du fils de l’ancien président, Shkelzen Berisha.
Pour ce qui est de son intermédiaire sur place, Kosta Trebicka, on le retrouvera raide mort, éjecté de son 4×4 à plus de 45 mètres de sa voiture en pleine rase campagne, sur une piste où il n’y avait aucun obstacle. La police locale conclura à une faute de pilotage… dans le milieu des vendeurs d’armes, on a le volant difficile, sans doute. Surtout quand on envoie à la presse une cassette dénonçant le fils du premier ministre albanais comme responsable d’un gigantesque trafic d’armes !
Un second ?
Il y en a eu une autre de victime dans ce jeu infernal : Sokol Olldashi, du parti démocrate au Parlement albanais, devenu en 2009 le ministre des Travaux publics et des Transports au sein du gouvernement albanais. Sa voiture, une Mercedes Benz S550Matic est sortie de la route Elbasan-Tirana le 20 novembre 2013, au niveau du monument de Krraba, alors qu’il voyageait avec sa voiture immatriculée AA003HN et « alors qu’il roulait paraît-il à vive allure » selon les premières constatations.
Or une enquête menée par des journalistes montrait que sa voiture devait rouler à moins de 53 km/h dans le virage où il est tombé et que, le lendemain, l’endroit où elle avait versé avait été entièrement brûlé, alors qu’aucun incendie ne s’était déclaré lors de l’accident ou après. Mais cette fois pas question d’armes ou de ventes d’armes : la mort d’Olldashi intéressa l’un des deux principaux politiciens du pays: Lulzim Basha ou Edi Rama. Selon des journalistes Olldashi était en train de créer une faction au sein du parti au pouvoir, avec le soutien d’un petit nombre de députés au sein du groupe parlementaire. Ennuyeux pour Lulzim Basha, le maire de Tirana (soutenant Sali Berisha) ou Edi Rama (son ancien adversaire socialiste), selon eux.
PS : en 2010, alors qu’on le pensait réfugié en Israël depuis 2008 car placé sous la menace d’un mandat d’arrêt du FBI, sur plainte du Pentagone pour fournitures de munitions défectueuses (des balles de mauvaise qualité avaient explosé ou fait long feu dans les Kalachnokovs !), Efraïm Diveroli a resurgi (passablement grossi)….tranquillement, en Floride ! Logiquement, il aurait dû recevoir la sentence de son jugement, ici, en novembre 2010 (6). Il s’est fait arrêter une deuxième fois le 25 août… en train de tenter de vendre… devinez quoi ? « De larges quantités de munitions » (des lots de chargeurs de 100 balles pour Kalachnikovs en fait) à des agents déguisés du FBI ! Il n’avait rien trouvé de mieux que de leur raconter qu’il importait des munitions de Corée du Sud, maintenant. Plus surprenant encore : l’homme, qui attendait son jugement, avait recommencé avec le même nom de société qu’en 2007, AmmoWorks (ici à droite sa publicité : tout le bon goût de la personne dans une seule présentation) ! Mais avait aussi créé depuis Advanced Munitions Distribution (qui dispose d’un site Web), Inc et Pinnacle Minerals Corporation (cette dernière société ayant curieusement son site dispo en arabe !). Parmi ses nouveaux associés, un dénommé Dejan Djuric, 29 an
s, possédant une société appelée Balkan Export LLC (5). On croit rêver, mais non. Il vendait des armes sur le net avec le même nom de société avec laquelle il était recherché depuis deux années… Et le FBI l’ignorait ? Impossible à penser ! Et deux ans auparavant, le croirez-vous, le nom de Djuric était déjà apparu…. lors de l’explosion du dépôt de Gerdec ! Rideau là ! Il faudra attendre 2016 pour que l’oncle, BarKochba Botach de Botach Tactical Inc, soit inculpé de vente illégale d’armes à des civils… dont un utilisé lors d’un homicide. Le Our Weekly de Los Angeles (ici à gauche) avait parlé de l’affaire en affichant une couverture provocante… pour les riverains de l’oncle vendeur. Botach Tactical vend toujours. Sur la famille Botach, lire ceci.
(1) Le 13 mars 2012, les familles dépitées des 26 victimes et des 300 blessés apprenaient que la justice albanaise condamnait Dritan Minxholi, le manager du site, à 18 ans de prison pour négligence mortelle, ainsi que le responsable de la société d’exportation, Ylli Pinari, pour 18 aussi pendant que Mihal Delijorgji, le propriétaire d’Alba-Demil, écopait de dix ans. L’ancien responsable militaire albanais Luan Hoxha, avait hérité de 6 ans de prison. Aucun américain de condamné, et aucun allusion au fils de l’ex- président dans le verdict.
(2) les liens entre l’ambassadeur et Ephraïm Diveroli, un jeune juif, s’expliquent par ce lien surprenant décrit ici… (ici le document d’origine et là un plus long texte). Des liens d’amitié vers la communauté juive car l’avion du père de l’ambassadeur a été déterminant pour deux d’entre eux pendant la guerre. Diveroli, physiquement, a pas mal changé depuis ; il ressemble de plus en plus à l’acteur qui a joué son rôle dans le fils War Dogs !
(3) C’est en effet le fils du président, Shkelzen Bersiha vers qui tous se tournaient : « Par exemple, une fuite de téléphone révèle que quelques heures seulement après l’explosion de Gerdec, le 15 mars 2008, le ministre de la Défense, Medius, avait téléphoné à quatre reprises au fils de Berisha. En outre, Mihal Delijorgji, propriétaire de Albademil (la société opérant à Gerdec) a téléphoné à Shkëlzenin 30 minutes seulement après l’explosion. Les journaux ont également noté que de janvier à l’épidémie, Delijorgji avait appelé Shkelzen 56 fois. En outre, des secrétaires du ministère de la Défense ont confisqué des notes qui montrent qu’en 2007 et 2008, l’ancien ministre Mediu a eu de fréquentes réunions avec Shkelzen. Lors d’une réunion, Shkëlzeni a affirmé que Mediu augmenterait le rythme d’approvisionnement en munitions de Gërdec Au cours d’un témoignage, le secrétaire de la justice, Albo Bumçi, a montré au moins deux réunions entre Bumci et Shkëlzen en 2007. Et interrogée sur une lettre que Bumci avait envoyée à Mediu pour approuver le projet de loi qui ouvrirait la voie au démantèlement à Gerdec, elle a confirmé que Bumci avait inscrit sur le capuchon « Pour Shkelzen Berisha ». »
(4) Dans un fort étonnant texte signé Penn Bullock, journaliste freelance mordant paru New-York Times, celle-ci relie l’affaire à un obscur groupe hyper-catholique, appelé « “The Fellowship » , comprenant par exemple Mark Sanford et John Ensign (plutôt en perte de vitesse) et qui, sévissant dans les couloirs de Washington, s’appellent entre eux « la mafia chrétienne », avait reçu Fatmir Mediu après la catastrophe. Selon elle « dans des conversations au téléphone enregistrées secrètement sur le téléphone portable, le jeune Diveroli a laissé entendre qu’il avait soudoyé et cajolé une « mafia » albanaise monolithique qui a été transmise au « Premier ministre du pays » et à son fils. Le Times a également relayé les allégations d’un dénonciateur albanais qui a déclaré que le ministre de la défense Fatmir Mediu avait bénéficié des 300 millions de dollars alloués aux pots de vin. Mediu l’a nié. Mais, corroborant cette accusation, un major de l’armée a déclaré à une enquête du Congrès qu’il avait assisté à une réunion nocturne entre Mediu et l’ambassadeur américain en Albanie, John Withers – lors de laquelle Mediu s’était inquiété de l’enquête serrée du Times et a insisté en exigeant que les « États-Unis » lui devaient quelque chose. « Selon le récit du major de l’armée, Mediu et l’Ambassadeur les États-Unis ont accepté de dissimuler le plan de munition chinoises. L’enquête du Congrès a porté sur l’obscurcissement du département d’Etat, qui a ensuite ouvert une enquête sur l’ambassadeur. » La journaliste concluant que « sans l’appui du petit-déjeuner de prière quasi officiel, il est peu probable que Mediu ait rencontré le vice-président, le président de la Chambre et de puissants sénateurs et membres du Congrès – le tout en une semaine et sous le coup d’une accusation imminente et d’allégations selon lesquelles il aurait conspiré contre les États-Unis »...
(5) l’illustration est celle du dessin animé « Le Grand Méchant Renard et autres contes » de Benjamin Renner, Patrick Imbert, dont je salue ici le travail… désopilant.
(6) Parmi les exclusions de vente fédérales pour infractions annoncées en ligne par l’état US faite par le United States General Services Administration (GSA), on trouve en bonne place :
« Advanced Munitions Distribution, Inc. », « 2228 Park Avenue », « Unit 2 », « Miami Beach », , FL, , « 33139 », « (Also AEY, Inc. (Primary Record) ; Balkan Export, Inc. ; Diveroli, Efraim ; Djuric, Dejan, Mr. ; LOW, LLC ; Monahan, Aaron L., Mr. ; Pinnacle Minerals Corporation ; Shprecher, Jacob Franklin, Mr. ; aka Shprecher, Jake, Mr.) », « B », « ARMY », « 28-Sep-2010 », « Indef.
« Balkan Export, Inc. », « 2228 Park Avenue », , « Unit 2 », , FL, , « 33139 », « (Also AEY, Inc. (Primary Record) ; Advanced Munitions Distribution, Inc. ; Diveroli, Efraim ; Djuric, Dejan, Mr. ; LOW, LLC ; Monahan, Aaron L., Mr. ; Pinnacle Minerals Corporation ; Shprecher, Jacob Franklin, Mr. ; aka Shprecher, Jake, Mr.) », « B », « ARMY », « 28-Sep-2010 », « Indef. »
« Djuric, Dejan, Mr. », , « Miami Beach », , FL, , « 33139 », « (Also AEY, Inc. (Primary Record) ; Advanced Munitions Distribution, Inc. ; Balkan Export, Inc. ; Diveroli, Efraim ; LOW, LLC ; Monahan, Aaron L., Mr. ; Pinnacle Minerals Corporation ; Shprecher, Jacob Franklin, Mr. ; aka Shprecher, Jake, Mr.) », « B », « ARMY », « 28-Sep-2010 », « Indef. »
Le gag de la liste étant Jacob Franklin Shprecher, lié à la firme JBI, une firme privée de recouvrement d’emprunts fédéraux…. !!!
Le document de base de cet article est « How corruption and lack of accountability can set a country on fire : The tragic tale of ammunition trade in Albania », visible ici :
http://bjoerna.net/balkan-dokumenter/ALB-the-tragic-tale.pdf
un document sur l’affaire de Gerdec :
http://bjoerna.net/balkan-dokumenter/ALB-the-tragic-tale.pdf
sur Diveroli on peut lire les nombreux dossiers où j’ai abordé son rôle notamment :
dans la série des « Cargos » :
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/cargos-de-nuit-vague-no-5-39844
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/cargos-de-nuit-vague-no-6-40204
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/cargos-de-nuit-vagues-no-7-ou-a-44659
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/cargos-de-nuit-vague-no-8-44660
http://www.rasrinitiative.org/pdfs/workshop-9/RASR-Workshop-9-PPT-Albania.pdf
https://www.occrp.org/en/wardogmillionaire/made-in-china-how-czech-companies-bought-tens-of-millions-of-rounds-of-old-ammunition
A note qu’en 2017, 50 personnes ont été blessées lors d’une explosion dans un camp militaire près du village de Primorsko en Abkhazie. Là encore un dépôt d’armes qui a explosé. En Abkhazie, des munitions jonchent partout les sols. L’explosion du jour en aurait répandu 100 000 ! Un autre Gerdec n’est certes plus possible, mais combien de dépôts mal sécurisés existent encore dans les ex pays soviétiques, le problème subsiste…
Le journal citoyen est une tribune. Les opinions qu’on y retrouve sont propres à leurs auteurs.
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